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Le business du Luxe en Afrique, mythe ou réalité ?

Publié le par Journal du Luxe

Le Club des Chroniqueurs du Journal du Luxe présente en exclusivité la nouvelle chronique de Ramata Diallo, consultante en stratégie marketing au sein de Fashion Consulting Paris. 

Alara, un Temple du Luxe en Afrique

Alara
©Alara

A 6 heures de vol de Paris et 1 heure de décalage horaire, Lagos capitale économique du Nigeria est un pilier de l’industrie créative de l’Afrique de l’Ouest. Au coeur de la ville, Alara, un imposant immeuble ocre et noir de 9 mètres de haut, propose une curation d’articles de luxe. Conçu par David Adjaye, l’architecte qui a réalisé le Musée de l’histoire de la culture afro-américaine de Washington, le concept a ouvert ses portes en 2015. Reni Folawiyo est à l’initiative du projet. Avocate et femme d’affaires accomplie, elle est mariée à Tundé Folawiyo, un puissant homme d’affaires qui a fait fortune dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie et de l’immobilier. Ce “power couple” nigérian compte parmi les millionnaires de la première puissance économique africaine. Alara a donc naturellement été pensé pour l’élite. 

Chaque détail a son importance pour offrir une expérience unique aux visiteurs. Par exemple, l’emplacement du restaurant Nok by Alara, accroché à l’arrière de l’immeuble comme pour préserver une certaine discrétion et cultiver un effet de surprise. Idéal pour les rendez vous d’affaires, l’endroit est prisé par les célébrités et les personnalités influentes. Cet espace exclusif est rapidement devenu une référence au delà des frontières du Nigéria. Le terme Alara qui signifie ​“the wondrous performer”, le merveilleux, semble parfaitement choisi. Il convient de saluer cette initiative privée d’investisseurs passionnés qui ambitionnent de devenir des leaders d’une industrie du luxe à fort potentiel. Il ne s’agit pas de reproduire un concept occidental, un “Merci” ou un “Colette”. Il s’agit d’entreprendre localement avec une perspective panafricaine et une analyse du comportement des consommateurs les plus aisés du continent.

Un concept premium Made in Africa

© Alara

Ainsi, la fondatrice s’appuie sur un solide réseau de potentiels clients fortunés en quête de moments de vie inédits. Elle entretient également des relations privilégiées avec, d’une part, les entrepreneurs créatifs du continent africain et d’autre part, les représentants commerciaux des marques de luxe occidentales. 

La magie d’Alara réside dans la capacité à croiser des univers à priori éloignés. L’originalité du concept tient aussi à la nécessité de répondre au climat local et de se libérer de la contrainte des calendriers des Fashion Week de Paris ou de Londres. Sur quatre niveaux, l’équipe Alara suggère des associations de matières, de couleurs et d’accessoires que les cabinets de tendances ne sauraient imaginer. Des créations en édition limitée de designers du continent aux 54 pays côtoient les collections des grands groupes de luxe occidentaux. La scénographie est unique, rare et précieuse. C’est ce qui lui confère son caractère luxueux. La clientèle est multiple, exigeante et fidèle. Elle se compose d’expatriés, de la diaspora en visite, de l’élite nigériane et africaine, de femmes et d’hommes d’affaires venus d’Europe, des États-Unis, de Chine, du Japon et d’Inde. 

L’expérience d’achat implique un accompagnement sur mesure. La retouche pour ajuster votre pièce de collection parfaitement à vos mensurations est proposée de façon systématique. Un expert en modélisme vous guide précisément pour évaluer le bien-aller de l’article choisi. Un service premium qui permet de créer un lien solide et durable avec une clientèle souvent de passage.

Un carrefour de savoir-faire entre l’Afrique et le reste du monde

© Alara

Chez Alara, on retrouve Jacquemus, Saint-Laurent et une sélection de marques qui défilent pendant la Fashion Week de Lagos. Christie Brown, Lisa Folawiyo, Bubu Isigo, Thebe Magugu, Kenneth Ize, … La liste des designers de luxe dont les showrooms et les ateliers sont basés en Afrique est longue. Ces marques revendiquent le savoir-faire et l’artisanat local. Une perspective locale qui s’étend au delà des frontières car les tissus voyagent tout en restant attachés à leur territoire d’origine et aux peuples qui les ont confectionnés. 

Ces collections fabriquées en Afrique sont de véritables marqueurs d’une histoire économique et sociale panafricaine. L’audace créative du continent africain s’appuie sur une solide expertise technique de maîtres tailleurs, de brodeurs et de petites mains qui manient les mélanges de matières importées et locales. Les designers de luxe africain proposent un adn de marque reconnaissable par une recherche de silhouettes singulières sans cesse renouvelées avec un grade de qualité élevé. Alara est un temple du luxe qui valorise toute la diversité des savoir-faire avec une forme d’objectivité unique et une perspective à la fois africaine et nigériane. Une curation sans concession loin de toute standardisation qui offre une représentation de tous les territoires du Luxe. 

A l’heure où l’atelier du monde est malade, c’est tout un modèle économique, politique et social qui est remis en question. La cartographie des savoir-faire est un témoin de l’histoire des territoires. Leur maîtrise et leur préservation est un véritable enjeu national que la Chine a érigé en modèle de développement. Le contexte actuel nous invite à la prospection d’alternatives de savoir-faire et de modèle de développement. Une opportunité de voyager “virtuellement” à travers le monde pour envisager de nouvelles perspectives de créativité et d’avenir.

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