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“Le Luxe est devenu un produit de revanche sur l’adversité.” – Daniel Piette.

Publié le par Journal du Luxe

Et si la crise donnait naissance à un nouveau rapport aux marques de luxe ? Entre stratégies retail et philosophie : décryptage avec Daniel Piette, Chairman de First Founders, dans le cadre de la nouvelle édition du Salon du Luxe Paris.

Salon du Luxe : Quelques mois après le début de la crise du coronavirus, quel premier bilan pouvez-vous tirer pour l’industrie du luxe dans le Monde ?

Daniel Piette : Le luxe n’a pas échappé aux difficultés que cette crise a pu produire sur l’ensemble du monde économique et ce, pour des raisons évidentes. C’est une industrie qui est, tout d’abord, très dépendante d’un tourisme qui s’est complètement effondré durant cette période ; c’est une industrie qui dépend beaucoup du retail physique puisqu’une part très importante de ses volumes de ventes se fait via ce canal, que ce soit en boutiques, centres commerciaux ou grands magasins (…). Un autre phénomène s’est greffé : les défilés de mode se sont arrêtés et la mode n’a pas pu faire la présentation de ses nouvelles collections. Or la mode, même si elle ne présente qu’une part du monde du Luxe, est un outil de promotion des nouvelles tendances. À partir du moment où elle n’a pas pu s’exprimer, c’est un élément-clé de la communication qui s’est échappé. 

Mais rassurons-nous : je pense que le retour du Luxe à la croissance et à son développement se fera rapidement, en fonction de la réouverture des magasins. De premières indications en ce sens nous viennent de Chine, qui est le pays qui s’est déconfiné le plus tôt, et où l’on voit beaucoup de marques renouer avec un rétablissement rapide de leur chiffre d’affaires. Plus philosophiquement, après cette crise, le Luxe est devenu un produit de consolation, de reconstruction, presque de revanche sur l’adversité que nous venons de vivre. Il fait office de refuge et de récompense.

SDL : La culture de crise n’est-elle pas contraire à l’industrie du luxe ?

D.P : Le Luxe a effectivement connu des années d’une très grande prospérité et on pourrait s’imaginer que les crises lui soient quelque peu étrangères. Et bien oui… et non. 

Oui, car personne n’est à l’aise dans les crises. Mais souvenons-nous que le Luxe ne cesse de se détruire pour se recomposer ! C’est une industrie de la création où il s’agit d’oublier ce qu’on a fait la veille pour rebâtir le lendemain. L’attitude de crise, plus que la notion de crise elle-même, fait partie de ce secteur qui doit en permanence faire des arbitrages et des choix parfois sévères. À l’exception de son système de distribution, c’est une industrie qui a un peu plus de facilité, dans son essence, à se remettre d’aplomb. Ce n’est pas pour autant que les crises rendent la vie facile au Luxe, loin de là. Mais néanmoins, c’est quelque chose qui fait partie de sa conscience quotidienne, de son fonctionnement.

Il est bien possible qu’après cette crise, le volume global du Luxe soit un peu plus resserré qu’il ne le fut. La réduction de l’industrie est une hypothèse qui pourrait se traduire par la fermeture de boutiques, d’installations retail… Et pourquoi pas ? Après tout, c’est le Luxe a vécu son expansion en installant ses boutiques, ses points de représentation, dans toutes les grandes villes du monde. Et si telle ou telle marque devait réduire la voilure, si le Luxe venait à bénéficier d’une disposition matérielle réduite par rapport au passé, cela pourrait jouer en faveur de l’amélioration, de la sélectivité. Je ne suis pas sûr que cela soit négatif ; cette réduction de l’évidence, cette exigence, pour le public, à retrouver les marques dans des endroits moins exposés que dans le passé me paraît être un facteur complémentaire de bonne santé des maisons et, de façon générale, du Luxe.

Le rôle-clé du click & mortar, la force de la marque comme élément de réassurance, l’influence du “beau” dans la résilience…L’intégralité de l’interview de Daniel Piette est à retrouver en format vidéo  sur le site du Salon du Luxe Paris 2020.

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