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DNVB : « La fidélité ne s’achète pas à coup de réductions ! »

Publié le par Journal du Luxe

Comment les Digital Native Vertical Brands ont-elles contribué à changer la donne ? De quelle(s) manière(s) continuent-elles à modifier et à influencer l’ensemble de l’écosystème retail ? Eric Briones, Directeur de la publication du Journal du Luxe, s’est entretenu avec Sébastien Tortu, journaliste, consultant et auteur de l’ouvrage ‘DNVB, le (re)nouveau du commerce‘.

Livre DNVB le renouveau du commerce Tortu

JDL : Digital Natives Vertical Brands : phénomène de mode ou modèle pérenne ?

Sébastien Tortu : J’ai envie de répondre les deux ! L’acronyme DNVB est sans aucun doute un phénomène de mode et devrait bientôt être amené à disparaitre car sa définition ne correspond pas à la réalité des marques. Pendant quelques années, on s’est mis à rêver d’entreprises pouvant complètement verticaliser le commerce en intégrant 100% de la chaine, de la conception d’un produit, à sa fabrication jusqu’à sa distribution. Or quand on analyse le business model des marques qui ont démocratisé le modèle en France, on se rend compte que quasiment 100% ont des intermédiaires pour fabriquer leurs produits et que de nombreuses ont des intermédiaires pour les distribuer. Je pense notamment à Merci Handy, Feed ou Tip Toe. Par contre l’état d’esprit DNVB qui consiste à renverser le statut quo, sur des marchés souvent endormis, en mettant le client au centre de vos préoccupations, afin de réinventer l’ensemble de son expérience en lui proposant un meilleur produit à un prix juste, une communication transparente et une possibilité de vivre ses engagements par ceux de la marque, ne devrait pas mourir !

Les  DNVB n’ont donc ni modèle absolu ni définition normative mais ont des approches différentes reposant sur les épaules d’entrepreneurs qui ont voulu, chacun à leur manière, changer les règles du jeu du commerce traditionnel.

Pourquoi les DNVB sont-elles indispensables à la renaissance du commerce ?

Les DNVB sont indispensables aujourd’hui car elles bouleversent les plus vieux acteurs en leur montrant que les attentes des consommateurs ont changé. Qui, à l’heure d’internet et de son instantanéité, a encore envie de passer 30 minutes au téléphone pour contacter le service client d’un opérateur téléphonique ? Qui a encore envie d’acheter un produit à l’autre bout du monde quand on vous propose une alternative locale ? Qui a encore envie de devoir envoyer une lettre recommandée pour arrêter un abonnement trois mois avant la fin du contrat ? Personne.

Si les DNVB sont en train de réussir leur pari, c’est qu’elles ont considéré le commerce sous un angle totalement nouveau en ayant la volonté de réenchanter l’expérience client où la fidélité ne s’achète pas à coup de réduction mais s’acquiert par le partage d’émotions. Elles ont compris que derrière chaque produit, le service et l’expérience génèrent davantage de valeur. C’est encore une fois cet état d’esprit, centré autour du client, qui est indispensable pour réinventer le commerce.

Les DNVB sont-elles le futur du retail ?

Premièrement je pense qu’il n’y a pas un mais plusieurs futurs pour le retail donc dire que seules les DNVB en seraient le futur serait une erreur.
Par contre elles représentent aujourd’hui un nouveau souffle pour le retail.
Toutes ou presque souhaitent s’implanter physiquement pour offrir une expérience globale à leurs clients. Encore une fois, elles sont là pour rendre service à leurs clients, et ouvrir un lieu physique c’est l’occasion d’aller à leurs rencontres, de mieux les connaitre et de les faire vivre des moments uniques et inoubliables. Mais ce qui a changé c’est avant tout la fonction qu’ont les boutiques. Les DNVB ont décidé de se servir de la boutique comme un canal d’acquisition mais aussi de promotion et de discussion autour de l’univers et des engagements de la marque. Elles ont mis de côté les lieux de vente pour faire place aux lieux de vie. Et pour les créer, il faut s’imaginer une personne déambuler dans la rue, seule ou avec des amis, sans but précis, qu’il faut réussir à interpeller. Elle n’est pas là pour acheter mais pour découvrir. Seule une expérience émotionnelle, une rencontre avec un produit ou une personne pourra l’amener à passer à l’acte.

La boutique doit devenir un lieu visuel et inspirationnel afin de donner envie aux clients de venir vivre un moment particulier, de prendre des photos, d’en parler à sa communauté et de revenir accompagnés d’autres personnes. On ne se rend plus dans les magasins physiques pour acheter, mais pour vivre des expériences et des émotions qu’on ne trouvera nulle part ailleurs. Celle-ci fait d’ailleurs appel à tous nos sens. Ambiance sonore, design intérieur, expérience olfactive, mise en valeur des produits… la boutique devient un lieu évènementiel. Si le retail classique et ennuyant est mort – ou mourant – le retail expérientiel se développe de plus en plus, en partie grâce aux DNVB.

Les DNVB sont avant-gardistes sur la question de l’écoresponsabilité. Cet engagement fort peut-il amenuiser leur profit à moyen terme ?

Oui et j’ai envie de dire tant mieux car elles impulsent une vision à long terme en adéquation avec les nouveaux besoins des clients mais aussi de notre environnement. Les DNVB sont une note d’espoir pour tout le monde : elles montrent que les valeurs humanistes, sociales, écologiques et progressistes peuvent aussi s’associer à des enjeux économiques et capitalistiques. Elles soulignent qu’il n’existe pas un seul système d’achat auquel se conformer, mais plusieurs approches possibles. Produire toujours plus, toujours plus vite et toujours moins cher n’est plus une situation tenable car nous épuisons toutes les ressources de notre planète de plus en plus rapidement. Il est clair que l’avenir du commerce de détail doit passer par une croissance plus saine, raisonnée et holistique ayant un impact positif sur la planète et pouvant offrir au monde un éco-capitalisme, respectueux de l’environnement. Sans aucun doute, les DNVB sont les entreprises de notre époque. Elles ont su se servir des avancées technologiques pour répondre à un besoin humain urgent. Contrairement au passé récent, elles s’engagent dans un monde meilleur par conviction, et non par pur opportunisme.

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