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Le gaming est-il le futur du Luxe ? Entretien avec Fibre Tigre.

Publié le par Journal du Luxe

Le retailtainment, le nouveau graal du Luxe ? Alors que le confinement a poussé les maisons à redoubler de créativité pour divertir leurs communautés, l’auteur de fictions interactives et créateur de jeux vidéo Fibre Tigre revient sur les grandes mutations du gaming post-Covid 19.Retrouvez en exclusivité pour le Journal du Luxe, les premières lignes de son interview réalisée en exclusivité dans le cadre de l’édition 100% digitale du Salon du Luxe Paris spécial “Résilience”.

Journal du Luxe : Le gaming semble être l’un des rares secteurs qui sort renforcé de l’épisode de confinement. Pensez-vous que cette tendance va perdurer ?

Fibre Tigre : L’industrie du jeu vidéo en général a un énorme potentiel, confinement ou pas. Aujourd’hui, avec la maturité du marché, environ un français sur deux a joué à un jeu vidéo au moins une fois dans sa vie. D’ici dix ans minimum, ce chiffre devrait atteindre 100%. C’est un marché qui est également mondial. La grande révolution de 2018, c’est que la Chine s’est ouverte aux jeux vidéo de l’étranger. Depuis quelques mois, c’est surtout l’Asie du Sud Est et l’Inde qui sont en train de se lancer sur le marché du gaming mobile, notamment avec des jeux de type battle royale.

Cette popularisation du jeu vidéo s’accompagne surtout de nouveaux modèles économiques. Ce n’est pas parce que 100% des français auront joué une fois dans leur vie à un jeu vidéo qu’ils l’auront acheté au prix premium d’un blockbuster, c’est à dire 70 euros ! Ce n’est pas un prix qui sera soutenu par la totalité de la population, les gens diront ‘oui j’ai joué à un jeu vidéo’, mais ce sera probablement un jeu vidéo gratuit, avec un autre modèle économique. 

Donc oui, le confinement a été un petit boost mais la tendance intervient surtout grâce à deux grand facteurs. Le premier c’est que la diabolisation du jeu vidéo, ça y est, c’est terminé. L’Organisation Mondiale de la Santé elle même a préconisé l’usage de jeux vidéo en période de confinement ; et surtout, de façon très subtile, le confinement a substitué des canaux de streaming comme Twitch ou YouTube – qui sont justement les premiers prescripteurs du jeu vidéo – aux plateaux de télévision désertés durant la crise. Très concrètement, si vous basculez sur Twitch pour voir quelqu’un cuisiner parce que vous ne pouvez pas voir votre émission de cuisine habituelle, vous serez très probablement exposés à des contenus liés à des jeux vidéo, des publicités. De même, avec le confinement, nombreux sont ceux qui ont pu s’essayer à de nouvelles typologies de jeux. Se lancer dans un jeu qui dure 70 heures, en temps normal, n’est pas toujours évident mais si on sait que pendant deux semaines on ne peut pas sortir de chez soi, que l’on ne peut pas travailler, évidemment cela facilite l’usage de ce type de jeux. Enfin, le confinement a beaucoup altéré le mode de prescription du jeu vidéo parce que les salons professionnels n’ont pas pu se tenir. Aujourd’hui, la plupart des salons majeurs tels que l’E3 ou la JDC sont américains. Sauf qu’avec la fermeture des frontières US, il n’est pour l’heure plus possible de s’y rendre et, de fait, cela apporte un peu plus de démocratisation et d’internationalisation dans le secteur.

JDL : Dans un monde angoissant, obsédé par la distanciation sociale et la dictature hygiénique, les jeux vidéo représentent-ils, plus que jamais, une bulle de bonheur sans risque ?

F.B : C’est compliqué de parler de l’imaginaire positif du jeu vidéo même si, par un hasard total, la crise du Covid est entrée en conjonction avec un jeu idéal en termes d’énergies positives, à savoir Animal Crossing (ndlr. jeu de simulation de vie, plébiscité notamment par les maisons Marc Jacobs et Valentino). Ce phénomène, comme l’a été Pokémon GO à une époque, a bouleversé la société, le secteur de la communication, mais aussi le monde du développement en interne. Lorsqu’un jeu remporte un tel succès, cela perturbe souvent les marchés de développeurs qui ambitionnent alors de faire la même chose… sauf que c’est très compliqué de reproduire des schémas qui marchent aussi bien. 

Mais même s’il a émergé dans la bulle, le monde du jeu vidéo, ce n’est pas Animal Crossing. Au contraire : beaucoup de jeux s’inscrivent encore dans la tradition des vingt dernières années où le premier marché du jeu vidéo c’était le marché américain, avec un public qui apprécie certaines typologies de jeu, avec des armes… Cela a un peu changé mais la licence première d’Ubisoft, par exemple, c’est Assassin’s Creed. Les grosses licences qui font avancer l’économie du secteur sont des simulateurs de mort. Le petit bonbon sucré que pourrait être le jeu vidéo c’est quelque chose qui n’est pas une réalité aujourd’hui dans la majorité des productions jouées par les gameurs, même si ce serait bien que cela change. Et justement, cela va peut être changer parce que, si le marché américain dominait depuis deux décennies, le marché chinois occupe désormais la place depuis deux ans, avec de nouvelles attentes. Et peut être que le marché indien va encore faire bouger les choses… 

Que peut apprendre le luxe de l’univers du gaming ? La reproduction de la réalité, la mimesis, peut-elle être un frein à la direction artistique ? Comment le secteur de la mode est-il devenu le marché dominant au coeur du jeu vidéo ? Pour découvrir les grands axes d’influence du gaming et son rayonnement extra-sectoriel, rendez-vous pour la suite de l’interview de Fibre Tigre sur le site du Salon du Luxe Paris 2020.

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