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Une page se tourne au Château Hostens-Picant – Interview

Publié le par Journal du Luxe

Les vendanges vont se terminer dans le bordelais et les foires aux vins battent leur plein dans toute la France.   En marge de ces animations annuelles de fin d’été, le Château Hostens-Picant, leader de l’appellation Sainte-Foy Bordeaux, de par la qualité de ses vins et sa stratégie de commercialisation élitiste, voit la deuxième génération prendre petit à petit les rennes du domaine. Depuis les vendanges 2014, ce sont les Demoiselles qui sont devenues les « maîtresses » de l’assemblage.

Période charnière au Château Hostens-Picant – Appellation Sainte-Foy-Bordeaux

En cette période charnière de l’histoire du Château Hostens-Picant, alors que Nadine et Yves Hostens-Picant passent doucement le flambeau à leurs filles Charlotte et Valentine, le Journal du Luxe a rencontré Nadine et Charlotte.

 

nadine et yves hostens picant

INTERVIEW de Nadine et Charlotte Picant

Journal du luxe : Pouvez-vous nous raconter l’histoire du Château Hostens-Picant ?

Nadine Picant : C’est une belle histoire ! Il y a 25 ans, mon mari a eu un coup de cœur et a acheté une propriété sans me le dire. Nous vivions alors à Paris. Trois semaines plus tard, il m’a fait visiter cette propriété et j’ai eu à mon tour un coup de foudre pour la beauté du site. Cette région rappelle beaucoup la Toscane ; on l’appelle d’ailleurs « la Petite Toscane ». Pendant trois ans, nous avons fait d’énormes travaux et beaucoup d’essais œnologiques. A l’époque, la propriété s’appelait Domaine de Grangeneuve et était liée par un contrat à la coopérative voisine. Nous n’avons pas pu faire notre propre vin pendant ces trois premières années.

Notre premier millésime a été 1990 avec le nom de Château Hostens-Picant. A partir de là, l’aventure a commencé. Nous avons décidé de relancer l’appellation Sainte-Foy-Bordeaux, tombée en désuétude, pour pouvoir nous démarquer. C’était alors une excellente idée pour se démarquer.

Je ne remercierai jamais assez les sommeliers parisiens, qui ont cru en nous, alors que nous étions les seuls avec cette appellation Sainte-Foy-Bordeaux qu’ils ne connaissaient pas… ils ont joué le jeu Hostens-Picant.

Il y a 20 ans, ça nous a aidé d’être Sainte-Foy-Bordeaux, pour nous démarquer et communiquer, mais cette appellation n’a pas su se faire reconnaître. Cependant, nous avons réussi à imposer Hostens-Picant. Nous ne vendons pas un Sainte-Foy-Bordeaux, nous vendons notre nom. Nous nous sommes faits une réputation grâce à notre sérieux et la qualité de nos vins. Nous avons choisi un mode de commercialisation élitiste, avec toutes les difficultés que cela représente : nous vendons la totalité de nos vins en direct, ce qui nous permet de maîtriser notre distribution. Petit à petit, notre vin s’est imposé dans les caves fines et les restaurants de qualité de Paris d’abord et par la suite dans un grand nombre de pays. Pendant des années, nous avons sollicité et cherché des clients, ça n’a pas été facile ; aujourd’hui, nous travaillons beaucoup par le bouche à oreille et nous avons la chance d’avoir des clients fidèles et contents. Nous connaissons tous nos clients, ce qui est rare dans notre univers.

Les années passant, nous commencions à réfléchir à l’avenir du domaine. Nos filles ayant chacune évolué dans des univers totalement différents du vin, ont décidé le jour où nous leur avons annoncé que nous avions l’intention vendre la propriété de revenir au domaine. Charlotte vivait alors aux États-Unis et Valentine venait de terminer ses études d’avocate. Nous allons les accompagner un peu, mais pas trop longtemps… Nous sommes en train de passer le flambeau ; elles apprennent vite et auront bientôt toutes les cartes en main. Elles ont bien sûr beaucoup plus de connaissances en communication et outils informatiques que nous. Charlotte et Valentine se sont partagées Paris, la France et le Monde. Nous travaillons en famille, dans la bonne humeur, avec souvent de l’animation car nous avons chacun des caractères forts, mais avec la satisfaction de voir le travail que nous avons réalisé sur le domaine repris aujourd’hui par nos filles, qui comptent bien développer encore Château Hostens-Picant dans le respect du travail que nous avons fait.

 

Journal du luxe : Qui sont vos clients ?

Charlotte Picant : nous travaillons 60 % à l’export, principalement sur l’Asie. Par ailleurs, Valentine et moi faisons un gros travail sur la France car nous pensons qu’il est indispensable d’être représenté sur l’ensemble des départements.

 

Journal du luxe :Comment faites-vous pour vendre dans le monde entier sans l’aide du négoce ?

Nadine Picant : Nous avons créé nous-mêmes notre propre réseau de distribution. Nous avons choisi de ne pas être présents dans les grandes surfaces, bien que de très grands vins y soient vendus, simplement parce que cela ne nous correspondait pas. Cela n’a pas été facile, car le chemin a été long et solitaire. Nous avons dû nous battre pour nous imposer. Lorsque nous sommes arrivés à Paris avec un Sainte-Foy-Bordeaux, peu de gens nous attendaient…

 

Journal du luxe : Comment définissez-vous vos vins ?

Charlotte Picant : Nous faisons 3/4 de rouge et 1/4 de blanc. Notre blanc est assez atypique, il ne ressemble pas aux Bordeaux blancs classiques.Il a une belle minéralité, qui vient de nos sols. C’est une spécificité que l’on n’associe pas habituellement aux blancs du bordelais. Il se dit d’ailleurs que notre blanc est « le plus bourguignon des vins blancs de Bordeaux ».

Nos vins rouges ont beaucoup évolué avec le temps. Au départ, ils étaient assez boisés, assez puissants. Depuis 11 ans, notre œnologue est Stéphane Derenoncourt. Nous nous sommes rendus compte avec lui que certaines parcelles n’étaient pas adaptées au terroir ; nous avons donc arraché et replanté. Nous sommes ainsi passés de 3300 à 6600 pieds / hectare, ce qui a amélioré la qualité du raisin.Nous avons replanté beaucoup de Cabernet Franc, qui donne beaucoup d’élégance au vin. Nos vins sont aujourd’hui plus en finesse, plus sur le fruit et plus faciles à boire dans leur jeunesse. C’est la tendance actuelle. Les clients gardent le vin moins longtemps qu’auparavant. Une étude a été faite aux US et il en est ressorti qu’en moyenne il se passe 31 mn entre le moment où une personne achète une bouteille et le moment où elle est consommée. C’est un peu différent en France, mais les temps de garde se raccourcissent aussi.

 

Journal du luxe : Pouvez-vous nous parler de votre cuvée Lucullus ?

Charlotte Picant : c’est une cuvée qui existe depuis 1998. Elle s’appelle exactement Cuvée d’Exception Lucullus et comme son nom l’indique, elle n’est faite que les bonnes années. Lucullus est un nom qui n’avait jamais été déposé pour le vin. C’est le nom d’un consul romain qui était très connu pour son goût pour les plaisirs de la table et de la vie en général. C’est une sélection parcellaire ; des vieilles vignes qui ont 25 ans d’âge en moyenne ; c’est un rendement plus faible, 28 hecto/l’hectare. La première vinification se fait en foudre de bois, ce qui permet de faire des pigeages manuels pour une meilleure extraction de couleur; la seconde fermentation se fait en barrique, ce qui permet d’avoir des tanins plus fins. Au niveau de l’élevage, Lucullus passe plus de temps en barriques et il y a un peu plus de bois neuf que dans nos cuvées classiques.

 

Journal du luxe : Quels sont les projets des demoiselles Picant pour le domaine ?

Charlotte Picant : nous avons le projet de développer l’oenotourisme. Une grande salle de 170 m² est en travaux actuellement pour pouvoir accueillir les visiteurs. Nous souhaitons aussi nous orienter vers l’événementiel et faire un peu de réceptions. Mais nous souhaitons surtout consolider le travail de nos parents tout en développant de nouveaux marchés. Le pari n’est pas gagné, car nous avons 280 000 bouteilles à vendre tous les ans, mais avec la volonté, le travail et la détermination, on peut arriver à tout. La réussite n’est jamais un hasard. Nous devons travailler encore plus, car nous faisons un grand vin avec une appellation peu porteuse.

demoiselles picant

 

Château Hostens-Picant, un vin de Bordeaux différent et de très grande qualité, qui était présent sur le Salon du luxe Paris les 9 et 10 juillet 2015 participe régulièrement à des événements organisés par deux grandes organisations : le Cercle des Grands Vins de Bordeaux et La Grappe, de Stéphane Derenoncourt.

Le Journal du luxe remercie Nadine Picant et Charlotte Picant pour cette belle rencontre et pour avoir accepté de répondre à ces différentes questions.

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