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Françoise Hernaez Fourrier analyse les grandes tendances à venir dans le Luxe

Publié le par Journal du Luxe

Journal du Luxe : Françoise Hernaez Fourrier, vous êtes directrice du planning stratégique chez Ipsos. À ce titre, quel rôle tenez-vous auprès des marques ?

Nous avons un rôle de conseil auprès de grandes maisons, qui s’inscrit dans la durée et fait le lien entre passé et futur :

  • Le passé, parce que nous disposons de sources historiques permettant de comprendre des évolutions socioculturelles et de consommation par rapport à l’actualité, en appui également sur une vraie culture des marques.
  • Le futur car nous sommes de plus en plus sollicités pour des démarches de veille et d’innovation, afin de comprendre les motivations émergentes et leurs concrétisations possibles, mais aussi de les inspirer.

Ce rôle est très lié à la particularité de notre positionnement de planning stratégique pluridisciplinaire en institut : nous nous appuyons sur des terrains d’études quantitatifs classiques, mais nous y associons aussi l’utilisation de la veille, de la sémiologie, des entretiens d’experts, de l’écoute du web, des communautés, de la data….

Je suis plus comme un médiateur par rapport à des expertises pointues et variées que je vais mettre en relation et dont je vais tirer les insights pour conseiller les marques.

La mutation (digitale) qui s’opère aujourd’hui transforme en profondeur les organisations. Comment accompagnez-vous ce changement ?

Accompagner, c’est anticiper et comprendre avec nos clients. Ne pas se prétendre en avance sur eux, mais pouvoir être au fait des dernières innovations. Voir comment leur proposer ces innovations, avec quels outils, et les aider à comprendre comment ces changements peuvent impacter leur marché. Enfin, déterminer quels risques et quelles opportunités ces changements représentent.

Encore une fois, notre culture de planneurs stratégiques est très pragmatique et nous permet d’échanger avec les différentes équipes des marques, les études consommateurs, les R&D, les services de data intelligence et ceux en charge du numérique, qui prennent de plus en plus la main sur la connaissance des consommateurs.

Cela nous permet aussi de nous remettre en question, et de faire évoluer nos méthodologies : nous faisons par exemple évoluer notre étude en souscription – le World Luxury Tracking – avec un questionnaire plus court, multidevice, auquel nous incluons des questions ouvertes et un traitement big data, et que nous croisons avec une communauté d’affluents en ligne.

Accompagner, c’est anticiper et comprendre avec nos clients.

Quelle est la particularité de la démarche que vous adoptez pour les études que vous réalisez sur le luxe au sein d’Ipsos ?

La démarche est assez similaire au conseil que nous développons dans d’autres univers pour lesquels le rôle de la marque est important. La démarche pédagogique et esthétique des analyses menées est importante, avec la nécessité de produire des résultats qui sont des objets inspirants, et utilisables par une diversité d’utilisateurs.

La connaissance des marques internationales et la curiosité pour la quête de qualité et de différenciation sont bien sûr nécessaires… mais je dirais qu’une bonne culture des fondamentaux en sociologie est importante pour accompagner les grandes maisons. Je privilégie d’ailleurs dans mes équipes des profils avec des fondamentaux en sociologie, et une bonne culture digitale, c’est ce qui est essentiel dans la période actuelle.

Je dirais qu’une bonne culture des fondamentaux en sociologie est importante pour accompagner les grandes maisons

Quelles sont les principales problématiques sur lesquelles les marques vous questionnent ces derniers temps ?

On nous questionne beaucoup sur des problématiques d’innovation et les modalités de communication en études ad hoc, sur les bonnes pratiques de E-commerce et sur l’expérience utilisateur. Et puis, comme tout le monde, sur les Millennials et leurs parcours d’achat (beaucoup de zooms par pays, notamment la Chine, la Russie, les Etats-Unis)… mais aussi en sémiologie sur le rapport au genre, ou encore sur l’univers de la nuit.

Dans le cadre du Salon du luxe Paris 2017, vous interviendrez sur le thème de la “nouvelle intimité marques-clients”. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est une façon d’aborder la question de la mutation de la relation à la marque qui est à la fois plus fragmentée et plus intense.

Dans un monde où tout est signe, où tout est logo (au point que les grandes maisons s’amusent de ce pouvoir du logo), les contenus de marques se démultiplient et le jeu sur les messages et les signes s’intensifie. Ce sont autant de ponts-références vers des cultures contemporaines cinématographiques, ludiques, sportives…

Dans un monde où (…) tout est logo (…), les contenus des marques se démultiplient et le jeu sur les messages et les signes s’intensifie.

La marque est une réalité historique du luxe, mais elle s’actualise sans cesse sous de multiples prétextes culturels avec le digital. Un peu comme une conversation intime latente, qui peut se réactiver à tout moment. Au lieu d’affaiblir la marque, la culture digitale peut l’alimenter, mais il lui faut une ligne éditoriale.

Si cet échange culturel a un rôle clé, il doit aussi cependant être accompagné par des réponses concrètes aux exigences de services, de customisation, de coaching et d’humanisation dans la relation aux marques. Un luxe stimulant, inspirant, voire                 « intelligent » ne peut advenir que par la communication, mais il induit aussi de l’innovation, de la qualité, de l’éthique. Et la marge d’optimisation des parcours d’achat digitaux et non digitaux reste importante selon nos études.

Et pour finir, deux questions un peu plus personnelles…Quelles sont vos inspirations ?

Je suis inspirée par les voyages et les benchmarks internationaux, également par la curiosité de mes équipes sur de multiples sujets… j’aime travailler en équipe.  Mon intérêt personnel porte plus particulièrement sur le continent africain depuis quelques années :  l’élégance, l’artisanat, le potentiel créatif, le rapport central à la nature ainsi que les formes de spiritualité que j’y découvre.

Quelle est votre définition du Luxe ?  

J’associe le luxe à la liberté : le luxe, c’est le pouvoir de choisir. Même si le luxe est devenu un commerce et une industrie mondiale, il se doit de conserver cette liberté sur le choix des savoir-faire, des créateurs, des matières… Le luxe doit insister sur sa capacité à préserver la création, l’invention, le questionnement sur le sens. La prodigalité par rapport à la grande consommation est également importante par la survalorisation du plaisir.

Le luxe, c’est le pouvoir de choisir.

Françoise Hernaez Fourrier sera présente sur le Salon du luxe Paris le 11 juillet prochain et animera une conférence intitulée Une nouvelle intimité marques-clients.

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