Et si demain une grande Maison de couture décidait de confier sa direction artistique à une Intelligence Artificielle ?

Publié le par Journal du Luxe

Imaginez un instant …

La nouvelle vient de tomber et fait l’effet d’une bombe dans l’industrie de la mode et du luxe : après 34 années d’excellents et loyaux services au sein de la Maison Chanel, Karl Lagerfeld tire sa révérence ! Le monde entier tombe des nues ! Ce que le commun des mortels ignore, c’est que Karl Lagerfeld, Alain et Gérard Wertheimer en parlent dans le plus grand secret depuis plusieurs années. Ensemble, ils ont désigné celui qui succèdera à Karl : il s’agit d’Otto, un chatbot capable de reproduire le style si singulier de Karl Lagerfeld et dont chaque pièce Chanel est imprégnée. Otto est une intelligence artificielle qui depuis des mois collecte toutes les informations relatives à toutes les collections que Karl Lagerfeld a créées au cours de ces 34 dernières années, informations qu’Otto a su croiser à la fois avec les nombreux cahiers de tendances publiés chaque année, les rapports de ventes de tous les points de vente Chanel, les articles de presse relatifs à la maison Chanel et au secteur de la mode et du luxe en général, etc. Otto saura créer des collections qui feront systématiquement l’unanimité et parce qu’Otto peut travailler non stop, Chanel passera de 8 à 16 collections annuelles !

Et si la fiction susmentionnée devenait réalité ?

Depuis le Calculus Ratiocinator (concept théorique que Gottfried Wilhelm Leibniz décrit dans son ouvrage De Arte combinatoria en 1666, imaginant un procédé automatique couplant la langue formalisée et l’algorithme, qui puisse décider de la vérité de toute assertion quelle qu’elle soit), force est de constater que l’Intelligence Artificielle progresse à une vitesse vertigineuse. Le 11 mai 1997, Deep Blue, développé (déjà) par IBM, devenait le premier système informatique de jeu d’échecs à battre le champion du monde en titre, Garry Kasparov. 4 ans plus tard, les deux plus grands champions de Jeopardy! étaient largement battus par le système de questions-réponses conçu à nouveau par IBM. Plus récemment, Libratus, une intelligence artificielle développée par Tuomas Sandholm et son équipe de l’université de Carnegie-Mellon, écrasait des joueurs professionnels au poker.

Pour des raisons évidentes, l’Intelligence Artificielle fascine, voire effraie certain-e-s. Et de nombreuses sociétés, y compris dans le secteur de la mode et du luxe, s’efforcent de comprendre comment utiliser ce nouvel outil à bon escient, qu’il s’agisse d’améliorer l’expérience client, de prédire les ventes, d’augmenter le panier moyen, de transformer le point de vente en le « rendant plus autonome et plus intelligent » ou encore d’assister les équipes existantes.

Pourquoi donc ne pas imaginer l’émergence d’une intelligence artificielle, à l’instar d’Otto, capable de concevoir et de dessiner des collections de prêt-à-porter et d’accessoires ?

L’intelligence artificielle de nos jours

Le passage à la réalité ne manque pas d’exemples : en mars 2016, l’agence digitale parisienne Seenk lançait une application mobile, baptisée Wearing, permettant aux e-commerçants de proposer un Personal Shopper virtuel. L’agence a fait appel au service d’intelligence artificielle en mode cloud Waston Cognitive d’IBM (encore eux), utilisé ici pour l’indexation des données et l’analyse sémantique des questions des utilisateurs.

Avant Seenk, la marque The North Face demandait au Californien Fluid de l’aider à créer un service similaire.

Dans un autre registre, Google, en partenariat avec l’allemand Zalando, présentait en septembre dernier son projet Muze, un « réseau neuronal » basé sur la plate-forme tensorFlow (outil open-source d’apprentissage automatique développé par Google) et capable de créer des vêtements en faisant appel à l’intelligence artificielle. Précisons toutefois que les vêtements proposés n’ont pas suscité un grand intérêt, démontrant ainsi qu’un tel projet était largement perfectible. Autre exemple : pour anticiper la consommation et optimiser les stocks selon le niveau de la demande – le « Saint Graal » de tout point de vente, les marques peuvent souscrire aux services de startups comme Style Sage ou Edited qui agrègent des données de ventes de milliers de sites e-commerce.

Quelles perspectives d’avenir pour l’intelligence artificielle ?

Alors que la mode et le luxe, comme tant d’autres industries, vivent une révolution de la consommation sans précédent, les marques et leurs dirigeant-e-s sont sur le pied de guerre pour non seulement maintenir leurs parts de marché mais surtout séduire une clientèle ultra-connectée, toujours plus exigeante et très volatile. C’est à la fois sur les terrains du produit, du service et de l’expérience que ces marques doivent batailler tout en prenant conscience de l’extrême nécessité d’être à l’écoute de ses clients et des clients de ses concurrents.

Dès lors, compte tenu la complexité de la tâche et de la multiplicité des variantes, ces marques ne peuvent pas se passer de l’aide précieuse que pourra leur apporter demain et après-demain l’intelligence artificielle, dont les applications sont multiples.

D’ailleurs, le champs des possibles semble infini !

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