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Boys, Boys, Boys : les nouvelles masculinités chinoises.

Publié le par Journal du Luxe

Sans doute vous souvenez vous des Quatre Fantastiques, un décryptage de fond des Millennials et Post-Millennials chinois opéré par BrainValue lors du dernier Salon du Luxe Paris… Pour cette fin d’année, le cabinet d’études et de planning stratégique récidive avec un voyage au cœur des nouvelles masculinités chinoises. Le Journal du Luxe est parti à la rencontre de Nicolas Riou, expert de la question masculine et CEO de BrainValue.

JDL : En Chine, nous assistons à une crise de la masculinité, quelle est-elle ?

Nicolas Riou : Le modèle masculin traditionnel chinois privilégiait sous la Chine communiste des valeurs de courage, de force physique, de détermination, qui accompagnaient une vision patriotique au service de la construction du pays. Aujourd’hui nous assistons au phénomène du « little fresh meat », notamment sous l’impulsion de la pop et des séries coréennes : un homme très féminisé, centré sur son apparence. La masculinité est donc séparée en deux, entre une ligne « féminisée » qui est très appréciée des femmes et qui incarne une forme de modernité, et les hommes traditionnels qui sont poussés à changer pour s’adapter. Ceux qui n’évoluent pas se sentent déphasés et en difficulté face à des femmes plus indépendantes, qui désirent des hommes plus empathiques et sensibles à leur apparence. D’autant plus que, conséquence de la politique de l’enfant unique, il y environ 34 millions d’hommes de plus que de femmes.

Quels sont les nouveaux modèles dominants de la masculinité ? Est-elle plurielle ?

En effet la masculinité est devenue plurielle. Il y a les tenants de la masculinité traditionnelle, et ceux qui se situent toujours dans cette sensibilité là mais décident d’évoluer en prenant plus soin de leur apparence et de leur corps. Et puis la tendance du « little fresh meat », qui met en scène des hommes jeunes, centrés sur leur apparence et les attentes de leurs partenaires. Cette nouvelle incarnation du masculin qui est sur-représentée dans les médias chinois et navigue entre la féminisation, l’androgynie, jusqu’à la figure du « flower boy », un homme très féminisé. Cette tendance ne sort pas de nulle part, certains y voient une résurrection de la masculinité Wu, un moment de l’histoire chinoise où les hommes étaient très féminisés. La beauté masculine n’est pas un tabou en Chine.

Quelle est la réaction des femmes chinoises face à ces changements d’identité ?

Les femmes chinoises sont de plus en plus indépendantes, de plus en plus autonomes sur le plan financier. Elles estiment que les fils uniques, les « little emperors », ont été trop gâtés par leurs parents et ne sont pas assez à leur écoute. Elles ne veulent plus des hommes qui leur imposent trop de contraintes comme celle d’avoir ses beaux-parents à la maison pendant plusieurs années afin qu’ils élèvent leurs enfants. Elles attendent des hommes plus empathiques, à leur écoute. Elles sont très sensibles aux « little fresh meat » car elles sont au centre de leurs attentions et se sentent valorisées.

Comment les marques de luxe occidentales abordent-elles cette évolution ? 

Les marques de luxe occidentales s’adaptent à cette évolution et surfent sur le phénomène « little fresh meat ». D’une part car ce sont des hommes plus sensibles à leur apparence et qui constituent donc un cœur de cible pour elles. D’autre part car leur puissance médiatique et leur attractivité en font des prescripteurs très efficaces, notamment pour les produits de beauté. À titre d’exemple, le live streamer Austin Li se targue d’avoir fait vendre 15.000 rouges à lèvres en cinq minutes… On voit donc de très nombreuses marques, comme Givenchy ou Guerlain, utiliser des hommes jeunes dans les campagnes de communication de leurs rouges à lèvres ou de leurs fonds de teint pour cibler les femmes.

La culture Hip Hop chinoise fait émerger des marques streetwear chinoises. Quelles sont leurs spécificités ?

Le succès de l’émission « Rap in China » a lancé la vague du hip hop qui connaît un succès extraordinaire et a généré le développement de nombreuses marques de streetwear sur le marché chinois. Une nouvelle génération de marques chinoises a ainsi émergé, portée par CLOT, la griffe fondée par la star Eddie Chen. Aujourd’hui Chocolate, ou I.T connaissent un vrai succès dans le prolongement des marques américaines. Elles revendiquent le contenu culturel et les valeurs du hip hop, auxquelles s’identifient de nombreux jeunes chinois : rebellion soft, affirmation de soi, soin de son apparence.

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