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“La nouvelle normalité rend impossible la mise en place d’habitudes”, Christophe Manceau, Kantar.
Publié le par Journal du Luxe
Être résilient… ou ne pas être. Entre “nouvelle normalité” et renforcement des systèmes de croyances de marque, décryptage avec Christophe Manceau, Directeur du planning stratégique de la Division Media de l’institut Kantar.
Salon du Luxe Paris : Pourquoi la “liquidité du monde” se voit accélérée par la crise de Covid-19 ?
Christophe Manceau : Le principe de monde liquide a été introduit par le philosophe Zygmunt Bauman. Il caractérise notre société par un mouvement constant où les modes d’actions changent en moins de temps qu’il n’en faut pour se figer en routines. La crise n’est pas une accélération de ce phénomène de liquidité mais plutôt une exacerbation dans la mesure où elle déstabilise de manière immédiate l’organisation des sociétés occidentales et le quotidien de chacun. Face à l’inconnu, chaque couche de notre société a dû – et doit – s’adapter en réagissant au fur et à mesure. Aujourd’hui encore, la plupart des pays naviguent à vue et réajustent leurs modes d’action en fonction de l’évolution de la pandémie. (…) La crise sanitaire amplifie ce sentiment d’incertitude, nous vivons au jour le jour en nous adaptant à cette nouvelle normalité. Et cette nouvelle normalité rend impossible la mise en place d’habitudes.
SDL : Quels sont les grands principes du « Branding Résilient » ?
C.M : Je vais là encore revenir sur le principe de liquidité. La crise sanitaire, économique et sociale que nous connaissons actuellement risque d’être absolument dévastatrice pour certains secteurs d’activité. Il y a fort à parier que l’instabilité continuera d’être le contexte dans lequel les entreprises devront évoluer dans les prochains mois. Encore une fois, l’incertitude est le “nouveau normal”. De nombreuses voix se lèvent pour remettre en question certaines fondations de notre société, de repenser les bases pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Sans tomber dans la collapsologie, cette situation a permis à un certain nombre d’entreprises, de personnes, de responsables, de se demander quelle était leur place dans la société. La notion de résilience renvoie à un phénomène psychologique qui consiste à prendre acte d’un événement traumatique de manière à se reconstruire. Or, nous vivons justement en plein trauma : dans ce contexte, je pense que toutes les prises de parole, tous les chiffres, doivent être considérés avec discernement. Il faut savoir prendre du recul sur cette data, tout comme sur les attitudes des consommateurs, durant cette période de trauma (…)
Les entreprises vont donc devoir faire leur auto-analyse pour comprendre quel rôle elles jouaient dans le monde d’avant, et quel rôle elles joueront demain. Elles doivent accepter leur part de responsabilité dans les tensions qui touchent aujourd’hui notre société et prendre le temps de définir – ou redéfinir – leur purpose, mais pas comme un simple ajout, un simple engagement de façade.
Associer le principe de résilience au branding permet justement de pouvoir s’adapter en associant réflexion et action. Le schéma des 7-S de McKinsey permet justement de bien comprendre l’interconnexion de tous les éléments constitutifs de l’entreprise : c’est cet alignement qui va rendre crédible ce branding résilient auprès du consommateur. On retrouve ainsi la Stratégie (le choix des moyens à déployer pour atteindre les objectifs), la Structure (l’organisation, le squelette de l’entreprise), les Systèmes (les process et modes opératoires, la hiérarchie), le Style (l’exercice du leadership, du management, la culture de l’entreprise), le Staff (les caractéristiques du personnel), les Skills (les compétences individuelles et collectives) et enfin, et sans doute le plus important, les Shared values, c’est à dire le système de croyances qui doit unir chacun de ces éléments pour structurer l’entreprise autour de son inner layer, à savoir sa couche interne de valeurs. Ainsi, ces différents assets deviennent autant de preuves de ce que la marque avance dans ses communications. L’idée est finalement assez simple : une entreprise qui sera construite autour de valeurs fortes pourra s’adapter à n’importe quel contexte.
Quels sont les trois temps stratégiques de la crise ? Pourquoi faut-il “être dans les temps ou cesser d’être” ? L’influence en temps de crise peut être connaître un retour de bâton dans un monde post-Covid 19 ? Rendez-vous sur la plateforme du Salon du Luxe Paris 2020 pour découvrir – en vidéo – l’intégralité de l’interview de Christophe Manceau.