Quid de la transmission des savoir-faire d’excellence ?
Publié le par Journal du Luxe
Les professionnels de l’artisanat ont débattu ce vendredi 15 septembre dans le cadre d’une conférence organisée dans le 8ème arrondissement de Paris. La Maison Nouvelle Aquitaine s’est transformée en véritable pop up store (magasin éphémère) dans le cadre de l’opération « Les EPV de la Nouvelle Aquitaine font leur pop’up » (du 8 septembre au 10 novembre 2017 – 30 avenue Caumartin – Paris) organisée avec l’aide de la CCI de Limoges et de la Haute Vienne, et le soutien de la Région. C’est donc dans ce cadre regroupant des productions innovantes issues de 50 maisons originaires de ce qui est désormais la plus grande région de France en terme de superficie et le 4e plus grand vivier de savoir-faire d’exception avec 132 entreprises labellisées « patrimoine vivant », que s’est déroulé l’entretien.
Formation et Transmission de Savoir Faire étaient ainsi au programme. La rencontre a également donné lieu à un échange relatif aux travaux menés autour d’un label parfois mal compris du grand public, le label EPV.
Les EPV, des vitrines françaises exceptionnelles
Savez-vous seulement ce qu’est une EPV ?
Si votre réponse oscille dangereusement entre le « non » ou le « pas tout à fait », rien de grave, vous êtes dans la moyenne des français. En effet, le label d’état EPV manque bien souvent de visibilité au bénéfice d’autres labels privés davantage médiatisés mais pourtant plus douteux…
Pour faire simple, le label EPV ou « entreprise du patrimoine vivant » est une marque de reconnaissance de l’Etat mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Il désigne dans les faits également un laboratoire d’idées autour de ces professions.
Sur le territoire français, ces entreprises évoluent dans des univers et des secteurs divers et peuvent impliquer de 1 à 7000 salariés. Loin de la dimension patrimoniale muséale, Romain Ales, Président de la commission EPV et Président des Parfums Caron préfère retenir le caractère « VIVANT » de l’ensemble de ces entreprises.
Selon lui, une EPV est « le plus bel échantillon qu’un Etat puisse s’offrir ».
Les EPV sont de véritables vitrines du savoir-faire français à l’international (l’export représente entre 20 à 30% de leurs chiffres d’affaires) et des locomotives pour l’écosystème régional qui offrent des emplois non délocalisables.
Recherche apprenti dans Entreprise orpheline de formation
Dans le cadre d’une étude portant sur la formation et la transmission dans les EPV en Normandie, il ressort de l’enquête que le capital humain représente la principale valeur économique du savoir-faire dans la production et le chiffre d’affaires.
L’étude a également mis en lumière quatre problématiques majeures liées à la transmission des savoir-faire : la disparition des filières de formation, la durée d’apprentissage longue (3 à 5 ans avec les seniors en entreprise), la difficulté de recruter des profils adaptés ainsi qu’un accompagnement (en particulier financier) insuffisant des collectivités et de l’Etat.
Les entreprises s’organisent et tentent de pallier le défaut de formation à travers la formation par des anciens faisant office de tuteurs (40%) tandis que d’autres ont mis en place des parcours de développement des compétences (10%).
Les entreprises présentes à la conférence expriment un véritable besoin en recrutement et le candidat potentiel ne ressemble pas vraiment aux profils types des jeunes sortis d’école. Le candidat doit ainsi, de l’avis des dirigeants, être observateur, passionné et polyvalent. A cela il faut ajouter que le candidat doit être implanté localement afin généralement de faire carrière dans l’entreprise durant au moins 20 ans, une difficulté supplémentaire, quand on sait que les jeunes générations conçoivent difficilement de rester plus de 5 ans au sein de la même entreprise.
Liza Bergara au sein de l’atelier familial
Une vision innovante de la transmission
Ils s’appellent Benjamin, Liza et Stéphanie, ils ont à peine trente ans et ils sont les porte-étendards des savoir-faire de tout un territoire. Ils ont fait le choix de perpétuer l’aventure d’institutions régionales comme Moutet tissage, Laffargue ou encore Makhila Ainciart Bergara pour mieux préserver les techniques familiales tout en insufflant à la profession une bonne dose d’innovation.
Par un heureux hasard du destin, ces 3 amis partageant une même passion pour l’artisanat ont découvert qu’ils partageaient bien plus en réalité.
Leurs arrières grands parents se sont en effet vu décernés 80 ans plus tôt une médaille lors de l’exposition universelle de 1937.
Par leur enthousiasme, leur ténacité et leur créativité ils font vibrer au quotidien leur profession et leur région, la Nouvelle Aquitaine.
Cela fait ainsi 4 ans que Stéphanie a repris l’entreprise familiale Laffargue, institution de la maroquinerie cloutée indissociable de l’art de vivre de Saint-Jean de Luz.
Benjamin incarne la 5e génération de l’entreprise familiale Moutet tissage, fondée en 1919.
Il est le garant d’un savoir-faire dans le tissage du linge basque, une toile solidifiée qui était à l’origine adaptée aux travaux des champs.
Pour Benjamin, « transmettre, ce n’est pas céder ».
Pour lui, seules les entreprises innovantes parviennent à perdurer aujourd’hui. Et l’artisanat ne fait pas exception.
Alors que le travail des champs n’avait plus la même portée, il a eu l’idée d’ajouter à la toile des détails graphiques à grands renfort de rayures colorées, devenues depuis sa signature.
Cette idée de « signature » soulève ainsi l’une des difficultés complexes accolées à son métier.
« Transmettre ce n’est pas simplement reproduire », comme le dit Liza, c’est aussi « incorporer et enrichir. »
L’apprenance est une chose mais y ajouter sa patte, sa touche distinctive en est une autre.
Liza incarne la 7e génération de l’entreprise familiale Ainciart Bergara, spécialisée dans la conception de makhilas, des bâtons de marche typiques du pays basque.
L’entreprise a connu un nouveau dynamisme lorsqu’elle a décidé de mettre en place des éditions limitées. Aux matériaux traditionnels du bois, du métal et du cuir, elle leur a substitué l’emploi de l’or et de l’argent. Avec la complicité des artisans de l’atelier, elle fait évoluer les formes des poinçons pour obtenir un résultat plus minimaliste et contemporain.
L’EPV a révolutionné l’artisanat d’art.