Chronique
La face cachée du Luxe Français
Publié le par Bénédicte de Renty-Lévy
Évoquée depuis des mois, la fusion du Mobilier national et de la Manufacture de Sèvres a été officiellement annoncée le 15 janvier dernier au Ministère de la Culture. Cet établissement public, unique au monde, rassemble une douzaine de manufactures et ateliers, de musées et collections et emploie 650 agents qui œuvrent à entretenir des pièces d’exception, pratiquer des savoir-faire d’excellence et valoriser la richesse d’un patrimoine vivant à travers une cinquantaine de métiers d’art.
La promotion de l'excellence nationale à l'international
Cette nouvelle entité s’inscrit dans le plan gouvernemental en faveur des métiers d’art décidé en 2023. Outre son action pour la formation et la transmission, l’innovation et la création, elle va poursuivre également la promotion active de l’excellence nationale à l’international : présence hors les murs (villa Médicis à Rome, Albertine à New-York…), salons et festivals de design, nouvelle revue en anglais "Savoir-faire". Rappelons que c’est Colbert qui érige au XVIIe siècle les métiers d’art et du luxe en fer de lance de l’économie française. Les manufactures royales servent alors le faste de Versailles et éblouissent le monde de cette signature "haute facture française", si réputée encore de nos jours.
Un nouvel élan pour les Arts Décoratifs
Héritier de cette histoire éco-culturelle, ce nouvel élan, teinté de néo-colbertisme, va mettre en lumière le secteur des arts décoratifs. Gageons qu’il devrait aussi entraîner dans son sillage de discrets acteurs privés, face cachée du luxe. Car c’est bien dans une expression singulière du luxe que les arts décoratifs français sont déjà lancés à la (re)conquête du monde. Sur les 68 Md€ générés par le secteur (c.a. 2023) – à titre comparatif, l’industrie pharmaceutique a réalisé 62 Md€ – 14% en moyenne sont réalisés à l’export, principalement à destination des États-Unis (jusqu’à 21%) et de l’Asie (environ 10%). Les Américains, grands amoureux notamment de Versailles, demeurent les plus fervents amateurs de notre art de vivre et d’embellir. Nos artisans d’art sont donc sollicités par des architectes d’intérieur et autres prescripteurs, fans de nos savoir-faire qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs.
Un marché qui préserve la confidentialité
Pourtant rien ne permet de deviner ce luxe décoratif… car bien à l’abri des regards, il reste caché à l’intérieur. Les somptueuses demeures parfois dévoilées par les magazines de décoration ne sont que la pointe émergée de l’iceberg. Vous ne verrez jamais les boiseries murales XVIIIe de ce ranch au Texas, le lustre en bronze et cristal de roche de 7 mètres de haut pour ce penthouse new-yorkais ou la volière en laiton ciselé et patiné de cette villa à Hong-Kong.
Les plus beaux intérieurs du monde demeurent un secret bien gardé par les artisans d’art. Toutes les maisons d’excellence vous le diront : impossible de montrer les rares clichés de ces fabuleux projets. Dans l’univers de la haute décoration, le sur-mesure artisanal répond au gout du rare et le silence est… d’or.