Le luxe, dans tous ses états
Le luxe est un univers singulier qui a de tout temps suscité envie et désir chez les consommateurs. Pour Seth Goldin, un produit de luxe se reconnaît à sa sophistication, supérieure à ce qu’un usage simple de l’objet ne pourrait exiger, à son prix, plus élevé qu’il ne devrait l’être et à la symbolique, la mesure dans laquelle l’acquisition du dit produit de luxe est liée au message qu’il fait passer.
Journal du Luxe décrypte chaque jour l’actualité de ce secteur moteur de l’économie, qui ne cesse de nous surprendre par ses prouesses techniques et artistiques. Focus sur le luxe, dans tous ses états.
Le Luxe, une valeur sûre depuis des générations
Une sensibilité historique au beau et au prodigieux…
Le luxe comme on l’entend aujourd’hui, trouve son origine dans les habitudes des anciennes familles de haut rang. Référant à l’exceptionnel, il est le symbole d’une réussite sociale accomplie mais également du raffinement et de l’amour du « beau ».
Depuis la nuit des temps, tout objet ou matériaux faisant office de rareté s’accompagne d’une haute valeur monétaire et symbolique. Les Égyptiens étaient déjà sensibles à l’or et aux joyaux, qui permettaient une distinction entre les familles nobles et le peuple. Cette notion fut transmise de générations en générations et ce dans le monde entier, jusqu’à se placer au centre des débats philosophiques et religieux du XVIIe siècle. Si pour Voltaire le luxe est un moteur économique de premier ordre, pour Rousseau, c’est un obstacle à la vertu. Accusé de gaspillage, car trop lié à la notion de satisfaction sociale, le luxe parvient à conserver sa place sur le marché français et international.
S’il a toujours existé à travers les habitudes des nobles et des hautes familles, notamment par les bijoux royaux et leurs robes de créateurs, il connaît un essor fulgurant avec l’arrivée des premières voitures et des yachts dits « princiers ». La seconde guerre mondiale voit naître des figures emblématiques telles que Chanel ou Dior, pionniers de cette nouvelle aire, qui permettent au marché de rester sur le devant de la scène malgré les difficultés sociales et financières contemporaines. Après le conflit, la logique du secteur industriel annonce la naissance d’une véritable industrie du Luxe. En 1947, certains entrepreneurs tels que Lucien Lelong ou encore le parfumeur Jean-Jacques Guerlain bâtissent les fondations du comité Colbert. À ses débuts, celui-ci avait pour but de faire pression sur les entités économiques pour un redémarrage de l’industrie du luxe. Si elles avaient perdu beaucoup de poids lors des dernières années de guerre, les actions du Comité Colbert ont permis au luxe de s’imposer comme un symbole de la France à l’étranger. Avec le temps, le groupe se transforma en véritable lobby, ayant pour mission de défendre et de promouvoir ce secteur privilégié. Aujourd’hui encore, il rassemble78 maisons du luxe français et 14 grandes institutions culturelles.
Le luxe moderne comme moteur économique
Le luxe à la française
Par définition, le luxe tricolore allie tradition, savoir-faire et glamour. Il s’impose comme un moteur économique de premier ordre et atteste d’une santé irréprochable même en temps de crise.
Cet essor, il l’a entamé au cours de la seconde moitié du XXe siècle. L’année 1980 marque en effet un tournant décisif dans l’histoire du luxe Français. Les petites maisons, indépendantes, se rassemblent alors en grands groupes économiques.
Avec plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, Louis Vuitton (LVMH) s’impose comme le leader dans le domaine, suivi de près par Richemont et Kering (anciennement Pinault-Printemps-Redoute). Depuis lors, la France s’impose comme le premier pays dans l’univers du Luxe. Précurseur de nombreuses pratiques, les grandes maisons se sont forgées une solide réputation à l’étranger et permettent aujourd’hui de s’imposer à l’export avec 80% de leur chiffre d’affaires réalisé à l’international.
Les produits de luxe français ont vu leurs prix augmenter de 800% entre 1979 et 2012, contre 300% pour les autres biens de consommation. Ces résultats à total contre courant ont fait explosé les chiffres des maisons de luxe françaises qui affichent une rentabilité insolente. Louis Vuitton affiche une marge opérationnelle de 45%, ce qui la place comme la marque de luxe la plus rentable sur le marché. De même, Hermès annonçait en 2013 un an de retard sur ses commandes en raison de son fort succès. Cette réussite française inégalable serait due à la culture française, qui s’attache à transmettre un savoir faire de génération en génération tout en recherchant toujours l’innovation. Ce sont ces clés de réussite qui font du luxe à la française un marché sans nuage depuis des années.
Une valeur internationale
Si le luxe français s’impose naturellement sur le devant de la scène, il est avant tout international. Les débuts de l’horlogerie et de la haute-horlogerie en Suisse, puis en Angleterre, ont marqué un tournant décisif pour le marché. De même, l’Italie se place en bonne position sur ce palmarès de prestige, notamment par le biais de son cuir et de ses lignes haute couture. L’Europe du nord excelle aujourd’hui encore dans les pièces motorisées telles que les jets privés et les yachts, quand la qualité Allemande dans la création automobile est reconnue par tous. Le luxe ne se cantonne donc pas à une seule nationalité. Il est multiculturel et cette tendance ne fait que se renforcer avec l’arrivée d’acteurs à l’avenir prometteur.
Nouvel arrivant dans cet univers, la Chine a beaucoup fait parler d’elle. À l’échelle mondiale, les chinois ont réalisé en 2012 25% des achats dans le luxe, contre 24% pour les Européens ainsi que devant les Américains (20%), les Japonais (14%) et le reste des consommateurs asiatiques (11%). Le nombre de milliardaires aurait passé la barre des 315 en 2013, et ne cesse de progresser, de même qu’au Mexique où l’on prévoit 265 000 millionnaires d’ici 2017. Parmi les marchés à conquérir, deux pôles intéressent de plus en plus les maisons Européens. Si les États-Unis concentrent le plus grand nombre de « super-riches », leur consommation de produits hauts de gamme Européens est en baisse. Au pays de Marc Jacobs et de Calvin Klein, le luxe représente une niche de plus en plus plébiscitée par les américains ainsi que les acheteurs issus du tourisme de masse.
Les pays émergents ne sont pas en reste et voient fleurir le nombre de « nouveaux riches ». Du fait des ses caractéristiques culturelles et religieuses, l’Iran est un oasis pour les produits de soins et de cosmétiques qui ne connaissent pas la crise. Ces nouveaux marchés annoncent un futur prometteur pour le luxe, qui devra tout de même s’adapter aux changements contemporains.
Le Luxe confronté à son avenir
Vers une fuite du luxe ?
Aujourd’hui, le luxe au sens large, se concentre sur un marché plus étendu, moins élitiste. Ce phénomène de popularisation, aussi appelé Fuite du Luxe, change les habitudes des consommateurs modernes et leur manière de consommer en axant d’avantage leur stratégie sur la consommation plutôt que sur le produit en lui-même.
Un service client et après-vente ainsi qu’une communication irréprochable sont de rigueur pour tout acteur de se secteurs historique. Bien que la qualité soit toujours un critère de premier ordre, l’expérience client est de plus en plus citée comme une nécessité par les clients. Cette évolution amène à redéfinir la notion propre du Luxe, car de nombreuses sociétés mettent l’expérience et la qualité à l’honneur tout en offrant des prix abordables à une large clientèle. Peut-on alors véritablement parler d’enseigne de Luxe? Si les critères qui limitaient autrefois le secteur ne sont plus les mêmes qu’il y à 30 ans, le Luxe est-il lui aussi resté fidèle à ses principes en adoptant, notamment, un support internet et mobile ?
Luxe, révolution numérique et écologie
S’il a aujourd’hui atteint sa pleine maturité, l’avenir du Luxe reste assuré. Pourtant, ce secteur historique est amené à se plier aux changements sociétaux, techniques et écologiques. À l’heure du numérique, les maisons qui refusent d’adhérer au système de l’e-commerce sont-elles condamnées ou cela profitera, sur le long terme, à accroître leur dimension « luxueuse » ? Cette question, encore en suspens, laisse apparaître une tendance bien plus décisive pour les acteurs du secteur. Aujourd’hui, le consommateur habitué des produits de luxe est lui-même en train d’évoluer. Ce n’est plus la rareté et la qualité du bien qu’il recherche, mais les relations et les émotions que lui procure son achat. Dès lors, le métier n’est plus le même pour les grandes maisons du luxe, et c’est toute sa stratégie que l’industrie doit à présent revoir en plaçant l’innovation au centre de ses priorités.
Parallèlement à cette évolution, le secteur du luxe doit aussi faire face à la montée des contrefaçons, notamment dans les secteurs des soins, cosmétiques et parfums de luxe, ainsi qu’à des problématiques d’ordre écologique majeures. La sauvegarde des espèces remet en question l’utilisation de matériaux nobles tels que les cuirs et peaux de reptiles, à laquelle s’ajoutent d’autres contraintes environnementales. Cette dimension écologique s’avère être un des principaux risques auxquels sera prochainement confronté cet univers singulier qu’est le luxe.
Véritable besoin ou simple caprice? Si la définition du luxe reste subjective, une chose est sûre: il continuera de susciter le rêve. L’exaltation des sens et des émotions, l’approche toujours plus poussée vers la perfection et une créativité sans bornes sont des valeurs ancestrales que le luxe perpétuera à l’avenir, sous un visage toujours symbole de réussite sociale.
Le marché du luxe est loin de disparaître mais il doit le réinventer. Le Luxe de demain doit continuer à fasciner et à se montrer avant-gardiste dans un environnement de contraintes écologiques et financières.