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Quelle boutique de luxe pour la clientèle GenZ française ?

Publié le par Journal du Luxe

Dans sa nouvelle chronique, Nicolas Rebet, expert retail, spécialiste de l’expérience client in-store et fondateur du cabinet Retailoscope, décrit la boutique de luxe en phase avec les attentes de la génération Z.

Que souhaite la GenZ ?

Nicolas Rebet

La littérature évoque souvent l’importance croissante de la GenZ pour les maisons de luxe. En Chine, ces néo-clients représentent déjà 28% de part de marché et vont devenir les principaux consommateurs d’ici dix ans. En Europe, et en France en particulier, le poids de cette génération est aujourd’hui bien moindre. Ces jeunes, qui deviendront d’ici quelques années une cible majeure pour les maisons et souvent décrits comme digital addicts, doivent-ils cependant être écartés des réflexions sur la boutique de luxe de demain ? Que souhaitent-ils ? Quelles réponses les marques peuvent-elles leur apporter ?

La boutique, un lieu émotionnel plus que transactionnel.

Aujourd’hui, les moins de 25 ans achètent aisément bon nombre de produits sur internet, mais lorsque l’on parle de luxe, leur comportement diffère. La boutique est un passage quasi-obligé dans leur parcours d’achat et franchir sa porte demeure un moment émotionnellement riche, qui génère de nombreuses attentes. Acheter un produit de luxe nécessite un véritable effort financier pour eux et ils éprouvent le besoin de le ressentir, de le matérialiser et de le partager avec leurs proches. Commence alors un ballet à quatre protagonistes (le client, ses proches, le produit et le conseiller de vente) qui ne peut s’incarner qu’au sein d’un point de vente physique. Faire évoluer la selling ceremony devient alors indispensable pour satisfaire ces nouvelles demandes.

Pour le Z, sa première attente est l’attention que va lui porter le conseiller de vente. Il désire être considéré comme « un véritable client » et apprécie les codes et le protocole d’une boutique de luxe. Pas question d’avoir à son égard une attitude trop familière, qui serait perçue comme un manque de considération. Vient ensuite la l’authenticité que mettra le vendeur dans l’échange. Celui-ci doit s’intéresser sincèrement à lui en tant que personne, évoquer sa relation à la marque ou échanger sur son style vestimentaire… Si le discours est centré uniquement sur le produit, l’échange aura une valeur quasi nulle pour le client, car il serait l’équivalent du contenu du site e-commerce de la marque. Un bon vendeur sera celui qui se donnera les moyens d’entrer dans son univers personnel. Humilité, confiance et intérêt sincère seront les futurs maîtres-mots de la relation client.

©Cartier

La génération Z sera encore plus exigeante que ses aînées sur ce sujet. Cependant, le très fort engouement pour la seconde main pourrait malgré tout détourner une partie de la GenZ des magasins physiques. Cette offre n’est actuellement pas, ou très peu présente, dans le circuit de distribution traditionnel des maisons alors que la demande émanant des Z est forte. N’ayant d’autres choix que de se tourner vers des plateformes digitales spécialisées, ces clients délaissent alors les boutiques. Cartier l’a bien compris et l’a récemment intégré dans son flagship du Faubourg St Honoré. Les autres marques devraient en faire tout autant pour se doter de nouveaux atouts afin de séduire les Z.

Le phygital doit être utile ou ne pas être !

Le phygital est devenu incontournable en point de vente mais l’équilibre entre digital et physique doit être finement analysé. Indéniablement, les maisons doivent intégrer ce type d’expériences dans leurs boutiques, mais à condition que celles-ci aient une réelle valeur ajoutée pour le client ; sinon il ne les utilisera pas. Inutile de doter la boutique d’une pléthore de dispositifs, seuls ceux qui seront directement liés au produit recherché ou à lui-même trouveront de l’intérêt à ses yeux. Nous pourrions ainsi imaginer un dispositif permettant de connaître l’artisan qui a cousu le sac ou découvrir le jardin d’où provient le jasmin entrant dans la composition du parfum, etc.

De plus, le passage en cabine regroupe de fortes attentes de la part de GenZ et le phygital y trouve tout son sens. En effet, ils ne supportent plus la cabine telle que nous la connaissons aujourd’hui, laquelle n’a pas évolué depuis des décennies… L’idée n’est pas de disposer d’un écran indiquant les autres tailles ou couleurs disponibles, c’est trop « mass market » et surtout, le client considère que cette information doit venir du vendeur et non d’un écran. En revanche, il souhaite disposer d’une cabine immersive qui devra stimuler ses cinq sens ; simuler un environnement de plage pour un maillot de bain ou une réception pour une robe de cocktail ; lui permettre de lancer un Facetime géant avec ses amis afin d’obtenir leurs avis en direct, etc. Bien entendu, cette expérience ne peut se passer d’une relation client sincère avec le conseiller de vente, comme décrit précédemment.

©Louis Vuitton

Une fois passé en cabine, vient la question de faire un selfie… Certaines marques sont tentées de créer des espaces dédiés avec une mise en scène. Néanmoins, sur ce plan, les avis divergent. Le client n’aime que ce qu’il a réellement décidé. Or un espace scénarisé dédié aux selfies peut apparaître comme une demande pressante de la marque à ce que les visiteurs deviennent des supports publicitaires. Or le Z n’a pas envie que la maison lui dicte ce qu’il doit faire. Il va naturellement partager des photos du lieu et de lui-même s’il se sent bien émotionnellement et s’il se trouve dans un environnement attractif, photogénique et osons le mot « instagrammable ». Si la boutique de luxe correspond à ces critères, l’UGC – user generated content – créé sera extrêmement utile pour la marque. En effet, le message véhiculera de la sincérité et ancrera la maison dans l’esprit des personnes de moins de 25 ans car le message sera à l’initiative d’un pair et non d’une direction communication.

Enfin, le consommateur Z – mais pas uniquement – attend du magasin qu’il dispose désormais de services omnicanaux essentiels comme la prise de rendez-vous en ligne, la visualisation du stock ou le chat avec un vendeur. Leur déploiement doit être une priorité pour les maisons de luxe car le client, habitué par d’autres secteurs, trouve inconcevable qu’ils ne soient pas présents dans son parcours.

La boutique, vecteur de communication de l’engagement RSE de la maison.

Nous parlions de sincérité dans la relation client, mais la génération Z la recherche également dans le discours RSE de la maison. L’entreprise se doit désormais d’être transparente dans ses actions et son engagement nécessitera d’être réel, loyal et sincère. Les jeunes générations sont lassées des discours marketing léchés et trop corporate sur le sujet de la RSE et cherchent désormais à connaître l’impact environnemental de leurs achats (provenance des matières premières, conditions de production…). Sur ce point, la boutique doit être considérée comme un véritable vecteur de communication.

Au sein du point de vente, un rappel des engagements RSE de la maison devient indispensable. Par exemple, Tiffany présente publiquement sa politique de sourcing de diamants dans sa boutique Style Studio de Covent Garden dédiée à la jeune génération. En complément, le conseiller se doit absolument de répondre à leurs questions sous peine de perdre potentiellement la vente. Il devient alors crucial pour les maisons de former leur personnel sur ce sujet et développer chez lui un intérêt sincère. Si la force de vente est convaincue des engagements de la marque envers l’environnement ou d’une autre cause RSE, elle en parlera avec d’autant plus de conviction.

Finalement, cette génération Z contribuera activement au maintien des boutiques de luxe car elle y est encore profondément attachée. Cependant, les marques doivent absolument les faire évoluer pour qu’elles conservent toute leur attractivité. Cette nouvelle stratégie retail devra tourner autour de trois axes : nouvelle relation client et nouvelle selling ceremony, développement de nouveaux points de contacts phygitaux personnalisés à forte valeur émotionnelle et intégration de la politique RSE au sein de l’expérience in-store.

Crédits visuels : ©Gucci

par Journal du Luxe