Chronique

Le luxe durable des Arts Décoratifs

Publié le par

On célèbre cette année le centenaire d’un événement français au retentissement mondial : l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes.

L’occasion de se pencher sur les signes… intérieurs de richesse. En 1925, Paris accueille vingt-et-une nations, cent-cinquante bâtiments, pavillons et boutiques éphémères qui déploient durant six mois les fastes dernier cri de la haute décoration d’intérieur. En rupture avec l’Art nouveau, les lignes et volumes de ce confort moderne novateur convoquent les luxueuses matières de l’artisanat d’art, égrenant au fil des pavillons, les plus grands noms du cristal, du bronze, du tissage ou du cuir : Lalique, Baguès, Braquenié, Hermès… pour les plus connus restés dans l’histoire.

Pour ouvrir les célébrations de 2025, le Musée des Arts Décoratifs de Paris proposedepuis mi-mars une exposition consacrée à Jacques-Emile Ruhlmann, ensemblier emblématique de l’époque et créateur de l’Hôtel du Collectionneur, l’un des plus grands succès de l’exposition. Rhulmann et ses confrères - Pierre Charreau, André Arbus, Jean-Michel Franck, etc. - étaient de ces décorateurs appelés "ensembliers" qui pensaient la décoration comme un tout harmonieux entre l’espace et son aménagement et confiaient la fabrication de leurs dessins à des artisans d’art.

Appartement du Collectionneur
Appartement du collectionneur, Pierre-Yves Rochon / AD Intérieurs - @ Gdelaubier

Du savoir-faire d’excellence au collectible design

Progressivement délaissée depuis cette époque, cette conception globale de la haute décoration revient en grâce aujourd’hui avec des décorateurs comme Chloé Nègre, Tristan Auer, Laura Gonzales ou encore Pierre-Yves Rochon qui l’a toujours revendiquée.

De style naturaliste, maximaliste ou plus classique, ces ensembliers contemporains renouent avec le souci des règles de l’art et des beaux matériaux, s’entourant d’artisans d’exception pour créer et installer leurs agencements et lignes de mobilier dans le monde entier. Ils n’hésitent plus à dévoiler ces collaborations et à valoriser ces savoir-faire uniques, longtemps maintenus à l’écart. C’est ce même credo qui guide The Invisible collection dans la mise en lumière de créateurs à la fibre éminemment craft. Très engagée, cette marketplace certifiée "BCorp" a par ailleurs contribué à répandre la notion du "collectible design".

Loin du registre industriel mais pas encore de nature muséale, ce design d’un nouveau genre se nourrit souvent d’artisanat et estompe la frontière avec l’art par son caractère rare. Cette tendance de fond s’observe également avec le succès grandissant des foires et salons de design. Comme le PAD qui, chaque année à Paris et à Londres, donne une place égale aux galeries de mobilier historique et contemporain, convaincu que le nouveau design imprégné de savoir-faire traditionnels est une source de régénération du désir.

Maison Parisienne au Pad London
Maison Parisienne au PAD London 2023 - © Benedicte Drummond

L’expression d’un luxe plus durable

Une vision très juste, car acquérir une pièce de mobilier de créateur va bien au-delà dela fonction décorative. C’est d’abord satisfaire une envie de singularité grâce à une exécution sur mesure, à la demande, en exemplaire unique ou en série très limitée. C’est aussi ressentir l’émotion du geste artisanal et se connecter à l’âme de l’objet. C’est avoir également le goût des matières nobles et s’assurer d’une production locale et éco-responsable.

S’offrir une pièce de collection preloved qui a traversé les époques, c’est enfin réduire la surproduction, c’est figer l’air du temps dans l’intemporel et presque s’offrir une petite part d’éternité… Qu’elle soit vintage ou actuelle, une pièce de décoration inédite ou de mobilier signé a tous les atouts pour séduire l’amateur de luxe qui aime se raconter à travers son intérieur. À fortiori la jeune génération qui aspire à un luxe plus authentique et vertueux.

Cent ans plus tard, alors que le luxe qui s’exprime au rythme effréné de la mode montre des signes de faiblesse, les arts décoratifs ont donc plus que jamais le pouvoir d’inspirer en contrepoint une allure plus lente au luxe, doublée d’un style plus durable.

Chronique

Hôtel du Collectionneur, boudoir - ©Photo distr. Les Arts Décoratifs / éditions Albert Lévy

Design