La robe Mondrian de Saint Laurent qui a popularisé le peintre

Publié le par Journal du Luxe

« Révolutionnaire », maintes fois copiée partout dans le monde et inspirant d’autres oeuvres d’art, c’est la robe Mondrian dessinée en 1965 par Yves Saint Laurent qui a popularisé le peintre néerlandais, l’un des pionniers de l’abstraction.

« C’est quasiment à ce moment-là que la mode change de statut et commence à devenir un art en soi », estime dans un entretien à l’AFP Aurélie Samuel, directrice des collections du musée Yves Saint Laurent à Paris qui dédie à cette robe emblématique une nouvelle exposition à partir de mardi.

Tout commence par un livre sur Piet Mondrian « qui n’était pas très connu à l’époque » que sa mère offre à Saint Laurent. « Il a une sorte de révélation, va dessiner la première robe Mondrian et toute sa création de cette année sera très inspirée par cette géométrie et une forme d’abstraction » que la presse qualifiera de « totalement révolutionnaire ».


Le musée Yves Saint Laurent à Paris dédie à la robe Mondrian une nouvelle exposition à partir de mardi
© AFP PHOTO / OLI SCARFF

Il y a certes eu dans le passé des collaborations entre la mode et l’art, mais cette fois c’est différent: Saint Laurent travaille seul, « c’est lui-même qui arrive à assimiler un travail d’artiste et en faire une interprétation textile ».

« Pendant longtemps on connaissait Mondrian par la robe Mondrian » extrêmement copiée surtout aux Etats-Unis, souligne Mme Samuel.

La première rétrospective de l’oeuvre de Mondrian, mort en 1944, a lieu en 1969 au musée de l’Orangerie à Paris, soit quatre ans après le défilé Yves Saint Laurent.

« Cette robe pouvait se regarder aussi comme un tableau. La question était de comment porter un tableau sur soi et Yves Saint Laurent a réussi à faire vivre un tableau tout en respectant la géométrie. C’était extrêmement nouveau. Ce n’était pas juste une inspiration d’un motif », explique Mme Samuel.

– Poitrine sculptée en cuivre –
D’une pureté extraordinaire, cette robe est extrêmement compliquée à réaliser.

Elle est confectionnée en jersey, une matière assez rigide « qui accroche la lumière d’une certaine manière et donne un relief, une profondeur exactement comme sur un tableau ».

Pour incruster les bandes noires, il a fallu une invention technique assez sophistiquée pour qu’elles soient cousues sans que la démarcation ne se voie. « C’est une sorte de patchwork mais incrusté, beaucoup plus compliqué à faire qu’une robe entièrement brodée », selon les témoignages d’une couturière qui a travaillé à l’époque dans les ateliers.

Aujourd’hui, les robes Mondrian ont pénétré le champ de la culture populaire jusqu’à devenir l’objet de réinterprétations par les artistes contemporains dont certaines oeuvres sont présentées dans le parcours, comme une installation lumineuse en plexiglas.

Les robes Mondrian marquent le début du « dialogue avec l’art » que le couturier poursuit avec Pablo Picasso, Vincent van Gogh, Georges Braque, Henri Matisse, Fernand Léger ou Pierre Bonnard.

C’est seulement avec la sculptrice Claude Lalanne qu’il collabore réellement, d’abord en 1969 avec deux robes particulièrement marquantes avec une taille et une poitrine moulées en cuivre, et plus tard avec la création de bijoux sculptures tel une coiffe ornée d’une feuille de chou.

Des bustes et des tailles ont été moulés sur une mannequin pour rendre visible sur du cuivre galvanisé des détails du corps, de la peau, des grains de beautés. Ces cuirasses anthropomorphes en cuivre galvanique viennent orner deux robes de mousseline vaporeuse, une manière de « montrer le corps différemment ».

« La plus grande partie de sa carrière, Saint Laurent a travaillé sur la transparence, sur l’idée que le corps doit être montré, mais pas tout à fait dévoilé, souligne Mme Samuel. Là c’est le contraire: au lieu de montrer le corps à travers la mousseline, il montre le corps par dessus la mousseline, le corps est caché, mais il est révélé. »  neo/alu/spe – AFP

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