Martin Margiela : une première rétrospective parisienne à découvrir dès le 3 mars
Publié le par Journal du Luxe
Créateur sans visage d’une griffe sans logo, Martin Margiela a beau avoir quitté sa maison il y a près d’une décennie, il n’a jamais été aussi présent: son influence irradie sur les podiums et la première rétrospective parisienne consacrée au designer belge ouvre samedi.
Le Palais Galliera, musée de la mode de la ville de Paris, revient sur ses 20 ans de carrière (1989-2009). Une autre exposition, déjà présentée à Anvers en 2017, suivra au Musée des Arts décoratifs, toujours à Paris, à partir du 22 mars, sur son travail comme directeur artistique d’Hermès (1997-2003).
– Blanc –
L’exposition « Margiela/Galliera », conçue en collaboration avec le designer, a parfois des airs de chantier. Cet univers de « work in progress » correspond à l’oeuvre du créateur de 60 ans, né à Louvain dans une famille de coiffeurs, formé à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers et passé chez Jean Paul Gaultier avant de fonder sa maison en 1988.
Le blanc est emblématique de sa griffe, de la blouse du personnel aux étiquettes des vêtements, en passant par la collection monochrome du printemps-été 90. Il choisit cette couleur « en réaction aux années 1980 », explique le commissaire de l’exposition, Alexandre Samson. Une décennie dont il n’aimait pas le style, lui qui fuyait aussi le star system et les photographes.
L’anonymat est une signature de Margiela, dont les mannequins ont souvent le visage caché pour mieux mettre en valeur le vêtement. C’est le cas pour son premier défilé en 1988, aux airs de performance artistique: le tapis blanc du podium se tache progressivement d’empreintes rouges, celles des chaussures « tabi » des mannequins qui ont marché dans la peinture.
– La tabi –
Mi-animale, mi-fantastique, cette chaussure fétiche de Margiela s’inspire des chaussettes japonaises fendues, séparant le gros orteil des autres. Une forme qu’il découvre en 1984 lors d’un voyage au Japon avec « les Six d’Anvers », groupe de designers comprenant notamment Dries Van Noten et Ann Demeulemeester.
« Il avait le désir de faire une chaussure trompe-l’oeil, notion qu’il adore, d’un pied nu posé sur une semelle à talon », explique Alexandre Samson.
– Récup’ et détournement –
Comme Gaultier, dont il a été l’assistant pendant trois ans, Margiela est un adepte de la récupération. Ses premiers vêtements ainsi conçus sont des vestes et des jeans transformés en manteaux longs et des robes de bal des années 50 tranchées, qui deviennent des gilets.
Margiela déconstruit le vêtement pour mieux le reconstruire et rend visible ce qui est caché: l’envers passe à l’endroit, les doublures deviennent des robes, les mannequins Stockman sur lesquels sont conçus les modèles inspirent plusieurs collections.
Des créations que le Belge, au style parfois qualifié d’underground et de grunge, présentait dans des lieux peu conventionnels: boîte de nuit, wagons de train, métro…
– Petit et grand –
Il répond à la large carrure en vogue dans les années 1980, promue par Claude Montana, par des vestes aux épaules étriquées. « Undersize » et « oversize » alternent dans ses collections, avec des chemises et des trenchs XXL. Des vêtements de Barbie sont agrandis à taille humaine, avec des effets de disproportions comiques.
« A l’époque où il a fait de +l’oversize+, ce qui est le plus repris aujourd’hui, tout le monde était contre. En 2000, on était dans le sexy et le vêtement près du corps », rappelle Alexandre Samson.
– Avant-garde –
Fin 2008, Martin Margiela annonce au groupe OTB désormais propriétaire de sa griffe qu’il quitte sa maison. Depuis 2014, John Galliano en est le directeur artistique.
Mais l’héritage créatif de Martin Margiela est bien plus diffus. Des rappeurs comme Kanye West le citent comme référence, de nombreux designers revendiquent son influence. La dernière collection du très en vogue label Vetements, dont le directeur artistique Demna Gvasalia a travaillé chez Margiela, était un hommage déclaré, reprenant l’héritage du créateur: la « tabi », les imprimés de dessins d’enfants, sans parler des silhouettes oversize et des collants de lycra portés au-dessus des escarpins…