Live Intelligence spécial "Le Désir" : le résumé

Publié le par

Le 5 décembre s’est tenu le live Intelligence spécial "Désirabilité du Luxe", organisé par le Journal du Luxe et Accenture. 6 experts se sont réunis pour partager leurs convictions ainsi que plusieurs insights issus d’études qu’ils ont réalisées. Résumé.

voir le replay

1. La désirabilité reste une priorité stratégique pour les Maisons de Luxe

C’est ce qui ressort de la récente étude "Luxe Eternal" menée par Accenture, partenaire de ce dernier live Intelligence de l’année. Comment les Maisons de Luxe s'adaptent-elles donc, pour maintenir l'équilibre entre désirabilité et excellence opérationnelle ? Amal Benichou, Global Account Lead for a Luxury leader & Managing Director chez Accenture dévoile une nouvelle définition de la désirabilité : "Nous avons identifié 7 variables, où l’on retrouve de façon assez traditionnelle la qualité et le savoir-faire, l’héritage et l’exclusivité aux côtés d’autres dimensions qui prennent une importance croissante : la valeur expérientielle - qui crée une connexion émotionnelle - la valeur sociale et l’innovation technologique. Enfin, l’item "iconic status" joue aussi un rôle (comment la marque choisit ses symboles et égéries)".

L’étude s’est également attachée à regarder quelles sont les stratégies des Maisons de Luxe les plus résistantes face à la crise (22% de Maisons Leader, en croissance malgré un secteur du Luxe en difficulté). Ce qu’il en ressort : "Elles semblent avoir constitué un socle solide sur les variables traditionnelles, ce qui leur permet de prioriser, aujourd’hui, les valeurs expérimentales et sociales. De plus, cette valeur sociale se traduit non seulement par l’activation du levier social media mais aussi par l’expérience en boutique, avec la montée en compétences des conseillers de vente pour répondre aux attentes d'omnicanalité et d’hyper-personnalisation des clients dans leur expérience à une marque", poursuit celle-ci. La tendance semble donc être d’adopter une remise en question perpétuelle, pour continuer à faire preuve d’audace et réussir à se réinventer.

Enfin, pour réunir excellence opérationnelle et désirabilité, 4 priorités ressortent

  1. Sélectionner les variables prioritaires de désirabilité.
  2. Aligner l’ensemble de la chaîne de valeur sur ses variables.
  3. Mettre la technologie et l'innovation au service de l’expérience client et collaborateur.
  4. Redéfinir les compétences essentielles des équipes et les accompagner dans une démarche d'empowerment.

Pour télécharger le rapport complet

2. Le nouveau nihilisme et le Luxe 

Valérie Anne Paglia, Directrice Pôle Luxe d’Ipsos France révèle ensuite les 9 tendances identifiées dans le cadre de l’étude Ipsos Global, menée depuis 10 ans dans 50 pays et auprès de 50 000 personnes :
- les fractures de la mondialisation,
- la fragmentation des sociétés,
- la convergence climatique,
- le dilemme technologique,
- la santé holistique,
- le refuge vers le monde d’avant,
- le pouvoir de la confiance,
- l'échappée individualiste
- et le nouveau nihilisme sur lequel un focus est ensuite réalisé. 

"Le monde, actuellement sous de multiples tensions (climatique, économique, géopolitique ..), engendre une peur de l'avenir et un pessimisme sur les sujets collectifs : 82% des Français disent que les choses ne vont pas dans le pays dans le bon sens. Toutefois, coexiste un optimisme individuel : 71% des Français se disent heureux. Nous assistons donc à un recentrage sur le bonheur immédiat, ce sur quoi nous pouvons encore avoir un peu de contrôle", détaille Valérie Anne Paglia. L’acronyme YOLO ("On ne vit qu’une fois") prend plus que jamais tout son sens, où seul le présent compte : pour 61% des répondants, l’important est de profiter de la vie aujourd'hui (+11 pts en 10 ans) et où les attentes traditionnelles sont mises à distance comme celles de fonder une famille, s’acheter une maison, travailler dur … 

Le Luxe, serait-il devenu une des expressions de ce nouveau nihilisme ? "L’appel au désir hédoniste est d’autant plus fort chez les jeunes qui n’hésitent pas à afficher leurs achats impulsifs", constate celle-ci, avant de poursuivre : "Ce qui peut se traduire de deux façons : expansive (on libère ses pulsions, on montre un état d’esprit confiant et décomplexé et on se reconnecte à ses émotions) ou introspective (où l’on est centré sur son bien être et où l’on recherche de la douceur notamment)". 

"Le désir de Luxe est donc, certes, fragilisé par le monde environnant, ses fractures, ses incertitudes … mais il n’est pas mort car il incarne une émotion forte, créative, rare, exceptionnelle, positive, à l’opposé de la morosité ambiante et des routines. Le nouveau nihilisme traduit une forme de “désenchantement épicurien”, où l’on attend des marques de luxe des expériences réconfortantes et centrées sur Soi, soit comme source de vitalité, soit comme vecteur de soin et de réparation", conclut Valérie Anne Paglia.

3. Le lien humain, moteur du désir dans le Luxe

Comment les Maisons de Luxe peuvent créer un lien particulier avec leurs clients ? "Le rapport humain a toujours été fondamental dans la relation au Luxe et participe à la construction de la relation et de la confiance", partage Alexandra Jubé, fondatrice du bureau éponyme. Ainsi, 65% des ruptures de marques sont liées à une déception dans le lien humain. Mais comment une marque peut l’entretenir dans la durée, alors que 95% des décisions d’achat de Luxe se font dans le digital ? En adoptant une posture plus humaine ! Pour cela, Alexandra Jubé partage 7 pistes : 

  • Créer des rencontres mémorables : imaginer le retail comme des lieux d’interactions uniques en leur genre : 75% des consommateurs sont susceptibles de dépenser plus après avoir reçu des services de haute qualité (source : The State Of Fashion).
  • Construire la connivence : faire appel à un imaginaire et des références communes. L’opportunité de créer du lien de façon plus subtile.
  • Devenir Polyphonique : une conception de manière facettée, pour rester en phase et connectée à des communautés diverses : un client au style traditionnel, un autre mode dans une démarche plus ostentatoire … 
  • Signifier son empathie : partager des émotions (les joies, les efforts, les peines). 
  • Avoir le sens de la répartie : avec une capacité à être dans le dialogue, à répondre dans l’instant, savoir rebondir sur l’époque et sur les tendances émergentes. “Cela sous-tend d’être dans l’échange plutôt que de dérouler son plan marketing”, soulève celle-ci.
  • Entrer en résonance : raconter des histoires que le public a envie d’entendre. 
  • Et cultiver la surprise : ajouter de l’inattendu et être là où l’on ne nous attend pas.

4. Une dégustation autour du DÉSIR

Au tour ensuite de Michaela Merk, conférencière internationale et spécialiste des sujets du leadership et du luxe, fondatrice de l’agence Merk Vision, de prendre la parole pour une dégustation un peu spéciale, autour du Désir : 

  • D comme Début, où beaucoup de maisons puisent dans leur passé pour rester cohérentes et désirables. 
  • E comme Émotions, qui sont au cœur de la désirabilité, à travers un parcours client multi-sensoriel.  
  • S comme Surprise, qui résulte de l’écart entre l’attendu et l’inattendu. "Cela peut par exemple se traduire par une jolie carte écrite à la main, au stylo plume, avec un texte personnalisé, généré par le cœur et non par l'IA", suggère-t-elle. 
  • I comme Innovation, où les Maisons de Luxe n’ont de cesse de se réinventer et de disrupter leur modèle pour perdurer.  
  • R comme Rareté, "car lorsque les marques s’éparpillent (trop de produits, trop de points de vente), souvent leur désirabilité baisse", constate Michaela Merk.

Quand le monde va bien, on consomme du champagne et quand le monde va mal, on converse le champagne … Le champagne constitue donc, en quelque sorte, un bon baromètre du climat économique.

5. Nouvelle tendance désirable : le Social Wellness

Nicolas Rebet, fondateur du cabinet de conseil Retailoscope partage ensuite une nouvelle tendance : le Wellness non plus uniquement pour prendre soin de soi mais aussi comme nouvelle forme de socialisation. 

Pour preuve, aux États-Unis, de nouveaux espaces ouvrent, où les soins se partagent, à l’instar de Remedy Place, Bathhouse et Rekoop à New York ou de Othership à Singapour. On y retrouve à chaque fois le même concept de “bien être collectif”, mais dans des déclinaisons différentes : tantôt des caissons à pression et des couvertures massantes, tantôt des bains chauds ou froids avec des cours, des saunas … À noter que ces lieux ont aussi tous pour point commun lui d’un design recherché, avec une architecture et une décoration pointues. 

En Europe, le concept se décline plutôt sous une forme fitness comme l’illustre le centre sportif Heimat, à Paris, réservé aux femmes, dans une approche très communautaire et confidentielles, où il y a, par exemple, régulièrement des expositions de collection d'art... 

6. Horlogerie & Joaillerie : le temps du désir. 

Et si le désir constituait la nouvelle philosophie du temps ? Alexis de Prevoisin, expert retail et expérience client nous rappelle quelques citations de philosophes anciens et modernes : 

  • Aristote : "Le désir, c’est l’unique force motrice de l’homme".
  • Bernard Arnault  : "Notre affaire , c’est créer du désir !".
  • Patek Philippe : "Vous ne posséderez jamais une Patek Philippe, vous en prenez simplement soin pour la génération suivante", ce qui démontre un désir éternel !

Un désir qui passe beaucoup par le produit, que ce soit : 

  • dans une certaine forme d’audace : L’épée 1839 x MB&F, une sculpture exclusive produite uniquement à 100 exemplaires,
  • par un modèle de distribution disruptif : la collaboration Jaquet Droz et Chantal Thomass, une montre sur commande, 
  • ou une approche plus accessible, très Gen Z : la MoonSwatch en biocéramique, écoulée à plus de 3 millions d’exemplaires

Quelques ombres toutefois au cadran : 

  • Un manque de désir sur le produit, dû en partie à trop de rééditions. 
  • Un manque de signature, qui pourrait être compensé, par exemple, par plus de collaborations avec des designers.
  • La question du prix.
  • Et, la saturation du désir, où certains préfèrent les smartwatches ou même, ne plus porter de montre pour ne plus être prisonniers du temps. 

Pour Alexis de Prevoisin : "il faut redonner de la confiance et du désir, ce qui passe par un "Story-retailing", où il est nécessaire de démontrer tout le savoir-faire, la technologie et raconter l’histoire de la marque, du produit, confier des anecdotes… C’est ce qui permettra de ressusciter le désir émotionnel !". 

En boutique, le conseiller de vente devient alors un véritable coach, conseiller et animateur d’une communauté, il est devenu un "Chief Emotional Officer" : l’humain comme vecteur d’énergie. 

voir le replay

par