Horlogerie et Joaillerie : quelles sont les tendances pour cette fin d’année ?

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Le 12 septembre dernier s’est tenu le webinar spécial "Horlogerie et Joaillerie" organisé en partenariat avec Perfect Corp, spécialiste de l’essayage virtuel. L’occasion de réunir plusieurs experts du secteur pour qu’ils partagent leur vision ainsi que leur retour d’expérience. Résumé.

L’horlogerie et la joaillerie de Luxe vivent actuellement un âge d’or, tant en termes de créativité que de résultats économiques. Alors, quelles sont les grandes tendances qui animent ce secteur ?

"Le marché de l’horlogerie et de la joaillerie se porte bien", se réjouit Pascal Ravessoud, vice-président de la Fondation de la Haute Horlogerie. Ce que confirme Fatti Laleh, International Communication and Image Director de Piaget : "Nous affichons effectivement de très bons résultats sur ces dernières années, en lien avec une activité dynamique : lancement de nouveaux produits, nouvelle image de marque… et, en 2024, nous préparons les 150 ans de la Maison". Toutefois, à l’échelle géographique, chaque maison ventile son chiffre d’affaires de façon spécifique : pour certaines, comme Tasaki, il y a une concentration significative sur le marché de l’Asie, tandis que pour d’autres, comme Furlan Marri, 50% de l’activité se concentre au Moyen-Orient, et pour la Maison Copin, il s’agit plutôt d’une clientèle française. 

"Les éléments géopolitiques jouent également un rôle de plus en plus important, en impactant le dynamisme des marchés économiques. Londres, par exemple, est en train de devenir une destination plus culturelle que shopping, du fait notamment qu’il n’y a plus de détaxe. Autre indicateur, les touristes chinois ne reviennent plus en Europe comme au niveau pré-covid… En raison, peut-être, des formalités administratives qui restent longues par rapport à des pays comme le Japon, où ils peuvent obtenir rapidement et de façon digitale leur VISA", observe José de Oliveira, directeur général de Tasaki Europe. 

Montres et bijoux : l’enjeu de la rareté

"Même si le Luxe est synonyme, de façon intrinsèque, d’exclusivité et de rareté, il s’agit d’une notion encore plus vraie face à une clientèle en quête d’éléments de différenciation", explique Fatti Laleh et rejointe par José de Oliveira : "Pas étonnant donc que, lorsque nous avons mis en vente une collection de montres dessinées par Fiona Krüger lors d’un événement exclusif à Tokyo, toutes ont été achetées sans exception par des collectionneurs ! Le bijou ou la montre devient un indicateur de connaissance culturelle". Autre élément cette fois-ci exogène, qui participe à l’attrait pour la rareté, celui de la pénurie qui s’applique désormais à de nombreuses matières premières, comme c’est le cas pour les perles : "À cause du réchauffement climatique, il n’y a plus de certitude quant à la possibilité, dans les années à venir, de pouvoir continuer à cultiver les perles et assurément, plus dans les volumes actuels. Un collier de perles devient ainsi un véritable investissement, prenant de la valeur au fil des ans", expose le DG de Tasaki Europe.

Ce phénomène de raréfaction a d’ailleurs pour conséquence l’émergence d’une autre tendance, celle de l’attrait pour la seconde main : "certains produits de Luxe se revendent désormais très cher sur le marché de la seconde main, amenant de nouveaux acheteurs à s'intéresser aux produits d’horlogerie et de joaillerie", confirme Pascal Ravessoud. 

Comment s’appuyer sur ses icônes tout en évoluant avec son temps ?

Quand on parle de "produits iconiques", là encore on évoque une valeur intrinsèque du Luxe, à savoir l’intemporalité et la faculté à rester attractif à travers les âges et les générations. "Mais pour qu’un produit devienne iconique, plusieurs éléments doivent être réunis : le respect de l’esthétique de la Maison, le reflet d’un savoir-faire singulier mais aussi la capacité à être porteur de sens, et à rester dans l’air du temps", explique la représentante de la maison Piaget.

Pour autant, les Maisons de Luxe doivent savoir également se renouveler, en proposant de nouvelles collections qui répondent aux envies actuelles. Parmi celles-ci, on retrouve le fait de ne plus vouloir forcément suivre une "consommation genrée". Après la mode, le mouvement "no gender" touche donc l’horlogerie et de la joaillerie, avec de plus en plus de  Maisons qui proposent des bijoux unisexe, mais cela se traduit aussi par le fait que les clients vont désormais plus facilement choisir un modèle selon sans se soucier de savoir s’il s’agit d’un modèle destiné nativement pour les hommes ou les femme. "Ainsi, il n’est plus étonnant de voir dans la mode un homme porter un collier de perles, en association avec un look casual jean-sneakers… Les codes sont complètement réinventés", confirme José de Oliveira.

"De notre côté, nous avons justement cherché, pour le lancement de notre première collection, à mixer pièces historiques - ressorties des archives - et nouveaux bijoux imaginés par notre directrice artistique. Parmi cette collection, on retrouve d’ailleurs la bague 82, un de nos modèles iconiques, qui est vendue une fois sur deux à un homme", confie Alexandre Benamu, directeur général de la Maison Copin.

Réalité virtuelle : au service de la valorisation du produit et de la personnalisation de l’expérience client

Par ailleurs, l'expérience client aussi se modernise : "Plusieurs Maisons de Luxe proposent désormais l’essayage virtuel à leurs clients, que ce soit en ligne ou en magasin, afin d’enrichir et de personnaliser l’expérience client", constate Sylvain Delteil, VP Business Development Europe chez Perfect Corp, avant de poursuivre : "La technologie est aujourd’hui suffisamment mature pour être applicable à plusieurs types de bijoux - collier, bague, montre, lunettes etc. - avec un rendu très réaliste et surtout, un suivi des mouvements (de la main ou de la tête par exemple dans le cas de l’essai de boucles d’oreilles)". Les équipes de Perfect Corp ont ainsi accompagné, entre autres, la Maison Louis Vuitton dans la mise en place de l’essayage virtuel sur le site e-commerce, grâce à la technologie Perfect Virtual Try On (VTO). "Tout l’enjeu est d’être le plus réaliste possible, que ce soit dans les détails du bijou ou dans le type de reflet du diamant pour être suffisamment attractif et accompagner l’acte d’achat, et ensuite pour ne pas être déceptif au moment de la découverte du produit. Il faut aussi pouvoir proposer une expérience la plus personnalisée possible, grâce à un ajustement automatique de la taille du produit essayé virtuellement en fonction de la morphologie de la personne : taille du poignet pour un bracelet ou une montre, écart pupillaire pour les lunettes…", précise Sylvain Delteil. Une mise en 3D des bijoux qui pourra être utilisée aussi bien sur le site web de la marque qu’embarquée dans une campagne média. "Enfin, il sera aussi bientôt possible, d’ici la fin de l’année, de permettre aux utilisateurs d’effectuer un essayage multi-produits comme une parure complète, ou bien l’association d’un maquillage avec un bijou", annonce celui-ci. 

À noter que, dans cette dynamique de digitalisation de l’expérience client, a aussi été le sujet du Web3 et de la blockchain, notamment dans le cadre de la certification des objets virtuels créés : "Les jeunes générations achètent aujourd’hui des objets virtuels, notamment pour équiper leurs personnages de jeux vidéos : des vêtements, des accessoires… Et, la seule solution de certifier et valoriser ces objets digitaux qui peuvent être copiés à l’infini, c’est le NFT", explique Sylvain Delteil. Mais aussi, dans le cadre de la traçabilité d’objets physiques : "On observe une demande croissante pour qu’un certificat digital soit associé à un bijou, ceci afin de servir de 'passeport', garantissant son identification et un suivi tout au long de sa vie", ajoute Pascal Ravessoud.

Pour aller plus loin :  inscrivez-vous à la webconférence "Global Beauty and Fashion Tech Forum" qui aura lieu le 21 septembre 2023 de 9h à 12h50, en format digital.

Au-delà de l’objet, le challenge d’imaginer des expériences exclusives 

"Le prix n’étant souvent pas un sujet pour notre clientèle ultra-luxe, celle-ci se veut très exigeante, tant dans la qualité du bijou acheté que surtout dans l’expérience associée à l’objet", explique Fatti Laleh. Pas étonnant alors que plusieurs Maisons transforment ou complètent leurs boutiques avec de véritables lieux de vie comme des hôtels ou encore des restaurants ou organisent des évènements uniques, en petit comité, tout au long de l’année, souvent autour de la gastronomie : "Chez Piaget, cela passe beaucoup par l’organisation de dîners confidentiels où l’art de la table reprend les codes de la Maison et où l’on fait se rencontrer collectionneurs, journalistes et célébrités dans un lieu exceptionnel", poursuit celle-ci. Même démarche chez Tasaki : "lors des réceptions organisées à destination de nos clients ultra-luxe, nous nous appuyons sur la tradition et les coutumes japonaises : les fleurs, , les cérémonies de thé… invitant des maîtres sushi ou des maîtres saké", détaille José de Oliveira.

Mais la créativité des expériences proposées par les Maisons de luxe s’étend aussi en dehors du registre de la gastronomie : "On peut citer par exemple l’initiative de la Maison Panerai qui a offert à une trentaine de propriétaires de l’édition limitée de la montre 'Submersible Marina Militare' un entraînement avec la marine italienne pour tester le modèle en conditions réelle avec le commando", évoque Pascal Ravessoud, avant de poursuivre : "C’est ce type d’invitations hors du commun qui va permettre aux Maisons de Luxe de se différencier et de créer un véritable attachement émotionnel à la marque".

Influence : course à l’égérie ou course aux "Key Opinion Leaders" (KOL) ?

Enfin, autre point évoqué, celui du choix d’une ou de plusieurs égéries par les Maisons de Luxe. En effet, force est de constater, dans le monde du Luxe, un regain d’intérêt pour l’activation de ce levier de communication, même si les Maisons présentes lors de ce webinar étaient encore toutes au stade de la réflexion : "s’associer à une égérie permet à une Maison de 'changer d’échelle', de toucher plus de monde et d’amplifier son message grâce à l’activation de la communauté de la personnalité choisie. Toutefois, choisir une célébrité uniquement pour sa renommée ne peut être suffisant, il faut qu’elle puisse être en véritable cohérence avec les valeurs de la Maison et que cette alliance soit synonyme d’authenticité", souligne Fatti Laleh. "D’autant que le rôle d’une égérie doit être de vraiment s’investir aux côtés de la Maison, en tant qu’ ambassadrice, sans pour autant que son image prenne toute la place", abonde le DG de Tasaki Europe.

Et d’ajouter : "C’est pourquoi, à date, nous choisissons plutôt de nous rapprocher de KOL (influenceurs, célébrités, artistes …), que nous activons sur des temps courts et à l’échelle locale, au niveau de chaque pays". Même posture au sein de la Maison Copin : "Nous invitons des influenceurs et des journalistes à notre showroom pour une découverte individuelle de la Maison", confirme Alexandre Benamu, tandis qu’Andrea Furlan, co-fondateur de la Furlan Marri, met quant à lui, l’accent sur l’activation de la communauté de la Maison : "Pour nous, nos premiers ambassadeurs sont nos clients : certains collectionneurs ont des communautés sur les réseaux sociaux de plusieurs centaines de milliers d’abonnés ! Aussi, allons-nous à leur rencontre pour les interviewer, pour mieux les connaître et découvrir quelles sont leurs prochaines envies et attentes". 

Ce webinar, organisé par le Journal du Luxe en partenariat avec Perfect Corp a été animé par Eric Briones, DG du Journal du Luxe. Découvrez-en le replay.

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