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« Pour faire durer la mode, il faut l'aimer plus » Vanessa Masliah, Vestiaire Collective.
Publié le par Journal du Luxe
Il y a quelques jours, Vestiaire Collection lançait sa nouvelle campagne avec Loïc Prigent, un projet conçu à la façon d'un fashion show de poupées. Entretien croisé avec le documentaliste et auteur ainsi qu'avec Vanessa Masliah, vice-présidente marketing et branding de la plateforme de seconde main premium.
Journal du Luxe
Comment est née la collaboration entre Vestiaire Collective et Loïc Prigent ?
Vanessa Masliah
La campagne intègre notre repositionnement de marque. Nous sommes partis de l'idée de réconcilier l'amour de la mode et sa longévité, sa durabilité. L'objectif était d'éveiller les consciences sur un ton décalé, taquin et un peu incisif : amener les consommateurs à réfléchir à travers un regard bienveillant. Cette sorte d'impertinence, mise en place avec l'agence Matriochka, nous a naturellement conduit vers Loïc Prigent.
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Quelle est l’histoire de cette campagne ?
Vanessa Masliah
Le storytelling se joue à plusieurs niveaux. Notre cœur de mission, depuis 12 ans, est d'amener le consommateur vers plus de circularité. Chez Vestiaire Collective, nous souhaitons porter le mouvement durable sans pour autant tomber dans la culpabilisation. L'ambition n'est pas de dire "ne faites pas ci, ne faites pas ça" mais d'apporter quelque chose de positif. Nous voulions prendre le contre-pied d'une démarche drastique. Notre mantra est que pour faire durer la mode, il faut l'aimer plus. L'aimer plus via la qualité et l'engagement envers des vêtements éco-responsables.
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C'est cette volonté de célébrer la mode qui a fait naître ce concept de fashion show ?
Vanessa Masliah
Tout d'abord, nous ne sommes pas là pour diaboliser la première main, car, sans elle, Vestiaire Collective n'existerait pas. Nous sommes avant tout une plateforme d'achat et de vente de mode désirable, de pièces actuelles et intemporelles. De beaux et de bons vêtements. La seconde main peut être si jolie qu'elle peut s'immiscer dans l'univers des fashion show, portée par des valeurs d'inclusion et de diversité.
Dès lors, le choix des poupées fait office d'allégorie : ces marionnettes ne sont pas juste des personnages. Elles représentent les motivations, les envies et les raisons pour lesquelles on décide de réaliser un achat ou une vente de seconde main. Les poupées ont elles-mêmes été conçues à partir de vêtements recyclés et portent des pièces circulaires. Par ailleurs, nous nous sommes basés sur nos études internes afin de mettre en avant les courants d'achat. Notre vision n'était pas de caricaturer notre communauté mais d'honorer la diversité de choix sur la plateforme et la variété de profils de notre public, comme un collectif. Le consommateur peut être Lady Green, Miss Classique ou Rich mais peut aussi s'identifier à plusieurs personnages.
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À quelle cible de consommateur s’adresse la campagne ?
Vanessa Masliah
Il y a deux cibles principales. Tout d'abord, notre cible actuelle, historique, à savoir les creative fashion buyers qui nous suivent depuis le début. Ces derniers ont un pouvoir d'achat important avec des paniers d'achat et de vente élevés. Nous voulions aussi parler aux jeunes intéressés par la circularité et engagés dans l'écologie. Ces trendy shoppers sont attirés par un panel de marques plus varié, composé de maisons pointues, unisexe et streetwear.
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Votre rapprochement avec Loïc Prigent vous a-t-il permis de toucher une nouvelle cible ?
Vanessa Masliah
Loïc Prigent est proche de plusieurs communautés : les professionnels, les influenceurs mais aussi les jeunes. Il était important pour Vestiaire Collective d'avoir une caution mode afin que la seconde main soit perçue comme une valeur ajoutée à l'industrie. Loïc Prigent nous a aussi apporté sa personnalité et son regard, notamment pour affuter la campagne print.
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Quelles sont les nouvelles attentes de votre clientèle ?
Vanessa Masliah
La première est sûrement la prise de conscience, au global, de la situation écologique. Nous remarquons qu'il y a un besoin et une envie d'éducation, tant pour les marques que pour les consommateurs. Ces derniers veulent savoir comment faire pour changer leurs modes de consommation, d'autant plus qu'entre 20 et 30% des vêtements dans les dressing ne sont pas portés. Notre métier est d'amener la public vers plus de circularité grâce à un véritable engagement. Notre site possède ainsi de nouvelles fonctionnalités, comme la petite feuille verte, un algorithme qui permet de voir quel produit est proche de votre domicile afin de réduire l'impact logistique. Toute cette vision est corrélée à un marché de la seconde main qui devrait atteindre plus de 60 milliards de dollars d'ici 2025 selon une étude BCG.
Un autre point, et non des moindres, est la fiabilité. Le consommateur souhaite acheter des produits authentiques. Vestiaire Collective entend ouvrir de plus en plus de hub de certification à travers le monde afin d'offrir ce service à un maximum de personnes et réduire le trajet des produits. Il est aussi important que le client retrouve cette fiabilité au sein même des marques. Nous continuons de développer le programme Brand Partner dédié aux collaborations, comme avec Alexander McQueen et MyTheresa.
Enfin, l'aspect communautaire est considérable pour nos 15 millions de membres. Vestiaire Collective regroupe une variété de profils différents, avec des connaisseurs, des investisseurs, des collectionneurs, des passionnés, des militants... C'est une communauté forte où le respect prime.
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Quels sont les défis à court et long terme d’une plateforme de seconde main de luxe comme Vestiaire Collective ?
Vanessa Masliah
L'un de nos enjeux est de faire grandir le catalogue de pièces mais toujours de façon qualitative. C'est pourquoi nos équipes qui travaillent quotidiennement à l'amélioration de ces services d'authentification.
Un autre défi est l'éducation. Nous voulons mesurer les impacts de la seconde main pour sensibiliser au mieux les consommateurs. Alors que nous avons été certifiés B-Corp il y a un an, l'objectif de la plateforme est d'être carbone positive d'ici 2025. Vestiaire Collective continue de regarder tout ce qui peut être optimisé, notamment en matière de transport, pour rendre la chaîne vertueuse et la plus verte possible.
Par ailleurs, il va de soi que la technologie est un élément majeur dans notre stratégie de développement. Si nous pouvons avoir, dès la première main, des produits encodés et transparents pour le consommateur, la seconde main ne s'en portera que mieux. Nous pouvons imaginer des informations sur la durabilité du vêtement, son processus de création, l'histoire du produit, le patrimoine de la maison... Il y a de grands sujets à travailler, en association avec les marques et une multitude d'écosystèmes.
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Loïc Prigent, comment jonglez-vous avec vos différentes facettes, de "documentaliste" à "auteur" ?
Loïc Prigent
Tout ce que je fais tourne autour de la mode, d’un regard amusé et documenté sur ce sujet. J’ai la chance de pouvoir garder un ton personnel, qui évolue selon les plateformes où je m'exprime, que ce soit un documentaire très fouillé, une vidéo Youtube avec des détails de geek de la mode, ou les phrases entendues les plus improbables ou révélatrices. Je continue de m'amuser et c'est sans doute la clé pour moi.
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Votre voix, votre silhouette codée, votre mot final "face cam"... Le "Karl Lagerfeld publicitaire" vous inspire-t-il ?
Loïc Prigent
Je pense souvent à lui. Ses bons mots, ses dessins, son appétit pour la mode spectacle et pour les livres et les gadgets, ses collections érudites et ludiques, ses séances photo démentes, tout cela était extraordinaire à filmer. Il reste toujours une inspiration.
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Si vous étiez une pièce folle trouvée sur Vestiaire Collective ?
Loïc Prigent
Une paire de chaussures Rick Owens avec les talons himalayens. Ça donne une autorité folle, tout en affirmant la fantaisie la plus absolue. C’est statutaire, intimidant, irréel, mais dans le bon sens ! Et un camarade l’a trouvé sur Vestiaire Collective : selon moi, c’était son meilleur investissement !