Les collaborations Mode sont-elles devenues trop nombreuses et moins innovantes ?
Publié le par Journal du Luxe
Que ce soit avec un influenceur, un chanteur, un photographe ou encore un grapheur, les collections issues de collaborations rythment de plus en plus le calendrier de la Mode. Simple outil marketing ou véritable moyen d’innover ?
Les avantages des collaborations pour les marques
Louis Vuitton a présenté tout récemment la collection issue de sa collaboration avec l’artiste Jeff Koons. Ensemble, ils rendent hommage aux grands peintres de l’ Histoire : Van Gogh, Da Vinci, Titien, Fragonard ou encore Rubens.
L’emblématique toile de la Maison française se pare d’une oeuvre majeure des peintres. Les monogrammes, quant à eux, se retrouvent moins présents pour justement être « amplifiés » explique Jeff Koons.
Ayant déjà une place importante dans le monde de l’Art, notamment de par sa fondation, Louis Vuitton accentue ici son rôle de mécène artistique. Mais cela n’est pas toujours du goût de tous.
Quels avantages les collaborations peuvent-elles donc apporter aux marques ?
En s’alliant à un autre label ou à un artiste, les marques bénéficient d’une exposition médiatique accrue. Elles peuvent ainsi toucher une nouvelle clientèle potentielle et profiter de la campagne pour retravailler sur leur positionnement et leur image en tentant de la rajeunir par exemple.
Les collaborations permettent aussi parfois de proposer de nouveaux produits ou de tester de nouveaux business models.
Certaines Maisons choisissent de mettre en place des collaborations avec des acteurs de la Tech à l’instar de Dior avec les casques audio Sennheiser.
Autre point intéressant pour les marques, l’enthousiasme provoqué par une collaboration permet de drainer davantage de trafic dans les boutiques physiques, sujet actuellement crucial pour tous les acteurs du retail.
Une collection « évènement »
Forte de sa première collaboration avec le mannequin aux plus de 30 millions d’abonnés Instagram, Gigi Hadid, la marque Tommy Hilfiger réitère l’expérience pour le Printemps/Eté 2017.
Cet « acte II », qui se joue actuellement au sein des boutiques de la marque américaine et sur son site de ventes en ligne, n’est qu’un exemple parmi des centaines de collaborations observées dans le monde la mode.
La stratégie de promotion s’est basée sur la présentation de la collection comme un évènement unique et immanquable de la saison.
Ambiance survoltée, couleurs explosives, stars à n’en plus finir … tel était le cadre du défilé TommyLand le 8 février dernier. En s’inspirant d’un festival et en le recréant à l’effigie de la marque, Tommy Hilfiger signe un véritable coup de maitre.
L’ univers festif s’ancre parfaitement dans la culture de la nouvelle génération et le relai se fait massivement sur les réseaux sociaux !
Balmain X H&M avait proposé en 2015 un évènement d’envergure à New York qui avait également connu un succès retentissant !
Les collections capsules proposées chaque année par H&M avec de Grandes Maisons et créateurs figurent aujourd’hui parmi les rendez-vous incontournables des calendriers modesques.
« Marquer les esprits » est important, surprendre la clientèle aussi, lui donner l’impression d’être exclusive et même VIP, l’est encore davantage !
Cela a bien été compris par H&M.
En 2014, lors de la collection capsule avec Alexander Wang, des « coupe-files » avaient été mis en jeu. Ceux dont les selfies postés sur Twitter étaient les plus originaux se voyaient récompenser par un « ticket » permettant d’accéder en premier aux portants de l’enseigne suédoise.
Plus qu’un produit, un lifestyle
Toutefois, lors d’une collaboration, il ne s’agit pas seulement d’accoler deux logos, deux noms ou l’image d’un créateur à celle d’une marque d’un autre univers. Il s’agit au contraire de prendre en compte la clientèle de chacun, de la surprendre tout en assurant ses positions et en recréant du désir par la même occasion.
Plus encore, en collaborant avec des artistes ou personnalités, les marques ne proposent pas un simple produit revisité mais un style de vie, une identité … incarnée par cette même personne.
Par exemple, lorsque Manolo Blahnik, célèbre chausseur, présente les modèles créés par Rihanna , ce n’est pas la simple chaussure que la cliente va acheter mais ce que représente en partie Rihanna.
Vous pouvez lire le récent article sur la collaboration entre Rihanna et Chopard ici.
Si certaines collaborations sont extrêmement efficaces, d’autres rencontrent néanmoins bien moins de succès.
Quels sont les risques ? Reconduire inlassablement ce qui fonctionne ? Investir sur des collaborations toujours plus marketées au lieu d’investir dans la R&D ? Perdre ses codes au dépend d’une quête perpétuelle de collaborations de tous types ? Et par conséquent, lasser la clientèle ?
Luxe et visibilité, une problématique sectorielle
Il en ressort alors une problématique étroitement liée au secteur de luxe.
Étant donné que chaque collection issue d’une collaboration est travaillée comme un évènement, qu’elle est souvent l’oeuvre d’une marque et d’une personne influente, aussi bien sur les réseaux sociaux que de manière générale, comment les marques de Luxe peuvent-elles concilier l’exposition médiatique engendrée par leurs collaborations avec les valeurs mêmes du Luxe ? Cela est-il cohérent ?
Comment cultiver la désirabilité d’une Maison quand cette dernière, devenue marque, est alors (sur)exposée ?
Si l’un des piliers du Luxe est la « rareté », comment les marques peuvent-elles continuer à collaborer avec des personnalités et influenceurs qui ont pour objectif de toucher massivement tout le monde sur tous les réseaux sociaux ? De même, comment demeurer « Luxe » alors que de nouvelles collaborations sont dévoilées quasi-quotidiennement ?
Finalement, le gain de visibilité et la recherche de la communication à tout prix n’ont-t-ils pas fini par prendre le dessus, au risque de diluer l’ADN historique des Maisons ?