Chronique
La repentante Balenciaga va-t-elle pardonner ?
Publié le par Eric Briones
Dans notre société woke, a-t-on encore le droit de se tromper ? Est-il possible d'avoir une deuxième chance ?
C'est cette terrifiante question que pose le cas Balenciaga, après les scandales de la fin d'année 2022. Même si aucune tête pensante n'est tombée, son directeur artistique, "le controversé révolutionnaire" Demna Gvasalia a entrepris un travail de repentance, unique dans l'univers de la mode.
Qu'on le veuille ou non, nous vivons dans la société du spectacle et sommes face à un chemin de croix symbolique, en trois stations.
1. Le couturier pédagogue efface le génial cynique.
J’étais assez naïf pour penser que je n’avais pas besoin d’expliquer mon travail. En décembre, je me suis rendu compte que, sans explication, il était soumis à l’interprétation. Et que j’étais perçu comme un cynique alors que ça n’a jamais été mon intention... Ça ne me convenait pas, car ce qui compte pour moi, ce sur quoi je travaille pendant six mois, c’est l’emmanchure d’une veste, les pinces d’un pantalon.*
On est loin des déclarations de Demna qui ordonnait aux créateurs d' utiliser leur mode, comme une plateforme culturelle, engagée socialement ou de l'introduction tonitruante de la palme d'or cannoise "Triangle of Sadness".
2. La provocation sacrifiée sur l'autel du "Less is More".
La provocation ne peut plus faire partie de ma réflexion, mais ce n’est pas un regret. Il y a d’autres manières d’être créatif. Je veux faire moins, mais mieux.*
Jamais un "designer star" a sacrifié publiquement une part de son ADN créatif, une de ses clés de succès.
La déclaration est sidérante, presque masochiste par sa crudité. Les mots sont immédiatement suivis par une campagne publicitaire (là où la marque a péché) au dépouillement total, fond cyclo au gris tout droit tiré d'une bure de moine franciscain. Le vêtement, rien que le vêtement.
3. Le nouvel ascétisme des défilés Balenciaga.
Voici les fondamentaux du défilé de la semaine dernière Balenciaga : lieu discret, red carpet rangé, stars au premier rang absentes, pas de photographe, ambiance de monastère, le créateur reste en repentance dans son cabinet de réflexion.
Il y a quelques années, Cédric Charbit, CEO Balenciaga, déclarait que les engagements sociétaux devaient se voir sur le vêtement. Aujourd'hui, les messages périphériques s'effacent au profit du seul vêtement, de la coupe, des matières, des artisans qui travaillent en coulisses.
Balenciaga, la première "plateforme de mode", est redevenue une humble "maison de mode" et son créateur s'est transformé en moine franciscain, c'est le chemin de la rédemption, celui d'un catéchisme couture qui n'en reste pas moins fascinant à étudier.
Une question se pose, le frère Balenciaga va-t-il être absous de ses péchés ?
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