[RENCONTRE] Thibaud Crivelli « Un parfum sans ressenti, c’est comme la 3D sans lunettes… »

Publié le par Journal du Luxe

Thibaud Crivelli est à la tête de la jeune marque de parfumerie Maison Crivelli. Rencontre avec un entrepreneur bien décidé à initier de nouvelles expériences sensorielles.

Journal du Luxe (JDL) : Thibaud, comment en vient-on à monter une Maison de parfums ?

Thibaud Crivelli (T.C) : Maison Crivelli est le résultat d’une évolution naturelle. A la suite de mes études, je suis parti travailler une dizaine d’années en Asie pour les Divisions Parfums de Givenchy, Dior ou encore Guerlain. Ces missions successives, très axées sur le travel retail, m’ont amené à disposer d’une vision assez large du marché. En parallèle, j’ai grandi dans une famille à l’esprit entrepreneurial assez marque. Mon père, pharmacien, avait déjà lancé sa petite marque et, dans l’absolu, mon objectif était également de lancer mon propre label de cosmétique. Il y a deux ans, j’ai réalisé que le parfum avait toujours été une envie latente, ancrée en moi. Maison Crivelli, c’est donc le résultat de nombreuses années de ressentis et de réflexions.

JDL : Comment qualifieriez vous votre approche du parfum ?

T.C : Elle est de fait plus sensorielle que technique car elle fait partie intégrante de mon style de vie. Mon éducation a été multiculturelle, j’ai grandi dans un méli-mélo de saveurs, de senteurs, de récits… L’aventure, le voyage, sont des terrains d’exploration incroyables pour les sens. Y compris à deux pas de chez soi : faire l’expérience des senteurs de bois au coeur de la forêt de Fontainebleau est une aventure en soi ! Ma vision est liée à l’approche sur le terrain, à la connaissance brute des matières premières, aux souvenirs, aux émotions et aux surprises, parfois, que les odeurs suscitent. Cette vision est complémentaire à celle des parfumeurs avec qui je travaille et donne lieu à des conversations passionnantes.

 JDL : Vous décrivez vos créations comme un « Carnet d’expériences olfactives ». Est-ce là votre note d’intention ?

T.C : Tout à fait. L’expérience, le vivant, est au cœur du propos. Personnellement, je trouve que le parfum est souvent mal conseillé : les Maisons ont tendance à se concentrer davantage sur leur ADN à elles que sur le ressenti du client, les notes et les nuances sont récitées de façon presque mécanique…  Un parfum proposé tel quel c’est comme aller voir un film en 3D au cinéma sans avoir les lunettes adéquates ! Mon souhait est de reconnecter le client au parfum de façon multi-sensorielle, donc pas uniquement au niveau de l’olfactif. Il y a un proverbe chinois qui dit que la montagne prend vie dans les yeux de celle ou de celui qui la regarde. C’est assez évocateur. Un ressenti est ce qu’il y a de plus personnel, de plus intime.

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© Maison Crivelli

JDL : Quatre parfums, mixtes, ont déjà vu le jour. Chacun est signé d’un nez différent. Comment initiez-vous ces collaborations ?

T.C : Qu’il s’agisse de Dorothée Piot, de Stéphanie Bakouche, de Richard Ibanez ou de Bertrand Duchaufour, il s’agit avant tout de rencontres. Le contact est primordial dans la mesure où l’on ne parle par forcément le même langage. Mes briefs, élaborés à partir de sons, de textures, de goûts, d’ambiances, doivent trouver écho avec l’approche sensible et technique des parfumeurs.

JDL : Vous êtes également très attaché au sourcing des matières…

T.C : J’essaie de passer autant de temps que possible à la rencontre des producteurs et au sein des plantations : café, thé, piment, rose, lavande… Chaque parfum est le fruit d’une émotion ressentie au contact d’une matière, comme la rose centifolia découverte en bord de mer. Les formulations sont sans colorants, sans phtalates. Les flacons sont faits en France, dans un design épuré, présentés dans des coffrets réalisés dans un papier artistique italien et montés à la main.

JDL : Vous êtes, pour l’instant, exclusivement distribué au Bon Marché. Comment avez-vous imaginé ce premier stand ?

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© Maison Crivelli

T.C : Ce corner s’inscrit en cohérence avec notre approche multi-sensorielle. Il incite le visiteur à prendre le temps de découvrir le parfum autrement, en mode slow. Nous avons conçu le design retail avec Myriam Akl et François Saudubray. Le meuble est composé de différentes textures pour susciter le toucher. La couleur terre de sienne interpelle le regard. Des écrans tactiles proposent un parcours autour d’images, d’évocations, de sensations… (ndlr. Même les mouillettes de test réservent leur part de surprise !)

 

JDL : Quels sont vos projets à venir ?

T.C : Nous travaillons sur notre circuit de distribution et sur l’implémentation de notre e-shop. Et cinq nouvelles créations devraient être lancées dans les mois à venir.

Crédit à la Une : Maison Crivelli

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