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"Un autre monde, un autre moi" : Quid des marques de beauté et du métaverse ?

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Jamais un mot n’aura envahi l’espace public mondial aussi rapidement et complètement : depuis que Facebook s’est rebaptisé, c’est la folie du métaverse ! Instantanément, il est devenu le mot à la mode, celui que tout le monde a à la bouche. On en parle même si l'univers reste flou, même si nous n’y comprenons pas grand-chose. Parce que cela a l’air énorme, et que cela va bien sûr tout révolutionner ! Autant de bonnes raisons de s’y intéresser et de faire un premier point d’étape sur ce que ce fameux métaverse va impliquer pour le secteur de la beauté.

Le métaverse : essai de définition.

Le métaverse est un terme large. Il est généralement décrit comme la future version du Web, dans laquelle des univers virtuels 3D immersifs, issus des jeux vidéo, rencontrent les réseaux sociaux, les espaces collaboratifs, les places de marché et le e-commerce.

Les gens peuvent y accéder via Internet et cet univers virtuel vous permet de vous répliquer en créant votre avatar. Cet espace numérique est rendu plus vivant par l'utilisation de la réalité virtuelle (VR) ou de la réalité augmentée (AR). Dans ce cas, il est toutefois nécessaire d’être équipé d’un casque de réalité virtuelle (VR Gear-Oculus Quest 2).

Dans cet espace, on peut profiter d’une multitude de possibilités. Bref, vivre une autre vie, comme le dit l’application ZEPETO (métaverse sud-coréen) : "dans ce lieu où il n'y a pas d'impossibilité, un autre moi un autre monde ZEPETO. Dans ZEPETO, transformez-vous en la forme que vous voulez, communiquez avec des amis du monde entier et partez à l'aventure et créez tout ce que vous ne pouvez imaginer que de vos propres mains. Profitez une aventure immersive avec des amis du monde entier dans des milliers de mondes thématiques ! Découvrez de nouvelles collections tendance ou des articles de collaboration de marque. Personnalisez votre avatar avec des millions d’articles !"

Des enjeux financiers importants.

Qui s’intéressent à cet espace et pourquoi ? Parmi les acteurs, on retrouve les géants du jeu vidéo qui misent bien sûr gros sur ce monde parallèle qui doit permettre de vendre des "actifs virtuels" à leur audience. Des audiences qui se portent d’ailleurs à merveille. Durant les confinements liés à la crise sanitaire, des jeux tels que Fortnite, Roblox ou encore Animal Crossing – qui proposent tous des metaverses – ont vu leur nombre de joueurs exploser. À titre d’exemple, en mai 2020, Fortnite regroupait 350 millions de joueurs inscrits et fin 2021, et ce sont quasi 50 millions d’utilisateurs qui se connectent quotidiennement à Roblox - c’est plus de deux fois plus qu’en 2019.

Les marques qui voient dans ces espaces virtuels des opportunités multiples, de visibilité, de commerce, etc. On voit ainsi de plus en plus de marques faire leurs premiers pas dans le metaverse, afin de commercialiser produits et services auprès de clients/avatars.

Comme dans le monde réel, l’univers du luxe séduit et attire fortement. Les marques de prestige étudient de près les opportunités offertes par le metaverse et certaines n’hésitent pas à faire sans tarder leur entrée dans ces mondes virtuels. Par exemple Gucci, qui a créé sur la plateforme Roblox un espace d’exposition virtuel à durée limitée en parallèle de l’événement physique Gucci Garden. La marque vendait ses produits en format virtuel et a réussi à vendre un sac virtuel plus cher - 4.115 dollars - que sa version physique - vendue en magasin à 3.500 dollars.

Qu’en est-il en revanche des marques de beauté ?

Elles ne se contentent pas de mettre en lumière leurs produits, elles peuvent également proposer des NFTs, en plein essor, afin d'offrir des "looks" virtuels.

On s’en doute, permettre à son avatar de s’embellir est une des premières opportunités qui s’offrent aux marques de beauté, surtout dans un contexte sanitaire ou le confinement, le travail en distanciel et les masques ont incité les gens à moins se maquiller dans la vie réelle. Grâce à la réalité augmentée, on peut compenser en permettant à son avatar de profiter de looks pointus : Zepeto s'est ainsi déjà associé avec plusieurs marques de beauté, dont Nars qui y propose plusieurs looks make-up, et Dior Beauté, qui y présente des looks créées en exclusivité.

Quand à Estée Lauder, c’est sur Decentraland qu’elle a proposé des "signatures looks" développées en collaboration avec Alex Box à l’occasion de la Metaverse Fashion Week (24 au 27 mars 2022), permettant ainsi aux participants de porter ces looks virtuels sur leurs avatars.

Tatcha a fait équipe avec Animal Crossing pour réinventer Tokyo en Tatchaland (à l’occasion du lancement du Rice Water Cleanser), tout comme Givenchy et Glossier qui permettent aux avatars de porter le Givenchy Prisme Libre et le RAL Le Rouge ou le fameux Hoodie rose de Glossier.

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©MAC

Les Nifties.

Les NFTs, ces jetons non fongible sont uniques et ne peuvent pas être remplacés par autre chose. Ces actifs numériques personnalisés sont présentés sous la forme de vidéos, de jpegs et d'œuvres d'art qui peuvent être achetées et vendues telles quelles. Ils sont disponibles et vendus sur différentes entités de la blockchain - MintNFT, Opensea, Axie Marketplace et Crpytopunks - et n'existent pas physiquement.

L'engouement autour des NFTs s'explique à travers les notions d'exclusivité et d'hyper-connexion. Certains NFTs se sont vendus pour de véritables fortunes : Everydays: the First 5000 Days, l’œuvre de Mike Winklemann, l'artiste numérique connu sous le nom de Beeple, s’est vendu 69,34 millions de dollars le 11 mars 2021. De même, Jack Dorsey, fondateur de Twitter, a vendu son tout premier tweet en tant que NFT pour plus de 2,9 millions de dollars. 

D’autres n’hésitent pas à dessiner un parallèle entre les NFTs et le "drop marketing" qui a généré la folie "Supreme". Certains se sont précipités sur des séries limitées comme on se précipite aujourd’hui sur des pièces uniques virtuelles. Gucci a ainsi lancé son premier NFT sous la forme de baskets uniques.

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©Gucci

Pour les marques de mode, les NFTs présentent toute une série d’avantages : ils peuvent ainsi renforcer la notoriété de la marque, générer et améliorer les ventes mais surtout créer de la connexion et de l'engagement.

Beauty and nifty.

C’est donc assez logiquement qu’un nombre croissant de beauty brands se lancent dans l’aventure des NFTs. Guerlain vient ainsi d’annoncer le lancement de "Cryptobees", une série de 1.828 œuvres digitales qui seront mises en vente, chacune permettant de parrainer la re-naturalisation d'une parcelle de terrain. Les créations seront divisées en quatre niveaux d'exclusivité établis selon le critère de rareté. Frappés sur Tezos, qui se présente comme l'une des blockchains les plus économes en énergie, les Cryptobees seront mis en vente fin avril sur la plateforme spécialisée Objkt. Le prix d'entrée annoncé pour les NFTs les moins rares est de 20 XTZ, soit un peu moins de 70 euros.

Mais Nars, Givenchy Parfums ou encore Clinique avaient déjà ouvert la voie. Nars, par exemple, a commandé trois pièces NFTs aux artistes Sara Shakeel, Azéde Jean-Pierre et Nina Kraviz pour commémorer son hero product le blush Orgasm. Shakeel a ainsi conçu un film pour les lèvres en cristal scintillant pour Nars, avec une vague déferlante dans la bouche.

Pour la marque, il ne s’agit pas de gagner de l'argent mais de créer une expérience originale et innovante autour d'un produit. L'objectif était de produire des œuvres numériques distinctives inspirées par la teinte et l’essence même d'Orgasm.

Quant à Givenchy, elle a lancé en juin dernier un projet de soutien à la cause LGBTQIA+ à l’occasion du Pride Month. Ella a collaboré avec le galeriste londonien et militant LGBTQIA+ Amar Singh ainsi que les artistes de Rewind Collective pour créer une œuvre digitale vendue au profit d’une association. Cette pièce a été vendue en série limitée à 1.952 exemplaires. Baptisée "Pride", l’œuvre prend la forme d’une série de portraits animés basés sur des photographies que les artistes ont retravaillées numériquement aux couleurs du drapeau arc-en-ciel.

L’opération devait s’étaler sur six jours mais deux secondes auront finalement suffi à dépasser la barre des 100.000 euros : les 1.952 œuvres NFTs auront attiré les spéculateurs et les amateurs d'art numérique en un temps record !

Quelle que soit la stratégie choisie pour entrer dans le métaverse, les marques de beauté ont compris qu’elles doivent privilégier l’expérience vécue et l’expérimentation - plutôt que la stimulation directe des ventes. Nourrir le positionnement de la marque, renforcer le lien et la connexion avec sa cible : voici pour l’instant les objectifs que poursuivent les acteurs de la beauté dans le métaverse. Jusqu’à quand ?

Pascal Barragué est publicitaire, expert de l’univers du luxe et de la beauté.

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