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« Nous voulons véhiculer l'image du luxe, la force de la French Touch et de la French Tech en plus. » Diaa Elyaacoubi, Monnier Frères.
Publié le par Mathilde Audenaert
Lancement d'une capsule NFT, développement d'un catalogue de digital fashion, liveshopping... Portée par la démocratisation des usages digitaux et par de nouvelles attentes consommateurs, la plateforme Monnier Frères a multiplié les innovations ces derniers mois sous l'impulsion de sa nouvelle CEO, Diaa Elyaacoubi. Rencontre.
Journal du Luxe
Dans l'écosystème des marketplaces de luxe, comment se démarque Monnier Frères ?
Diaa Elyaacoubi
Dès son lancement en 2010, Monnier a pris le parti de se spécialiser sur le segment des accessoires de luxe. Cette spécificité constitue l'ADN de notre offre qui s'articule autour d'une curation indépendante de 130 maisons et marques, le tout soutenu par un rapport fort à la Fashion Tech sous tous ses aspects.
Journal du Luxe
Vous êtes arrivée à la tête de la plateforme en mars 2020, en plein coeur de la pandémie. Comment allie t-on le challenge d'une prise de poste aux défis quasi-immédiats supposés par la crise ?
Diaa Elyaacoubi
Cette période a à la fois nourri un contexte d'opportunités et de challenges. Les mesures de confinement ont fait exploser les achats sur internet, y compris dans le secteur du luxe où le taux de pénétration online est passé de 12 à 23% en seulement un an. Notre activité a été particulièrement stimulée en Asie, et pas seulement en Chine : c'est cette présence à l'international qui nous a permis de contrebalancer d'autres zones plus contrastées. Il a fallu prendre des décisions rapides et efficaces... tout simplement car nous n'avions pas le choix ! En neuf mois, nous avons affiné notre positionnement envers une cible stratégique, à savoir des consommateurs de plus en plus jeunes, exigeants et très à l'aise avec les parcours multifront. Nous avons restructuré notre logistique, notre IT... Toutes ces mutations nous ont aidé à développer une culture d'entreprise tournée vers l'efficacité.
Journal du Luxe
Parmi les récentes innovations mises en place, Monnier a déployé ses propres sessions de shopping en livestream. Comment se lance t-on dans ce type de contenus ?
Diaa Elyaacoubi
Le liveshopping, déjà très installé en Asie, est un canal sur lequel il nous a très rapidement semblé nécessaire d'investir, à la fois technologiquement et humainement. Le procédé repose sur une sélection pertinente de produits, associée à un storytelling au service de l'authenticité et de l'émotion. C'est finalement un exercice assez naturel pour le multimarque que nous sommes, dont l'essence repose sur la qualité de la curation ! Ce format est intéressant dans la mesure où il permet de se réinventer : il emprunte aux codes de la série, de la télé-réalité et des réseaux sociaux tout en s'inscrivant comme un fort vecteur d'engagement et de conversion. À titre d'exemple, notre liveshopping organisé en mars dernier avec l'influenceuse Lena Situations a généré plus de 26.000 likes en 45 minutes. Tout reste à construire autour des futurs acteurs du live, de l'entertainment et de ces formats capables d'augmenter la désirabilité d'un produit.
Journal du Luxe
Les accessoires de luxe connaissent un boom sans précédent et s'inscrivent régulièrement au classement Lyst des articles les plus populaires. Comment expliquez-vous cet engouement ? Certains produits tirent-ils leur épingle du jeu ?
Diaa Elyaacoubi
L'accessoire est très souvent le premier acte d'achat d'un jeune consommateur. C'est un geste important, symbolique, qui permet à son propriétaire d'entrer véritablement dans le marché du luxe. Or, les Millennials et la GenZ constituent aujourd'hui une part massive du marché du luxe ; chez Monnier, ils représentent les deux tiers de la clientèle. Et ce public ne se limite plus aux jeunes travailleurs alors que l'on assiste à l'essor de cibles adolescentes déjà très agiles sur les questions d'investissement et de revente.
En matière de tendances, la sneaker continue de s'imposer comme le nouveau sac à main et représente aujourd'hui la moitié de nos ventes de chaussures. Le phénomène touche toutes les générations et se fait le reflet d'un changement de comportement qui laisse davantage la place au confort. C'est ce même rapport au bien-être, renforcé par la crise du Covid-19 et la montée du homewear de luxe, qui explique aussi le succès des souliers-pantoufles ou encore des sacs puffy.
Journal du Luxe
Vous l'avez évoqué, Monnier entend se distinguer par sa curation. Comment rester pertinent dans sa sélection de produits à l'heure où les cibles de consommation n'ont jamais été aussi fragmentées ?
Diaa Elyaacoubi
Choisir une marque ou mettre en avant une tendance sur la seule base d'un ressenti ou d'une expérience, aussi excellente soit-elle, n'est pas suffisant. La data a un rôle capital à jouer. Chez Monnier, l'intelligence artificielle et les algorithmes nous aident à comprendre nos cibles avec finesse pour mieux les aider dans leurs choix grâce à des suggestions personnalisées. De même, nous sommes très attachés à l'oeil "parisien" de notre curation : cet angle, synonyme de pointu, est un atout auprès de notre clientèle internationale (ndlr. Monnier Frères a d'ailleurs amorcé la transition de sa dénomination de marque vers Monnier Paris). L'articulation globale de Monnier se retrouve dans notre mantra "Made in Fashion, Made in Tech, Made in Paris". Nous voulons véhiculer l'image du luxe, la force de la French Touch et de la French Tech en plus.