Exclusif

« Les marques de Luxe doivent garder à l’esprit cette notion d’équilibre entre le monde physique et le monde digital. » Stéphane Truchi, IFOP

Publié le par Journal du Luxe

Focus exclusif sur le dernier Hors-Série "IA, Web3 et Luxe : au cœur d’une (R)évolution technologique" du Journal du Luxe avec un extrait de l'entretien mené avec Stéphane Truchi CEO, Groupe de sondages d'opinion et d'études marketing IFOP.

Journal du Luxe

Fondé en 1938, l’IFOP est le premier institut de sondage et d’études marketing en France. Pourriez-vous nous présenter brièvement les sujets traités par le groupe en 2023 sur le secteur du Luxe et nous livrer votre analyse sur la situation actuelle de l’industrie ?

Stephane Truchi

En 2023, nous sommes véritablement dans une période structurante. Nous effectuons beaucoup de recherches fondamentales sur des plateformes de marque et nous traitons beaucoup de sujets en lien avec des stratégies digitales, qui font désormais partie des stratégies traditionnelles. Nous avons effectué beaucoup de travaux au sujet de l’expérience client, qui est aujourd’hui une thématique au cœur des préoccupations des Maisons de Luxe. Nous observons également une attention particulière aux enjeux de la RSE de la part des différentes marques qui souhaitent pour la plupart développer leur positionnement et leur stratégie d’image autour de ce sujet. En ce qui concerne les tendances à travers le monde sur le secteur du Luxe, nous voyons apparaître un changement de paradigme qui apporte de nouveaux enjeux géographiques. Nous avons pu observer la montée en puissance de l’Asie du Sud, le retour de l’Amérique Latine notamment sur la niche de la beauté, et le Moyen-Orient qui devient de plus en plus dynamique. Il y a une émergence de nouveaux territoires géographiques qui poussent vers une extension du domaine du Luxe. La Chine rebondit assez largement après les différentes périodes de confinement locales mais les grands groupes du Luxe se sont diversifiés à travers de nouvelles zones géographiques. Au sein du groupe IFOP, nous faisons également beaucoup d’études plus prospectives sur le digital, le Web3, les générations X, Z et Alpha, avec des travaux très importants sur la génération Silver. La crise sanitaire a profondément transformé nos sociétés et il faut aujourd’hui comprendre comment tout cela a fait bouger les lignes économiques, les attentes en termes d’expérience client et de stratégies digitales. Le Luxe cherche toujours aujourd’hui à trouver de nouveaux territoires. Ce que nous retenons également de notre analyse du secteur du Luxe, c’est que cette industrie est très décalée par rapport aux autres secteurs. C’est un domaine qui a tout d’abord su préserver ses marges bénéficiaires mais qui a également fait beaucoup mieux, en générant des résultats nets très importants malgré le contexte économique actuel. Sa résilience de la performance économique est extrêmement surprenante. En ce qui concerne les perspectives à venir pour ce secteur, nous avons identifié deux risques majeurs. Le premier est celui du ralentissement des Etats-Unis et le second est celui du redémarrage de la Chine qui est encore assez modéré et où l’on observe un effet de tassement. Nous voyons également apparaître une légère déconnexion entre le Luxe et la génération Z qui attend de ce secteur une responsabilité environnementale et sociétale. Cette génération n’est pas totalement convaincue que le Luxe puisse satisfaire ses attentes, il y a un véritable décalage entre les valeurs de cette génération et le Luxe désirable actuel. La montée très importante de la seconde main et du recyclage est aussi un facteur qui est actuellement en train de transformer l’achat et la consommation de manière générale dans le Luxe, avec un impact beaucoup plus important que ce que nous avions anticipé. Pour terminer sur les perspectives, la tendance qui revient aussi sur le devant de la scène est celle du Luxe invisible, très discret, qu’on ne montre pas pour ne pas choquer, ni provoquer. La possession d’articles de Luxe peut donner lieu à des réactions violentes et tout cela se lie sociologiquement à la crise sanitaire.

Journal du Luxe

Les technologies du Web3 et de l’IA sont encore à un stade préliminaire de leur maturité et il reste encore difficile de mesurer leur impact sur la consommation réelle. Comment le groupe IFOP prévoit-il d’adapter ses services d’études et de sondages pour répondre aux évolutions du marché, notamment pour le Luxe ?

Stephane Truchi

Au sein du groupe IFOP nous utilisons déjà ces outils mais nous avons de plus en plus de données à gérer, en raison de la demande de nos clients qui souhaitent que l’IFOP joue un rôle d’agrégateur de données. Aujourd’hui, l’ensemble du Web social est important. Il y a beaucoup de données qui sont disponibles au sein des marques et dans l’ensemble de l’écosystème. Nous souhaitons intégrer ces données pour mieux détecter les tendances, cela représente un véritable outil de progrès technologique qui vient nous aider dans notre métier. Cependant, le sujet de l’IA est tout de même à considérer avec un certain recul. Il y a tout d’abord le défi éthique car une partie de l’IA réside dans de l’interprétation, avec une certaine forme de jugement qui peut être biaisée. Notre métier est la sécurité de la donnée et donc nous attachons une vigilance particulière en ce qui concerne la vérification de la fiabilité des sources. Il y a également le défi de “l’équilibre de l’information”. Ce que j’entends par ce terme, c’est que beaucoup d’informations utilisées par l’IA peuvent être parfois totalement décorrélées avec la réalité. Il faut être vigilant car notre monde évolue très rapidement et ce qui est consolidé dans l’IA doit être fiable par rapport à ce qui se passe dans la vraie vie. Le dernier défi est celui de l’identification des signaux faibles et l’IA n’est pas encore suffisamment performante pour arriver à détecter ce type d’informations. En revanche, ce défi ne représente pas une très grande problématique pour notre métier, qui est avant tout une profession institutionnelle et d’analyse.

Journal du Luxe

Le groupe IFOP a récemment développé un dispositif stratégique pour aider les marques des univers Luxe et Beauté à s’adapter à l’ère du Web3. Pourriez-vous nous exposer les principaux principes de ce dispositif et quelles sont les raisons qui ont motivé cette initiative ?

Stephane Truchi

L’IFOP a créé effectivement un dispositif pour bien comprendre comment l’univers du Web3 est organisé. De nombreux travaux sur tous les éléments qui constituent l’écosystème Web3 sont disponibles et j’invite par ailleurs le plus grand nombre de personnes à s’intéresser à cette initiative. Les évolutions récentes ont contribué à ce que le groupe ne se précipite pas et prenne du recul par rapport à toutes les dernières tendances des derniers mois. Nous avons beaucoup travaillé à l’analyse du Web3 dans sa globalité. Nous avons tout d’abord réalisé une première étape très prospective auprès des "builders" du Web3, avec notamment des partenariats établis entre le groupe et des plateformes spécialisés Web3. Notre objectif est de définir les scénarios d’évolution de cet écosystème. La seconde étape sur laquelle nous travaillons actuellement consiste à redéfinir les objectifs et à analyser les informations qui découlent de cette phase de prospection. Nous voulons mieux comprendre les différents enjeux, les différents usages et motivations des consommateurs, pour être ensuite en capacité d’établir différents scénarios d’évolution.

La suite de l'interview, l'intégralité du Hors-Série ainsi que le replay du Webinar "IA & DATA" sont 

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