
Chronique
New York, le Retail Lab à ciel ouvert
Publié le par Rémi Le Druillenec
Il suffit d’arpenter quelques rues de la Big Apple pour comprendre qu’ici le retail est un terrain d’expérimentation sans limite, où le grandiose et l’inédit se côtoient. Certains sages du retail propagent la légende selon laquelle un concept qui fonctionne à New-york et qui a su convaincre sa population cosmopolite, trouvera le succès partout ailleurs dans le monde.
Quelles sont donc les formats et propositions retail du moment ? Comment les Maisons et Grands Magasins réinventent-ils l’expérience d’achat ? S’acheter un produit ou s’acheter un moment ?

Racontez-moi des histoires
Qu’elle soit composée de plusieurs chapitres ou bien qu’elle se déroule dans un décor unique, l’histoire proposée à chaque visiteur semble inévitable. C’est cette deuxième option qu’illustre parfaitement la marque de mode française Jacquemus à travers son flagship New Yorkais à Soho. Une escale provençale est offerte sur les deux niveaux de cette petite maison où chaque élément apporte la sensorialité de cette région du sud de la France si chère à son créateur. Enduits à la chaux, mobilier en bois brut, oliviers et fenêtres de toit laissant traverser les rayons du soleil dans les différentes pièces contribuent à reconstituer ce décor où Simon Porte Jacquemus trouve ses inspirations. Chaque visiteur peut alors choisir de s’installer dans l’un des salons recouverts de draps en lin et contempler ce set-up unique.
S’il y a une autre expérience immersive à retenir, c’est sans aucun doute celle proposée par le tout nouveau Printemps. Le visiteur se retrouve plongé dans un univers art nouveau où déambulation et contemplation sont les fils directeurs du parcours. Oubliez ici les archétypes des Grands Magasins. Les îlots et courbes ont remplacé les allées rectilignes, les linéaires de portants ont laissé place à des mises en scène inspirantes. Le moment le plus marquant de la visite est incontestablement la pièce réservée aux souliers et où les étagères deviennent sculptures pour faire de chaque paire un ingrédient majeur de la mise en scène.

L’usage avant tout
À New York, la démesure ne se limite pas aux grands magasins. Kim Kardashian, star des réseaux sociaux, nous le prouve avec l’ouverture récente du premier flagship de sa marque Skims, situé sur la célèbre Cinquième Avenue. Dès l'entrée, une sculpture monumentale de 4,5 mètres, signée Vanessa Beecroft, nous accueille. Les visiteurs sont ensuite invités à explorer les différents univers de produits répartis sur les cinq niveaux de cette boutique hors du commun. Tout est fait ici pour offrir une navigation optimale et une découverte autonome aux visiteurs : camaïeux de couleurs produit mis en scène en partie supérieure, signalétique pédagogique et intuitive pour comprendre les spécificités produits, réservation des cabines d’essayage grâce aux QR codes disposés dans tous les espaces produits. Après Uniqlo, il s’agit certainement de l’une des meilleures expériences d’Usage proposées dans le prêt-à-porter.
Mais la beauté n’est pas en reste, puisque la marque de cosmétiques californienne Hourglass vient d’inaugurer son premier magasin en propre à Soho. Ici, on trouve une organisation des différentes catégories de produits très lisible, des postes de maquillage en périphérie, pour un parcours efficace mais peut-être pas suffisamment inspirant.

Partager, encore et encore
Depuis longtemps nous avons la conviction chez Héroïne que le retail doit être pensé comme un média. Pour cela, il doit non seulement se doter d’espaces surprenants et de parcours inédits afin que le visiteur souhaite partager sa visite mais aussi de lieux propices à la rencontre.
Le flagship temporaire de Louis Vuitton réussit le tour de force de réunir ses deux aspects. Tout commence dès l’arrivée devant cette entrée majestueuse où le gigantisme de l’autruche et la girafe qui ornent la façade est vécu comme une injonction à sortir dès maintenant votre smartphone. Le visiteur se trouve ensuite accompagné lors de son ascension dans les étages par les 3 sculptures de malles installées dans l’atrium central et qui ne sont pas sans rappeler la dimension artisanale originelle de la Maison au monogramme. Mais s’il y a un lieu en particulier où se presse toute la haute société new-yorkaise c’est bien le Café Louis Vuitton.
Dans un espace feutré, avec vue sur la 57ème rue, un service raffiné et attentionné vous est proposé. Le rituel de "délivrance" de la mousseline est sans doute le moment le plus partageable du repas à moins que ce soit votre propre selfie devant le plafond recouvert de travel tags logotypés.

Encore et toujours, New York nous surprend par son audace, son inventivité et surtout la multiplicité des approches retail. C’est une belle démonstration qu’il n’existe pas une recette universelle pour une stratégie retail gagnante mais bien une diversité de propositions visant à s’adresser à des cibles aux attentes toujours plus polarisées et mouvantes.
Tribune écrite par Rémi Le Druillenec, CEO et Co-fondateur de l’Agence Héroïne, spécialisée en Conseil et Design d’Expérience de marque.

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