« La chasse aux talents n’a jamais été aussi importante » Yves Hanania, Isabelle Musnik et Philippe Gaillochet.

Le monde a changé. La pandémie avec son lot de ruptures et d’accélérations a provoqué l’avènement d’un nouveau normal avec ses nouvelles règles, enjeux, opportunités. Plusieurs d'entre elles, décrites dans notre premier ouvrage, se sont imposées. La responsabilité environnementale fait l’objet d’initiatives importantes de la part des grands groupes de luxe alors que de nouvelles marques ont capitalisé sur ce thème. D'un autre côté, la responsabilité sociale commence à être prise en compte par les maisons. Pour de grandes marques, comme Hermès, la question de la distribution aux salariés d’une part de la valeur créée est posée sur la table.

Parmi les principales disruptions, nous pouvons mentionner l’importance grandissante de la technologie et l’innovation dans le développement des maisons de luxe. De nombreuses technologies redessinent les possibilités même du secteur. La réalité virtuelle, l’utilisation de la blockchain ou encore le metaverse annoncent l’avènement d’un monde virtuel.

Laurent Boillot, PDG d’Hennessy et président du Comité Colbert à partir de juin 2022, souligne d’ailleurs dans la préface du livre que "les acteurs du luxe font souvent partie des premiers adoptants des nouvelles technologies. Citons ici l’exemple de la blockchain, qui apporte une réponse concrète à la problématique de la contrefaçon, véritable fléau des marques de luxe. Ou le métaverse, ce nouvel univers dans lequel les acteurs du luxe sont naturellement très à l’aise."

Une deuxième disruption est l’importance croissante de l’e-commerce qui s’est imposé durant la pandémie et représente pour certaines marques plus de 30% des ventes, alors que le reste de l’industrie s’établit aux alentours de 20%. Selon plusieurs dirigeants, seul l’e-commerce pourra leur permettre de se développer et d'atteindre de nouveaux sommets.

Une troisième disruption est l’essor de la location et de la seconde main. De nouveaux modèles d’organisation de la production et de canaux de vente doivent être mis en place. La question centrale est de savoir comment éviter la cannibalisation de l’offre première.

Autre disruption potentielle, toujours fondamentale pour le luxe : le marché chinois. Le pays subit des soubresauts divers, entre injonctions politiques, lutte anticorruption, réduction des inégalités, récurrence des confinements pour raisons sanitaires, ralentissement de la croissance... Le désir de luxe occidental reste entier pour les classes moyennes et supérieures car il constitue un espace de liberté dans une société très contrainte. Si les groupes de luxe sont confrontés à des difficultés de gestion nouvelles et complexes, les marchés asiatiques sont essentiels pour l'industrie.

Le luxe est un véritable leader de changement dans de nombreux domaines. Depuis la crise sanitaire, son écosystème s’élargit à grande vitesse. En amont des produits et services de luxe, les collaborations se multiplient pour stimuler la créativité et l’attractivité par fertilisation croisée des marques.

A cet égard, le luxe continue d’inspirer la technologie. Les marques "techno" sont de plus en plus nombreuses à adopter les codes du luxe, dans le sillage du pionnier Apple.

Dans le virtuel, le luxe mène aussi la danse. Les metaverses, entre jeu vidéo et NFT, et le metaverse global, caractérisé par les interconnexions, sont d’ores et déjà investis par les marques. Alors que leurs initiatives se multiplient, seules quelques-unes se montrent pérennes. Mais le luxe ouvre une nouvelle fois la voie et investit la réalité virtuelle, vu comme une manière de compléter le monde réel sans le remplacer.

Comme le met souvent en avant François-Henri Pinault : la première des exigences dans le changement, c’est la créativité. Une créativité qui plonge ses racines dans l’histoire et la personnalité esthétique de la marque.

La deuxième condition à remplir est la diversification des produits et des marchés, le pricing power et les moyens financiers pour creuser l’écart avec la concurrence. Si nous retrouvons l’importance de la diversification, de l’organisation et du management de la marque, comment faire étroitement travailler ensemble les "géomètres et les saltimbanques" au sein d’une maison ? Comment innover tout en cultivant les racines de la marque ? Comment tirer parti des talents internes et les sublimer avec des créateurs extérieurs ? Le succès dépend de cette alchimie, encore plus cruciale dans les turbulences économiques et politiques actuelles. La chasse aux talents n’a jamais été aussi véridique et importante.