Slow Luxury : l’avenir du luxe ?
Publié le par Journal du Luxe
L’appétence à une consommation sensée est de plus en plus marquée. L’avenir du marché du luxe est incertain et son approche prospective revêt un grand intérêt. Les tendances d’achat, orientées initialement par les marques, sont à présent guidées par les choix des consommateurs.
Et si l’avenir du luxe reposait sur le Slow Luxury ?
L’authenticité comme vecteur d’innovation
Bien que longtemps suiveurs, les consommateurs sont aujourd’hui plus sensibilisés aux résultats des politiques industrielles et à la fabrication délocalisée ; ils se tournent donc massivement vers des valeurs plus authentiques et humaines. Le mouvement Slow Made (et plus généralement la tendance « Slow ») n’est pas nouveau ; il fait un grand retour sur le devant de la scène.
« L’authenticité comme vecteur d’innovation » était l’une des thématiques du Salon du luxe Paris 2015 (conférence animée par Laetita Faure avec, comme speakers, Nicolas Chemla [Luxifer] et Carlos Rosillo [Bell & Ross]).
Certaines Maisons l’ont compris, elles se réinventent donc pour proposer des flagships plus expérientiels (retrouvez à ce sujet ma tribune sur Linkedin Pourquoi le luxe expérientiel n’est pas une révolution ?) en créant une relation de proximité directe, à l’instar du nouveau magasin Guerlain Parfumeur récemment ouvert à Paris.
Au niveau communication, la transparence de l’information, la lisibilité quant à la traçabilité du produit et le brand content associé sont autant d’éléments qui permettent de renouer un lien de confiance et un certain amour vis à vis de la marque avec le client.
La sincérité d’un produit de qualité
Historiquement et jusqu’aux années 80, la consommation du luxe résidait dans la possession de pièces uniques. C’était un luxe de l’objet. Ces dernières années, le marketing et la communication ont joué un rôle primordial – faisant passer la qualité du produit, parfois au second plan.
Après être allé au bout d’une époque, c’est aujourd’hui de nouveau au niveau du produit que se concentre la valeur de la Maison. Les consommateurs du luxe avisés sont décidés à ne plus se laisser berner.
La réactivité des marques à ce sujet sera décisive pour leur survie dans l‘écosystème.
Et si ces valeurs, pourtant simples, s’intégraient au final dans la définition du « vrai » luxe ?
Luxe : quid d’un service vraiment personnalisé ?
Pour compléter cette proposition d’excellence, l’accueil et le conseil autant que le service après-vente, restent primordiaux. Si la personnalisation et le sur-mesure sont des éléments intrinsèques au « luxe », le souci du détail et le service jouent donc un rôle majeur dans le Slow Luxury.
Et si les vendeurs (que l’on appellera ici Ambassadeurs ou Conseillers pour plus de reconnaissance de ce métier clef) prenaient le temps d’offrir un service et un accueil d’exception à chaque client (ou mieux, à chaque visiteur) du magasin ? Cette dimension serait intégrée à l’approche Slow Luxury selon laquelle chaque partie prenante serait véritablement considérée.
Comment offrir un service personnalisé si on ne prend pas le temps de connaitre son client, ses attentes, son mode de vie, ses rêves, ses préférences… ?
Le service « luxe » prendrait ainsi tout son sens : prendre le temps nécessaire à une relation basée sur le conseil et la personnalisation, une vraie relation H2H (Human to Human) en somme.
Cette approche ne s’applique bien entendu pas uniquement dans le cadre du retail mais pour tous les métiers de service. Ainsi, si la gouvernante d’un palace ou hôtel de luxe a des informations sur son client, ses attentions ne pourront être que plus personnalisées à son égard, créant une émotion positive à chaque instant.
Le mouvement Slow n’est pas nouveau
De la Slow Food au Slow Travel en passant par la Slow TV, ces concepts existent déjà depuis plusieurs années. Focus sur le Slow Made.
Le mouvement Slow Made prône une création respectueuse des savoir faire et de l’environnement ainsi que le respect du temps nécessaire au travail bien fait. Il prône également le prix juste (un prix qui serait justifié non seulement par la marque ou le logo apposé par la Maison sur le produit mais avant tout, par le temps passé à la recherche autour de la conception du produit, sa fabrication et ses matériaux).
Luxe et fabrication locale, un enjeu économique
Dans cette idée du Slow Luxury, les questions relatives au circuit court, à la consommation locale et à la fabrication (artisanale) Made in France, Made in Europe…sont centrales.
Sur un marché qui représentera entre 250 et 265 milliards d’euros d’ici 2017 (selon l’institut Bain & Company), l’investissement des grands noms du luxe dans le développement de la fabrication locale serait un accélérateur de croissance. Pour ce faire, il faudrait bien entendu que l’État incite ces leaders du luxe à produire localement (vaste sujet…).
Tendances luxe : vers le Slow Luxury ?
Aujourd’hui, plusieurs écoles s’affrontent. Les adeptes de la démocratisation du luxe (soutenus initialement par des groupes de renom) et certains fervents défenseurs de la « premiumisation » font face aux amoureux des savoir faire, de l’artisanat, des beaux gestes et des matières nobles et éthiques (le lin par exemple). Quels bénéfices ? Aucun, au contraire, puisque cela participe au développement d’un marché imprécis et complexe, au détriment du terme « luxe ».
Quelle place pour la technologie dans le Slow Luxury ?
La technologie est un outil qui permet de sublimer les métiers d’art et les savoir faire des Maisons. Inutile donc de lutter contre le digital, là n’est plus le sujet. Il faut l’utiliser à bon escient, l’intégrer à l’ensemble du process et le considérer comme un pilier de sa stratégie globale.
Prendre le temps du luxe
A l’occasion du Salon du luxe Paris, l’an passé, Jean-Claude Biver (Président de la division Montres, LVMH) s’est exprimé : « Mon luxe à moi, c’est le temps, au sens propre comme au figuré ».
Quand prendre le temps de s’offrir une parenthèse déconnectée, un retour au vrai, semble s’apparenter au nouveau luxe, peut-être est-il grand temps d’envisager cette nouvelle approche.
Will Slow Luxury become True Luxury ?
Tribune de Laura Perrard