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Valérie Tanfin et l’art de la plumasserie
Publié le par Journal du Luxe
La plumasserie est un art bien connu dans l’univers du luxe mais toutefois très peu mis en avant. Le Journal du luxe a décidé de mettre en lumière ces travailleurs de l’ombre en rencontrant Valérie Tanfin, une des rares plumassières en France, qui exposera ses créations au Salon du luxe Paris les 6 et 7 juillet 2016.
Journal du luxe : La plumasserie est un art particulier, par quel biais êtes-vous parvenue à exercer cette profession ?
Valerie Tanfin : J’ai commencé par réaliser une formation de couturière et habilleuse sur une durée de quatre ans. C’est à ce moment là que je me suis découvert une passion pour la plumasserie en travaillant dans plusieurs cabarets. Je m’occupais alors de l’habillage des artistes. Je me suis ensuite dirigée vers le CAP de plumassier à Paris, unique formation en France.
Par la suite, j’ai commencé à travailler pour la Maison Lemarié dans la haute couture, pour ensuite intégrer la Maison Février qui réalise les costumes du Moulin Rouge et d’autres cabarets et lieux de spectacle. Forte de ces compétences et très attachée à ma région natale, j’ai fondé mon propre atelier aux alentours de Toulouse.
JDL : Comment vous procurez-vous les plumes indispensables pour vos créations ?
Je fais appel à des fournisseurs qui disposent d’élevage à travers le monde comme en Asie ou en Afrique du Sud. Je commande certaines plumes au kilo, d’autres à la pièce, il arrive aussi que je reçoive la peau complète de l’oiseau ce qui permet de visualiser le dégradé du plumage.
« Je préfère utiliser les plumes que tout le monde connaît »
La plume est une matière très règlementée par la Convention de Washington qui protège les espèces animales et végétales. Beaucoup de plumes d’oiseaux ne peuvent donc pas être utilisées du fait de cette protection.
J’utilise par conséquent des plumes d’oiseaux plutôt communs comme les oies, les faisans, les coqs ou encore les autruches. Je préfère utiliser des plumes que tout le monde connaît. Les gens ne se rendent pas forcément compte que les oiseaux qu’ils rencontrent souvent possèdent d’aussi beaux plumages. On peut ensuite les travailler pour qu’ils s’apparentent à des plumes exotiques.
JDL : Comment utilisez-vous ces plumes ?
Cela dépend de la demande du client et de son activité. Si je préfère utiliser des plumes qui conservent leur couleur naturelle, il arrive souvent que je les teigne moi-même ou bien que je commande des plumes d’ores et déjà teintes.
Le processus de teinture que j’utilise passe par un bain chauffant pigmenté, dans lequel j’imbibe les plumes durant plusieurs heures. D’une même plume, on peut obtenir des aspects très différents en la découpant, la frisant, la courbant etc.
JDL : Quelles techniques sont propres à la plumasserie ?
Nous sommes une quarantaine de plumassiers en France dont la plupart exercent dans les quelques ateliers parisiens. C’est un métier très rare et un art très ancien originaire d’Amérique latine, qui s’est étendu en Europe durant la Renaissance. Il s’apprend aujourd’hui par la transmission du savoir-faire dans les ateliers avec des méthodes et outils particuliers.
Trois techniques principales sont connus des plumassiers : la couture, le collage et la monture destinée à la conception de grosses structures comme on peut le voir au Moulin Rouge. J’utilise des techniques de base que je décline ensuite sur plusieurs supports.
JDL : Qui sont vos clients principaux et à quel moment de l’année votre activité est-elle la plus soutenue ?
Je crée mes œuvres principalement pour les cabarets et les théâtres, mais aussi pour les professionnels de la mode. Il arrive également que des particuliers fassent appel à mon savoir-faire pour des mariages par exemple. Je conçois aussi des tableaux uniquement constitués de plumes.
La demande est assez variable. En décembre, celle des cabarets est très active du fait du renouvellement des costumes pour Noël et le Nouvel an. Il y a généralement une période creuse jusqu’au mois d’avril et l’activité redevient très soutenue à partir du mois de mai avec une forte demande des marques de mode.
Je travaille notamment pour le théâtre du Capitole à Toulouse et le Moulin Rouge. Il arrive que des marques de luxe fassent appel à mon savoir-faire pour des sacs à main ou d’autres pièces bien spécifiques.
JDL : Quel type de création préférez-vous produire ?
Ce que je préfère, c’est réaliser des pièces uniques pour mon plaisir, qui relèvent davantage de « l’œuvre » et sont destinées à paraître dans des salons ou expositions.
« Réaliser des pièces uniques pour mon plaisir »
Ma dernière création en date étant un trophée de chasse pour lequel j’ai recouvert de plumes des bois de daim. Un client avait au préalable passé commande pour cette création et j’ai ensuite décidé de concevoir une petite série de trophées sur le thème des quatre saisons.
JDL : Vous serez présente sur le Salon du luxe Paris 2016, quel message souhaitez-vous y faire passer et qu’allez-vous y exposer ?
Je souhaite avant tout mettre en avant que la plume est une matière qui peut s’adapter à des supports différents et ce dans le secteur de la mode, mais aussi de la décoration et autres.
« La plume peut s’adapter à des supports très différents »
J’y présenterai des pièces très différentes que ce soit des chaussures habillées de plumes, des tableaux, une robe et peut-être le fameux trophée de chasse !
Les gens savent bien que la plumasserie fait partie intégrante de l’univers du luxe mais ne se rendent pas compte qu’on peut utiliser les plumes pour beaucoup de choses. On pourrait par exemple concevoir un pan de mur entier orné de plumes. L’objectif principal est de démontrer que la plumasserie peut être associée à un nombre incalculable d’activités artistiques.
JDL : Pour conclure, quel est votre luxe à vous ?
Mon luxe à moi c’est d’avoir la chance de pouvoir exercer un métier que j’adore dans un endroit dans lequel je me sens bien. J’ai la chance de pouvoir travailler chez moi et à mon rythme, et c’est quelque chose qui n’a pas de prix.
Vous pouvez retrouver les créations et les actualités de Valérie Tanfin sur son site internet.