
Chronique
Loewe & Proenza Schouler : deux artistes du portrait
Publié le par Eric Briones
Jack McCollough et Lazaro Hernandez, les fondateurs de Proenza Schouler, viennent de succéder au très grand Jonathan Anderson à la tête de l’ovni luxe Loewe. L’occasion parfaite de comparer la maîtrise de l’art publicitaire de ces trois créateurs.
Bonne nouvelle pour Loewe : une certaine cohérence visuelle devrait perdurer. Tous partagent une obsession pour l’art du portrait, en particulier celui de célébrités "hype" indispensable pour remporter la guerre de l'attention. Une approche lisible, stylisée et donc rassurante pour la cohérence de marque.
Mais là où Jonathan Anderson flirte avec l’art contemporain jusqu’à s’y dissoudre, McCollough et Hernandez, eux, restent... à la galerie. Bons élèves d’une esthétique léchée, commerciale, élégamment codifiée, mais sans grain de folie. On admire, on comprend, on passe.
Comparaison de tête publicitaire :
Chez Proenza Schouler, l’égérie n’est jamais premier degré : Parker Posey, Chloë Sevigny, Pamela Anderson en mode no make-up… Des icônes arty, cultes, indé, shootées avec douceur et tension par Henrikson, Giorgadze ou Elkaïm. Ici, la campagne prend des allures de confession esthétique : une chaise design, un mur nu, un rouge saturé et surtout, un regard, un vêtement.

La posture est cool, l’image est pointue, mais l’ambition conceptuelle est absente. Proenza signe de beaux portraits, sensibles et intelligents, fidèles à sa grammaire new-yorkaise, minimaliste, discrètement cérébrale.
Chez Loewe, Jonathan Anderson joue une toute autre partition. L’égérie ? Star indie (ou en quête d’indépendance d’image, comme Daniel Craig), en mode décalé, tendance absurde. Le décor ? Un manifeste. L’objectif ? Créer une œuvre visuelle autonome, qui transcende la publicité pour devenir... un monde. Avec Juergen Teller, il ne signe pas une campagne, il érige une vision étrange, ironique, inoubliable.
Yves Saint Laurent disait : "Il y a les couturiers, les créateurs… et les couturasses". Jonathan Anderson est un couturier. Un vrai.
McCollough et Hernandez ? Le temps dira s’ils gravent leur nom dans la création… ou s’ils restent de bons élèves.
En attendant, donnons-leur leur chance. Le jeu ne fait que commencer.

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