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Clara Daguin marie mode et technologie [Interview]
Publié le par Journal du Luxe
En alliant mode et technologie, Clara Daguin a fait sensation au Festival de Hyères 2016. La créatrice était présente sur le Salon du luxe Paris en juillet dernier. Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir un peu plus sur ses inspirations, sa conception de la mode et sa vision de la Fashion Tech.
Journal du luxe : D’où vous est venue cette passion pour la mode et quel a été votre parcours pour intégrer cet univers ?
La passion que je cultive est avant tout celle du projet, de l’expression plastique. Quand j’étais toute jeune ça passait par la fabrication de déguisements avec des pantalons délaissés de mon grand-père, des nappes trouées, des chutes de tissu issues de la couture de mes grand-mères.
Puis j’ai fait beaucoup de peinture, puis des collages, de la photo et de la gravure, et finalement lors de mes premières études en art à San Francisco j’ai choisi le graphisme. C’était une manière d’intégrer beaucoup de médias différents.
« Le vêtement est redevenu mon medium d’expression »
Je ne comprenais pas à ce moment là que la mode pouvait elle aussi exprimer des idées, que la conception d’une collection n’est finalement pas si éloignée d’une charte graphique ou d’une mise en page d’un livre. Quand j’ai compris, le vêtement est redevenu mon medium d’expression.
Journal du luxe : A quel moment vous êtes-vous intéressée à la « FashionTech » ?
Je ne pourrais pas dire que je m’y suis intéressée particulièrement, le fait que l’on classifie mes vêtements de Fashion Tech s’est fait malgré moi car j’y ai intégré de la technologie mais je m’intéresse plus à la mode (visuellement) et à la technologie (philosophiquement).
Journal du luxe : Aujourd’hui, les Français ne sont pas les premiers sur le sujet de la FashionTech. Pensez-vous qu’il s’agit de l’avenir de la mode et que des cours de « technologie » au sens digital du terme doivent être proposés aux futurs créateurs dans le cadre de leur formation ?
Il existe déjà des projets de futurs curriculums intégrant la mode et l’électronique, mais assez peu. Je pense que pour que ce domaine devienne intéressant il faut en effet proposer des cours.
Sans initiation, les étudiants ne peuvent pas savoir que ça existe et que ça pourrait les intéresser. Plus il y aura de projets Fashion Tech, mieux on pourra cerner ce créneau et faire évoluer les possibilités.
Journal du luxe : Votre collection femme « Body Electric » illustre la symbiose entre le corps et la technologie. De quoi vous êtes-vous inspirée pour l’imaginer ?
L’inspiration vient en flux continu de ce qui se passe autour. Il suffit de se poser sur un coin de rue cinq minutes pour apercevoir une armée de zombies marchant au ralenti en fixant leurs mains/portables.
J’en suis coupable tout autant que d’autres mais quand on s’arrête un instant c’est bluffant. Cette infiltration est de plus en plus profonde. J’en ai l’expérience tous les jours pour des raisons médicales mais on devient tous indissociable de la technologie.
Journal du luxe : Quand pensez-vous que le marché sera prêt pour accueillir vos créations et plus largement, des créations Mode & Tech en osant les porter librement ?
Quand les créations elles-même seront prêtes. Le marché est déjà là, mais les vêtements doivent être portables et accessibles stylistiquement. Personne (ou peu de gens) ont envie de ressembler à un robot. Mais le coup de cœur vestimentaire ne tient pas compte de si la pièce est « tech » ou pas.
Journal du luxe : Lors du Salon du luxe Paris 2016, une personne a dit que pour elle, « vos créations n’avaient rien à voir avec de l’artisanat ». Vous avez répondu que si. Pouvez-vous compléter votre réponse pour nos lecteurs ?
Oui, c’était drôle, elle a dit que la technologie dans les vêtements est une usine à gaz. Elle est quand même venue me voir après pour me dire qu’elle disait ça pour lancer un débat.
Pour moi les vêtements que j’ai réalisés ne sont surtout pas industriels. Tout est brodé à la main, les circuits sont fait de fil conducteur, les « uniformes », malgré leur technicité car soudés, sont tout de même assemblés à la main. Le temps accordé à chaque pièce relève de l’artisanat, même si par la suite, quelques étapes pourront être répétées à la chaine pour exécuter plus vite.
Journal du luxe : Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
J’aimerai perfectionner les techniques utilisées dans les broderies et les assemblages pour que les pièces soient accessibles sur le marché, et bien sûr continuer à expérimenter et à proposer de nouvelles collections.
Journal du luxe : Pour finir, quel est votre « Luxe » à vous ?
Mon temps. De faire des pièces en voyant évoluer les formes et les broderies sous mes yeux, en prenant du plaisir dans la main d’œuvre.