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[Interview] Pierre-François Le Louët : « Aujourd’hui, il existe des luxes différents »

Publié le par Journal du Luxe

Interrogé il y a quelques jours à l’occasion de la première rencontre It’s Luxe Time ! organisée par le Journal du luxe en partenariat avec l’Ifop, Pierre-François Le Louët nous accorde une interview intimiste.

L’occasion de le questionner sur les facteurs de désirabilité pour les marques de luxe et sur les enjeux du digital aujourd’hui. Pierre-François Le Louët, Président de l’agence NellyRodi (et Président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin), nous a également dévoilé ce qui le fait rêver chez une marque de luxe.

Pierre Francois Le Louet Nelly Rodi

Journal du Luxe : Comment les codes du désir ont évolué ces dernières années en France et à l’étranger ?

Pierre-François Le Louët ► Les codes du désir ont énormément évolué dans le secteur du luxe durant ces dernières années. Les marques de luxe sont confrontées à un nouveau contexte, à de nouvelles cibles. On parle beaucoup aujourd’hui de storyliving : cette dimension expérientielle du luxe qui prend aujourd’hui le dessus sur toutes ces années axées sur le storytelling.

« Les marques de luxe cherchent à impliquer le consommateur »

Les marques de luxe visent désormais à impliquer davantage le consommateur dans l’expérience d’achat et dans la manière dont il vit le luxe. On parle beaucoup de culture populaire, de transgression des codes du luxe. Différents points qui permettent d’ancrer le luxe dans un nouveau territoire autre que celui du luxe dit « traditionnel ».

Toutefois, cela ne veut pas dire que l’on oublie les codes originels du luxe. Les Maisons continuent de mettre en avant leur savoir-faire en le couplant à cette notion de rapport au temps. Un rapport au temps qui évolue lui aussi avec l’arrivée des nouvelles générations.

« Les consommateurs veulent faire ressortir leur singularité »

Le temps des nouvelles générations n’est plus le même que celui de la génération des Séniors. Les attentes des consommateurs vis à vis des produits de luxe ont par conséquent changé.

Les consommateurs cherchent également à faire ressortir leur singularité, à mettre en avant leur personnalité. Une mise en avant permise à travers la relation entretenue avec les produits de luxe.

Cette relation entre les consommateurs a également pris une toute autre dimension avec le développement des réseaux sociaux et la digitalisation de cette relation.

Cela ne signifie pas pour autant qu’une distance se crée entre les consommateurs et les produits. La conversation se perpétue sur le web mais les drivers de désirabilité sont devenus différents.

Journal du Luxe : Qu’est-ce qui fait rêver le consommateur français aujourd’hui ?

Pierre-François Le Louët ► C’est une grande question ! Ce qui fait rêver le consommateur français, c’est sans doute plus de singularité, plus de personnalisation. Il cherche sans doute à être impliqué dans cette histoire du luxe.

« Prolonger ces moments de luxe d’exception »

On remarque que les catégories du luxe qui affichent le plus de croissance ne sont pas forcément celles qui s’axent sur des produits mais sur des expériences comme le secteur de la gastronomie, du vin, des voyages.

Ce qui fait donc rêver le consommateur français aujourd’hui c’est donc de prolonger ces moments de luxe d’exception à travers une amplitude temporelle un peu plus longue.

Journal du Luxe : Existe-t-il des codes susceptibles de faire rêver le consommateur sur la toile ?

Pierre-François Le Louët ► La question des codes sur le web est un petit peu plus compliquée que par le passé. Le visage du luxe est excessivement hétérogène aujourd’hui.

Il est constitué de différents segments qui n’évoluent pas tous à la même allure, qui n’ont pas tous le même degré de modernité.

« Transférer les codes particuliers des marques sur le digital »

Nous parlions beaucoup des codes du luxe il y a 10 ou 15 ans. Aujourd’hui il existe des luxes différents, comme il existe des marques différentes.

Chacune de ces marques ont développé leurs propres codes. Il s’agit de transférer ces codes particuliers sur le digital ou au contraire de s’inspirer des modalités de cet univers pour le retranscrire au sein des magasins. On ne peut donc pas distinguer les codes du luxe d’un côté et les codes du digital de l’autre.

Journal du Luxe : Où est-ce que les marques de luxe doivent aller chercher leur inspiration ?

Pierre-François Le Louët ► Les marques de luxe disposent de deux sources d’inspiration principales.

La première concerne leur propre vision de marque. Que défendent-elles ? Quels sont leurs engagements ? Quelle est leur singularité ? Cela se construit à partir d’une histoire mais aussi avec un engagement pour l’avenir. Les marques doivent définir leur territoire esthétique et leurs valeurs.

« La vision de marque et le client »

La deuxième source concerne le client. Ce consommateur final qui évolue à la vitesse de la lumière notamment avec l’arrivée de la Génération Z et des populations orientales et asiatiques.

Ces populations adoptent des comportements divers qui obligent les marques de luxe à s’adapter à une demande plus large et plus jeune que par le passé.

Enfin, les marques doivent rompre avec le luxe traditionnel. Rompre, mais aussi intégrer. Il ne s’agit pas de délaisser les clients traditionnels du luxe. Il s’agit de savoir, comme sur un piano, sur quelle touche il faut appuyer pour séduire ces clientèles différentes. C’est tout l’enjeu pour les marques de luxe et pour leurs managers aujourd’hui : Quels facteurs de désirabilité activer pour atteindre quelle cible ?

nellyrodi

Journal du luxe : Pour finir, une question plus personnelle. Pierre-François Le Louët, quel est votre Luxe à vous et comment une marque pourrait susciter votre désir ?

Pierre-François Le Louët ► Ce qui me séduit c’est le jamais vu de qualité exceptionnelle. Je pense que la question de la créativité et de l’innovation est au cœur de l’industrie du luxe aujourd’hui.

Pour susciter la créativité, les marques doivent s’appuyer sur des valeurs. Pour me séduire, les marques doivent défendre des valeurs et une vision du monde qui correspondent à la mienne.

Elles doivent également me présenter des standards de qualité irréprochables. La relation au temps du luxe est très singulière. Le luxe n’est pas qu’un investissement, c’est aussi une joie de vivre dans l’instant. C’est également un souvenir que l’on a envie de conserver le plus longtemps possible.

Journal du Luxe : De ce fait, est-ce que le luxe peut-être souriant, vivant, presque extraverti ?

Pierre-François Le Louët ► Je l’espère bien ! Effectivement le luxe doit être souvent souriant, extraverti, positif, joyeux, sans jamais être vulgaire.

« Il faut parler des luxes au pluriel et non au singulier »

Certains segments du luxe ont étendu leurs cibles jusqu’à des segments un peu plus populaires mais jamais vulgaires. Et donc beaucoup d’expressions aujourd’hui sont possibles sur ce territoire du luxe, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années. Les segments du luxe se sont élargis, il faut donc parler des luxes au pluriel plutôt qu’au singulier.

Propos recueillis par Laura Perrard et retranscris par Romain Gouleau

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