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Comprendre le consommateur de Luxe – Rencontre avec Lars Long, CEO de Altiant

Publié le par Journal du Luxe

Comment mieux performer dans le Luxe ? Lars Long, Fondateur et CEO d’Altiant – société spécialisée dans les études de consommation, entre autres, pour le secteur du Luxe – nous explique les spécificités de ce marché et l’importance des panels de consommateurs. Il partage également les premiers résultats de l’étude Luxury Industries: Global perceptions and attitudes mettant en avant les écarts de perception des consommateurs à l’égard des différentes industries du Luxe.

Journal du Luxe (JDL) : Bonjour Lars. Quelles sont les spécificités des études de marché dans le secteur du Luxe ?

Lars Long (L.L) : Parlons d’abord des études de marché et de la recherche dans leur ensemble. Ce secteur a connu des évolutions majeures ces 15-20 dernières années. La digitalisation de nos sociétés et le développement des méthodes de collecte de données sur le Web, le Big data, ont littéralement transformé la façon dont les marques étudient les consommateurs.

Cependant, l’une des spécificités du Luxe est que le marché a évolué à un rythme beaucoup plus lent. De nombreux acteurs sont ancrés dans la tradition, les valeurs du patrimoine et font parfois preuve d’un certain conservatisme. Cet état d’esprit se retrouve dans la sphère des études de marché avec, très souvent, une tendance à trop compter sur les études opérées sur des bases clients internes ou à ne pas profiter de méthodologies quantitatives en-ligne et super progressives.

Par ailleurs, c’est un environnement dans lequel l’accès à des consommateurs ‘réellement’ influents et à fort pouvoir d’achat peut être un véritable challenge : une autre des spécificités de notre marché réside ainsi dans l’identification du bon répondant pour la bonne enquête. Dans le monde de la recherche médicale professionnelle, les chercheurs qui conduisent ces enquêtes doivent s’assurer qu’ils soumettent leurs questions à de réels médecins avant de développer de nouvelles techniques chirurgicales ou de nouveaux médicaments basés sur leurs réponses… Il en est de même pour le Luxe : lorsque nous menons une enquête sur des automobiles dont la valeur excède parfois 200.000 €, nous voulons nous assurer que nous parlons aux bonnes personnes. Mais comme vous pouvez l’imaginer, il est plus facile de savoir si un médecin possède une licence en cours de validité que de vérifier le patrimoine d’un individu !

Enfin, une autre caractéristique importante est le besoin grandissant pour nos clients, grandes marques de Luxe ou agences de recherche, de collecter des données à l’international.

JDL : Comment constitue-t-on un panel consommateurs Luxe efficace?

L.L : Cela prend du temps et nécessite beaucoup d’efforts pour construire un bon panel. Je travaille dans l’industrie depuis près de 20 ans et je peux vous dire qu’il y a de grandes différences entre les panels… J’ai créé LuxuryOpinions® en 2013 mais le concept m’est apparu il y a plus de dix ans : depuis le début de l’aventure, j’ai toujours su à quel point la précision était indispensable.

Tout d’abord, l’essence même du panel est importante. Chez LuxuryOpinions®, nous considérons les panélistes comme des membres d’une communauté privée de recherche. Notre panel est recruté exclusivement par invitation via un réseau de plus de 100 partenaires dans près de 15 pays. Notre forum attire des personnes fortunées désireuses d’exprimer leurs opinions sur des produits et des services de Luxe. Elles souhaitent participer à la création de l’avenir du secteur, en France comme à l’international. Il est essentiel de les garder engagées et nous avons établi un système dans lequel elles sont placées au centre, les membres sont pris en compte et respectés à chaque étape du processus, leur avis est valorisé et récompensé. Par exemple, ils gagnent des LuxPoints®, notre monnaie de récompense, qui peuvent être échangés contre des cartes cadeaux de Luxe, un service de conciergerie ou des donations à des associations. Ce programme a été créé à l’image des consommateurs de Luxe.

Mais la création d’avantages pertinents pour les membres n’est que le point de départ de notre communauté de recherche. Un panel qualifié nécessite des processus de recrutement, de validation et d’authentification irréprochables. Comme je le mentionnais précédemment, nous devons nous assurer que chaque membre est bien ce qu’il dit être et possède ce qu’il dit posséder. C’est une tâche très délicate, bien plus que pour ce que l’on appelle les panels de «population générale». Ces vérifications s’opèrent de manière automatisée mais très vite, le contrôle manuel prend le dessus. Nous débutons par une approche générique qui est ensuite affinée par une méthode spécifique pour chaque marché. Par exemple, vérifier la valeur d’un patrimoine ou le niveau d’imposition auquel un individu est assujetti  peut s’avérer être un exercice relativement simple aux États-Unis ou en Suède, où il est possible d’accéder à des infos relatives aux déclarations de revenus. Mais dans d’autres pays, comme la Chine, des étapes supplémentaires doivent être ajoutées et il est essentiel d’avoir les bonnes connexions. La France, quant à elle, se situe quelque part au milieu… Il faut donc parfois être créatif !

Nous sommes également fiers d’avoir mis au point des techniques telles que la validation d’images, le machine learning ou l’intelligence artificielle pour renforcer ces processus de validation et d’authentification. Et enfin, un bon panel est un panel qui reste actualisé régulièrement et protégé. Aucun écart n’est toléré en matière de confidentialité et de protection des données.

Au fil des ans, nous avons accueilli des dizaines de milliers de membres représentant un large éventail d’âges et de richesses. Ils représentent les 5 % voir les 1 % de la tranche de la population la plus riche aux États-Unis, Royaume-Uni, France, Suisse, Italie, Allemagne, Hong Kong, Singapour, Japon, Corée, Emirats Arabes Unis, Espagne, Canada et Brésil .

Ma vision ultime est de combiner les nouvelles technologies et le crowdpower pour fournir les meilleures informations possibles aux marques de Luxe et à leurs agences d’études de marché. Et ce, pour les aider à concevoir de nouveaux produits, à améliorer les concepts existants et à définir des stratégies de manière plus rapide et plus efficace. Voilà ce me motive !

JDL : Quels grands résultats et tendances de consommation dans le Luxe avez-vous observé pour 2018 ?

La majorité des recherches que nous effectuons est réalisée pour le compte de grandes marques ou de leurs agences et, pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons dévoiler ces résultats (sourire). Cependant, étant très curieux et toujours prêts à échanger avec nos membres, nous menons souvent des études exclusives que nous partageons avec le public pour faire avancer la connaissance et encourager les conversations sur ces sujets.

Ainsi, nous avons récemment voulu prendre du recul et réfléchir aux modes de vie des consommateurs fortunés et à la manière dont les industries auxquelles ils sont exposés (Hôtellerie de Luxe, Compagnies aériennes, Automobile, Fashion, Electronique haut de gamme et Gestion de Patrimoine) performent comparativement sur six attributs tels que le Service à clientèle, la Confiance, la Responsabilité éthique & sociale, l’Innovation, le Lien affectif et le Rapport qualité/prix.

La position forte du secteur de l’hôtellerie haut de gamme a été l’une des principales conclusions. Le secteur est classé très haut en termes de Service à la clientèle, Confiance, Responsabilité éthique & sociale et Rapport qualité/prix. La position de cette industrie est robuste dans les trois régions observées : Europe, Amérique du Nord et APAC. Ce qui est intéressant, à travers ces résultats, c’est de constater à quel point les acteurs peuvent apprendre les uns des autres en se basant sur les notations des consommateurs de Luxe. Ainsi, il semble que les produits de Luxe et la mode gagneraient à traiter leurs clients de la même manière que les hôtels 5 étoiles traitent les leurs…

Un autre fait révélateur est la faible proportion des notes sur la responsabilité éthique & sociale et ce, pour toutes les industries du Luxe. Un message clair sur le fait que le marché du Luxe pourrait faire plus, voire adopter une posture de leader sur ces questions.

Le rapport est disponible – en anglais – pour les lecteurs du Journal du Luxe à l’adresse suivante : https://www.altiant.fr/copy-of-luxury-industries-journal-du-luxe

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