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“On doit au produit de luxe une longue durée de vie. Il le mérite”, Thierry Oriez, J.M. Weston.

Publié le par Journal du Luxe

Comment J.M. Weston traverse t-elle la crise du Covid-19 ? Choix de l’excellence, rapport au temps, durabilité… Entretien avec Thierry Oriez, PDG de la maison de luxe, dans le cadre de la nouvelle édition du Salon du Luxe Paris, actuellement disponible online.

Salon du Luxe : Quelques mois après le début de la crise Coronavirus, quel premier bilan pouvez-vous tirer pour l’industrie du luxe dans le monde ?

Thierry Oriez : C’est difficile de poser un premier bilan sur une crise qui est à la fois très rude matériellement et qui a également un impact psychologique. Finalement, les leçons que nous pouvons tirer en ce moment en disent plus sur nos propres inquiétudes qu’elles ne peuvent éclairer le futur proche de notre industrie. 

Ce que tout le monde s’accorde à dire, c’est que le secteur connaîtra une baisse de l’ordre de -30% de son activité. Cette prévision me paraît assez fiable. À titre d’enseignement, je trouve que l’industrie dans son ensemble – en tout cas, c’est ce que nous avons vécu -, s’est très bien adaptée à quelque chose de complètement inimaginable : fermer les boutiques et les ateliers, sécuriser le personnel et les installations… Il y a eu une très belle réactivité du Luxe lors de cette crise. L’autre point-clé, c’est la capacité à s’organiser différemment à la sortie du déconfinement en proposant tout un échantillon de services, comme la prise de rendez-vous, pour permettre aux clients de se sentir rassurés dans nos maisons.

Le questionnement est du reste plus profond. Le luxe a toujours eu cette volonté de se réinventer pour séduire, pour surprendre un consommateur qui peut avoir, assez naturellement, une tendance à être blasé. Là, on parle d’une réinvention plus profonde, amorcée avant même la crise. Il y a une tendance assez forte à la remise en question, notamment pour la mode, pointée du doigt comme le deuxième secteur industriel le plus polluant et exposée à des crises précédentes comme celle du Rana Plaza. Aujourd’hui, cette remise en question est accélérée. Notre point de vue, qui est aussi celui d’Olivier Saillard, notre Directeur Artistique, Image et Culture, est qu’il faut sortir de ces rythmes frénétiques pour redonner des lettres de noblesse au temps long. C’est ce temps qui nous permet de faire des produits de belle qualité, de former nos artisans, d’obtenir de belles matières… Un produit de luxe demande du temps de création, de fabrication et nous souhaitons profondément que ce produit dispose d’une longue durée de vie car il le mérite. On lui doit ce respect.

SDL : Le client local du luxe aux Etats-Unis, en Europe semble marquer par une frugalité nouvelle, une culture de l’efficience… L’avez-vous constatée ?

T.O : On parle beaucoup de revenge buying aux Etats-Unis et, en même temps, on assiste à la montée en puissance de produits vintage avec le succès, avant même la crise, de The Real Real par exemple… En Europe, il existe clairement cette notion de frugalité, ce sentiment de saturation face à une consommation exacerbée. Cette tendance, à mon sens, va être renforcée à la sortie de la crise. Une quête de produits plus sereins, qui nous pousseront peut être à consommer moins. Il ne faut pas se leurrer, les revenus d’une partie de notre clientèle vont malgré tout baisser, la donne économique jouera également sur des actes d’achat plus réfléchis avec, en parallèle, le souhait de saisir les problématiques environnementales et de les servir au mieux. Nous sommes est très à l’aise avec cette logique du consommer moins, mieux, et surtout plus longtemps.

SDL : Weston est-il armé pour répondre à ses évolutions ?

T.O : Je le crois profondément. Ce qui constitue la colonne vertébrale de Weston, c’est le produit en lui-même, la qualité portée par un savoir-faire exceptionnel. C’est le Made in France, pour ne pas dire le Made in Limoges très ancré sur un territoire. Il y a dans nos gènes cette logique, comme nous l’évoquions, de frugalité, ce souhait d’utiliser au mieux des matières très qualitatives, de privilégier les circuits courts et la durabilité de nos produits. Nous croyons beaucoup à la réparabilité, au point d’avoir lancé notre offre vintage avant la crise. Nous concevons des produits qui vont très probablement répondre à un certain nombre de nouvelles tendances post-crise.

Découvrez la suite de l’interview de Thierry Oriez en vidéo sur la plateforme du Salon du Luxe Paris 2020.

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