Antoine Arnault LVMH futur de la communication dans le luxe

« Je continue à être plus ému par un affichage géant que par une publicité Instagram sur un mini écran » Antoine Arnault, LVMH.

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À l’occasion du webinar Journal du Luxe x CB News dédié au futur de la communication dans le secteur du luxe, Eric Briones, Directeur général du Journal du Luxe a rencontré Antoine Arnault, Image & Environnement du groupe LVMH. Extraits.

Eric Briones

Quel est le secret de LVMH pour créer cette alchimie entre l’héritage et le zeitgeist, l’air du temps ?

Antoine Arnault

Il existe chez LVMH une alliance entre le respect absolu de l’ADN des Maisons et une dose importante d’innovation et de créativité. L’un des éléments forts est le temps que nous laissons à nos Maisons. Nous sommes un Groupe familial qui, sans parler d’éternité, ne fonctionne pas avec un besoin de retour immédiat. Or, donner un coup d’accélérateur trop rapide à une marque revient à demander à un artiste d’écrire un tube : ce n’est pas comme cela que ça marche ! L’innovation s’inscrit dans la durée selon un processus itératif qui découle du talent de nos équipes. Le créateur crée, là où le manager met en musique. Il y a les solistes et les chefs d’orchestre. Les bonnes créations, les bonnes équipes, les bons emplacements et les bonnes campagnes de communication sont autant de composantes d’un mix parfait qui, une fois obtenu, peut être activé facilement par le Groupe.

Eric Briones

La Cancel Culture est partout. Peut-on encore prendre des risques en communication, comme par exemple avec la campagne “Not your Mother’s Tiffany” ?

Antoine Arnault

Cette campagne Tiffany & Co est une bonne illustration d’une prise de risque réussie. Si elle a pu créer un peu de mécontentement de la part de certains clients, elle a aussi eu un impact positif indéniable pour la marque. Il faut préciser qu’il s’agissait d’une micro-campagne diffusée dans le cadre d’une opération beaucoup plus vaste, menée avec Beyoncé et Jay-Z. Nous vivons dans une période où il faut être vigilants. En 2007, pour Louis Vuitton, nous avions fait poser Mikhaïl Gorbatchev devant le mur de Berlin ; je ne suis pas sûr que nous serions aujourd’hui capables de lancer une telle campagne. Tout est un peu plus consensuel. Nous évoluons sur une ligne de crête en essayant de proposer des choses belles, audacieuses, parfois un peu risquées. Le risque fait partie des métiers de la communication ! Je pense aussi que c’est le rôle des agences que de pousser un peu plus leurs clients dans leurs retranchements.

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©Tiffany & Co

Eric Briones

Émiettement des audiences, multiplication des canaux et des communautés… Comment communiquer dans un univers média qui n’a jamais été aussi archipelisé ?

Antoine Arnault

Le rôle de LVMH est d’informer chaque Maison de l’existence de ces nouvelles plateformes même si, bien souvent, elles ne nous attendent pas pour les identifier. Ce sont elles qui décident de les activer ou non en fonction de leurs stratégies.  Les réseaux sociaux sont devenus essentiels dans la mesure où nos clients s’y trouvent, en particulier nos nouveaux clients. En 2009, nous avons été à l’initiative du premier défilé en live sur Facebook, avec Louis Vuitton. À l’époque, on nous prenait pour des fous ! Aujourd’hui, il n’y a plus un seul défilé qui ne soit pas diffusé en direct. Nous continuerons à embrasser le développement de ces réseaux, à proposer des contenus sur TikTok, Instagram et toute autre plateforme qui présentera de l’intérêt pour nos communautés. Cependant, notre essence-même reste le magasin, la vitrine, l’outdoor, les médias traditionnels ou encore l’événementiel à travers les grandes expositions que nous organisons. Nous continuons à croire très fermement en ces supports en dehors de la sphère digitale. 

Eric Briones

L’annonce en double page a donc encore de l’avenir ? 

Antoine Arnault

Je le crois. Nous avons toujours soutenu les groupes médias, à la seule exception du tout début de la crise du Covid où nous ne savions pas combien de temps nous allions rester confinés. Pour reprendre l’image d’une dépressurisation aérienne, il nous a fallu mettre notre propre masque à oxygène avant d’aider nos voisins. Cela n’a pas vraiment de sens de lancer des campagnes d’affichage quand 80% de vos boutiques sont fermées à travers le monde... Nous avons repris ces investissements aussi vite que possible lorsque la situation s’est débloquée. Les groupes de presse sont aujourd’hui confrontés à de nombreux défis mais nous sommes là, il suffit d’ouvrir n’importe quel magazine spécialisé dans le luxe ou la mode pour le constater. Dans le futur, je suis convaincu que le digital jouera un rôle prépondérant mais, même si ces canaux sont très efficaces, je continue à être personnellement plus ému par un affichage géant que par une publicité Instagram de quelques secondes sur un mini écran.

Eric Briones

La notion d’équilibre semble être quelque chose de fondamental pour vous…

Antoine Arnault

La performance du Groupe tient probablement au fait d’être un peu partout. Nous avons étendu la géographie de nos activités avec méthode et, d’une certaine façon, nous faisons un peu la même chose en matière de communication en déployant nos budgets et notre territoire d’expression sur de nombreux médias. Nous ne sommes pas partout pour autant mais nous essayons d’être là où cela compte.

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Antoine Arnault LVMH futur de la communication dans le luxe
©LVMH

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