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« Les phénomènes de rareté entretenus par les marques de luxe servent au marché de la seconde main » Cyrille Coiffet, Catawiki

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Catawiki, plateforme de vente aux enchères de seconde main, et Hypebeast ont dévoilé le rapport "L'art de la collection au 21ème siècle" qui dresse un état des lieux du marché français et révèle les tendances à venir. Les deux entités ont fait appel à 1.000 collectionneurs de la marketplace pour établir cette étude sur les objets de collection en 2024 et dans le futur.

Comment le luxe se positionne-t-il au sein du marché ? En quoi la GenZ se distingue-t-elle ? Quelles sont les catégories d’articles les plus prometteuses ? Réponse avec Cyrille Coiffet, Directeur Général et Vice-Président Arts et Antiquités de Catawiki.

Journal du Luxe

Votre nouvelle étude indique que le marché de la collection en France pèse 44,7 milliards d’euros chaque année : quelle est la part des objets de luxe et quelles sont les pièces les plus en vogue actuellement ?

Cyrille Coiffet

Le marché est considérable car 47% de la population, soit 32 millions de français, sont des collectionneurs. Sur les 44,7 milliards d’euros engendrés par le secteur de la collection, environ la moitié est liée au luxe. Notre plateforme met en vente 75 000 objets par semaine et plus de 50% des transactions sont relatives à ce segment. Et la dynamique ne va pas s’essouffler puisque l’on prédit que les dépenses corrélées à la collection vont augmenter de 22% dans les trois à cinq années à venir.

Si les activités haut de gamme fonctionnent autant, c’est parce que les phénomènes de rareté entretenus par les marques de luxe servent au marché de la seconde main. Il y a une véritable symbiose entre les deux secteurs, avec des éditions limitées très recherchées. Les gens veulent de la qualité, mais aussi de l’exclusivité.

En termes de pièces tendances, on peut citer les chaussures Tabi de Margiela, devenues une référence sur le segment des souliers ce qui confère un côté rassurant lors de l’achat. La première voiture électrique Tesla est aujourd’hui un objet de collection, au même titre que Jaguar ou Porsche. Le Small Puzzle Bag de Loewe, les Big Red Boot de MSCHF, le Re-Nylon Bag de Prada ou encore le Waterloo Heritage Trench Coat de Burberry sont autant d’objets iconiques. Bien sûr, les grands noms comme Chanel, Dior et Hermès sont toujours très prisés. Ce que l’on remarque, c’est qu’il n’y a pas de concurrence entre ces maisons emblématiques et des marques plus niches, les deux catégories sont complémentaires.

Prada ©Catawiki

Journal du Luxe

Que recherche la clientèle du luxe ? Quelles sont ses aspirations ? 

Cyrille Coiffet

Ce qui distingue la clientèle du luxe, c’est son absence d’appréhension envers la seconde main. Notamment pour des motifs environnementaux. Ces consommateurs partent du principe que ces achats écoresponsables et conscients sont mieux pour la planète.

C’est aussi un moyen pour les acheteurs de s’approprier l’histoire d’une marque. Les clients veulent acheter des objets qui ont un passé et qui sont le reflet d’un patrimoine. La notion de budget est aussi importante, même pour une clientèle plus fortunée. Il y a une réflexion profonde sur le prix des pièces, et ils en veulent, à raison, pour leur argent.

Journal du Luxe

La GenZ est tout particulièrement présente sur le marché : pourquoi et quelles sont ses spécificités ?

Cyrille Coiffet

La GenZ est une génération intéressante car elle est désinhibée sur le marché de la revente. Les anciennes générations n’auraient pas été aussi à l’aise avec l’occasion mais il y a un revirement dans les comportements d’achat chez les jeunes. Aujourd’hui, ils utilisent quasiment tous une plateforme de seconde main, certes pour des raisons écologiques et de budgets mais tout simplement car c’est devenu la norme. Sans parler que les trois quarts des jeunes préfèrent les achats en ligne.

L’horlogerie est vraiment un point d’entrée pour eux. Les montres plaisent énormément à cette génération qui ne commence pas forcément par une Rolex mais plutôt par des maisons comme Seiko. Ils sont aussi attirés par de plus petites marques et ils vont prendre le temps de restaurer les objets dans l’optique de les revendre et d’en tirer un bénéfice. Le re-selling est une grande tendance chez les jeunes. 25% d'entre eux revendent activement leurs objets de collection, ce qui est bien au-dessus de la moyenne de 16%.

Ce qui est aussi intéressant, et qui différencie la GenZ des autres générations, c’est qu’elle est ultra informée. Quand elle se passionne pour quelque chose, elle devient aussi éclairée que les spécialistes. Les jeunes ont une facilité à accumuler des connaissances et à devenir des experts, ce qui leur permet de prendre véritablement part au marché de la collection.

Tiffany & Co ©Catawiki

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Quelles sont et seront les grandes tendances du marché de la collection ?  

Cyrille Coiffet

La grande tendance du marché de la collection est la nostalgie. D’après notre étude, trois quarts des français s’appuient sur leurs souvenirs d’enfance pour acquérir des biens. 7 français sur 10 croient que les objets des décennies passées feront un retour en force. 31% de la GenZ cite d’ailleurs la nostalgie comme principal facteur de leur achat.

Concernant les catégories considérées comme prometteuses, 31% des français devraient se tourner vers les pièces et les billets, 29% vers les bijoux, 27% vers les voitures classiques, et 21% vers les timbres. Si ces secteurs sont plutôt traditionnels, d’autres domaines connaissent un essor remarquable, comme les cartes Pokémon, les BD, les mangas, les premiers modèles d’Ipod et les consoles de jeux vintage, toujours dans cet esprit de nostalgie qui parle à plusieurs générations. Les objets liés au sport, la mode du quiet luxury et les œuvres d'art en grand format suscitent aussi un vif enthousiasme et sont à surveiller. 

Notre étude montre aussi que les collectionneurs ne veulent plus acquérir en masse mais souhaitent plutôt disposer d’une collection plus raffinée, avec un fort accent sur la beauté et l’esthétique des objets. 84% des collectionneurs français achètent des objets pour les conserver. Acheter pour revendre n’est plus forcément envisagé.

Le dynamisme des bijoux précieux va aussi se poursuivre. Un tiers des français estime que les pièces de joaillerie vont devenir des objets de collection notamment grâce au patrimoine qu’elles représentent.

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