Eric Garcia CSA

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« Les jeunes générations déclarent attendre encore davantage de la part des marques de luxe en matière de produits non-genrés » Éric Garcia, CSA.

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À l'occasion de la sortie de l'étude sur la perception de la notion de genre en France, décryptage avec Éric Garcia, Directeur du pôle Luxe & Beauté de l'institut CSA.

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Comment se porte la question du genre en 2021 en France ?

Éric Garcia

Gender fluid, transgenre ou cisgenre, la notion de genre se teinte de nombreuses nuances ces dernières années. Notre dernière étude sur le sujet montre d’ailleurs que 51% des français ne se reconnaissent pas ou plus dans l’idée qu’une personne puisse être "soit un homme, soit une femme et rien entre les deux", encore moins pour les 15-24 ans, 57%, ou les femmes, 58%. Par ailleurs, nous nous dirigeons vers une éducation des enfants moins genrée. Seul un français sur deux considère désormais qu’il est important d’éduquer un garçon comme un "vrai petit garçon" ou une fille comme une "vraie petite fille".

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L'étude montre que le genre a pour dernier solide bastion l'intime. Mais plus on s'en éloigne, moins la valeur semble pertinente, non ? 

Éric Garcia

C’est exact, le genre reste essentiel en amour pour 82% des interrogés, contre 41% dans le cadre professionnel, mais il perd de son importance au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’intime. Ainsi, seulement 24% des français connaissent une personne non-binaire, dont 9% dans leur entourage proche. Et ce sont surtout les GenZ ou les Millenials, globalement les 15-40 ans, qui déclarent connaitre une personne non-binaire, proportion qui chute à moins de 15% chez les seniors de 60 ans et plus. Enfin, et surtout, lorsqu’on parle de soi, seuls 2% des français se définissent comme non-binaires, c’est-à-dire ni totalement homme, ni totalement femme. Là encore, la proportion est davantage marquée auprès des GenZ de 15-24 ans où 5% se reconnaissent sous ce terme.

En corollaire, dans leur vie privée, les français interrogés semblent encore souffrir de nombreux clichés très normés : la beauté, la désirabilité et la discrétion pèsent particulièrement sur les femmes alors que les vieux diktats d’ambition, de virilité, de ne pas pleurer, d'être sexuellement performant, n’épargnent toujours pas les hommes.

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"La non-binarité" est partout dans les médias, pourtant, elle concerne une partie infinitésimale de la population française, mais auprès de la jeunesse. Comment expliquer un tel décalage ? 

Éric Garcia

De fait, cette non-binarité dans les médias est encore très peu perçue des français. Au contraire, interrogés sur les images véhiculées par les médias, ils confirment la prédominance des représentations encore très stéréotypées : de jeunes femmes, 88%, et sexy, 84%, et des hommes musclés, 68%, bien loin devant les représentations d’hommes s’occupant des enfants, 44%, ou des tâches ménagères, 35%.

Qui plus est, on constate des perceptions contrastées selon les médias. Les personnes interrogées estiment qu’internet, média concernant plus particulièrement la jeunesse, ne contribue pas assez à l’amélioration de l’image des femmes alors que la télévision et le cinéma sont les médias dans lesquels leurs images ont évolué le plus positivement.

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Le "non genré" est-il une opportunité business pour les marques ?

Éric Garcia

Globalement, les français trouvent intéressante l’idée de produits non genrés dans de nombreux secteurs, certains plus évidents comme les téléphones, les voitures, les jouets, l’horlogerie ou les vêtements de sport, mais également, dans des proportions moindres, les cosmétiques, les vêtements de mode, les chaussures ou encore les parfums. On notera en outre que les adolescents, notamment pour l’horlogerie, les chaussures ou les sacs, ou encore les femmes, semblent bien plus ouvert.e.s à des offres non genrées.   

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Plus surprenant, le luxe et la mode font partie des univers les moins attendus pour leurs offres non genrées. Y-a-t’il des différences générationnelles ?

Éric Garcia

Effectivement, alors que les marques de luxe ou même les marques de beauté prestige sont précurseurs sur la thématique, celles-ci semblent moins attendues par l’ensemble des français interrogés, autour de 45-50%, soit 10 points derrière des marques de jouets, de sport, de tech ou d'automobile. A contrario, on constate que la clientèle du luxe adopte une posture nettement plus engagée sur le sujet avec, notamment, les trois-quarts des client.e.s de Louis Vuitton, Gucci ou Paco Rabanne qui attendent que ces marques leur proposent des produits gender-fluid. Les jeunes générations, les moins de 35 ans, déclarent attendre encore davantage de la part des marques de luxe en matière de produits non-genrés, avec plus de 15-20 points. 

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En 2021, les marques luxe, mode et beauté ont-elles encore un sexe ?

Éric Garcia

Dans une société française en évolution sur le sujet du genre, la clientèle du luxe, de la mode ou de la beauté nous semble aux avant-postes de ce mouvement plus gender-fluid, poussant leurs marques à devenir précurseurs d’une nouvelle norme, à l’avant-garde d’un nouveau courant, attendues sur une nouvelle proposition de valeurs sociales et sociétales à explorer ensemble. Ces marques leurs ont montré la voie et, aujourd’hui, le temps est venu de donner le change à un consommateur étant de plus en plus contributeur. Demain sera d’un nouveau genre, le luxe et la beauté en seront l’alpha et l’oméga !

Eric Garcia CSA

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