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Quelles tendances Social Media pour 2021 ? Entretien avec Marie Dollé, In Bed With Tech.

Publié le par Journal du Luxe

Digital wellness, néo-expressionnisme, outils audio pour combattre la Zoom-fatigue, montée en puissance de la Passion Economy … À l’occasion de la sortie de son rapport « Tendances Social Media 2021 : le Mutatis Mutandis des marques », Marie Dollé, fondatrice de la newsletter In Bed With Tech, revient sur les phénomènes et les apps qui pourraient bien tirer leur épingle du jeu dans les mois à venir.

Journal du Luxe : S’il y avait un fil rouge à suivre en matière de tendances social media pour 2021, quel serait-il ? 

Marie Dollé : Le titre de ce rapport est assez évocateur puisque l’expression latine Mutatis Mutandis signifie schématiquement « ce qui devait être changé ayant été changé » … Tout va vite, très vite et la mutation des usages s’opère encore plus rapidement en période pandémique. Les repères ont été complètement chamboulés. Près de 40% des français ont découvert la vidéo conférence en 2020 avec le premier confinement ! Si cette prise en main subite et forcée s’est avérée complexe pour certains, soyez sûrs qu’à cette phase turbulente de découverte succédera une période d’appropriation plus tactique, favorisée par un marché en effervescence. Parmi les grandes tendances à venir, le néo-expressionnisme et la digital wellness devraient par exemple se frayer une place de choix au sein des stratégies de brand content et des business models alors que nous entrons de plein pied dans une économie de l’anxiété. De même, certains réseaux sociaux devraient poursuivre leurs convergences, à l’image des stories qui se sont complètement démocratisées en dehors de Snapchat, alors que devraient émerger des plateformes plus ciblées, notamment sur le secteur du recrutement pour s’adapter à des carrières de moins en moins linéaires.

Journal du Luxe : Quel est selon vous le principal impact de la crise du Covid-19 en matière de digital retail ?

Marie Dollé : Le digital est devenu un impératif pour tous. Evidemment, les besoins ne sont pas les mêmes pour un commerce de proximité, pour le point de vente physique d’une PME digitalisée ou pour le flagship phygitalisé d’un grand groupe rodé aux pratiques numériques, aux puces RFID, aux balises beacon, aux étiquettes connectées et j’en passe. La bonne nouvelle c’est que quel que soit le cas de figure, il existe des solutions. L’offre se diversifie et tant mieux. Mais attention à bien saisir le véritable enjeu. Alors que l’on voit émerger de nombreuses boutiques virtuelles, notamment dans le Luxe, je m’interroge : est-ce vraiment ce dont nous avons besoin ? Concrètement, avec ce concept, la plupart des marques misent sur le mimétisme avec le monde réel… mais sans la plus-value du réel, ni l’apport expérientiel du digital. Par exemple, le magasin virtuel Dolce & Gabbana comporte un seul appel à l’action, “Booker un RDV en magasin”. Assez déceptif, non ?

Le véritable défi des retailers est d’infuser la vie dans le commerce en ligne. Aujourd’hui, alors qu’elle devrait être au centre du process, la place du vendeur est reléguée au second plan, et c’est bien dommage. Réaffectez la force de vente en ligne, divertissez le client ! Des applications comme SurflyAcquire ou 1click permettent par exemple de discuter avec des vendeurs sur une plateforme e-commerce, de profiter d’un chat vidéo live, voire de co-browser un site. Hero permet même de suivre en temps réel le parcours des consommateurs sur un site et les produits consultés afin de mieux accompagner l’achat. Le live-stream est également un vecteur de vie. Etonnamment, tout le monde en parle mais, dans les faits, assez peu s’y mettent en occident alors que des outils tels que PopshopLive, Bambuser, ou LiveScale, pour ne citer qu’eux, vont dans ce sens.

Il existe d’autres solutions intéressantes, comme les chats C2C : des outils tels que Howtank ou TokyWoky offrent des chats à intégrer sur un site e-commerce et permettent de poser des questions à d’autres personnes qui naviguent en même temps que soi. D’autres acteurs ambitionnent même de reproduire online le principe d’une virée shopping IRL entre proches, comme Squadded et Envite.

Sans chercher bien loin, une newsletter simple mais bien pensée, un Instagram ou un Facebook Live, un appel Whatsapp avec une visite de la boutique, un lien et un code de réduction peuvent amplement suffire. L’outil digital n’est qu’un moyen : c’est l’envie du vendeur de partager ses conseils et d’accompagner ses clients qui fait la différence.

Journal du Luxe : L’un des axes-forts de votre rapport est celui de la montée en puissance des Digital Goods. Peut-on parler d’une économie parallèle, ou tout du moins complémentaire, pour les marques ?

Marie Dollé : Absolument, mais c’est aussi et surtout un moyen astucieux de s’infiltrer dans les usages et les discussions des consommateurs alors que le social entame sa mue et s’atomise complètement. Aujourd’hui tout devient « social by design » : un Slack, un Google Doc, les messageries privées de Whatsapp ou d’Instagram, les plateformes de gaming… C’est dans ces sphères dark social, difficiles d’accès pour les marques, qu’ont lieu les discussions. J’aime les comparer à des feux de camps numériques, où l’on échange à l’abri des regards.

Pour atteindre ces espaces communautairement forts, il n’y a pas 36.000 solutions : il convient de mettre en place des stratégies d’influence à 360° qui n’omettent aucun touchpoint. Et cela passe notamment par la mise à disposition de goodies digitaux. Valentino et Marc Jacobs ont lancé des collections virtuelles au sein du jeu Animal Crossing, L’Oréal a imaginé des filtres beauté pour des conférences sur Zoom… Il convient d’adopter une approche stratégique en disposant d’une vision grand angle de ces biens intangibles et de toutes les possibilités qu’ils offrent : stickers pour les messageries, skins pour les jeux, backgrounds pour outils de video conferencing, avatars, mèmes, gifs etc. Les marques ont ensuite tout intérêt à les regrouper dans un hub dédié : de la même manière qu’elles disposent de salles de presse dédiées, elles ont tout à gagner à mettre en place des salles virtuelles pour leurs goodies digitaux. Sur ces éléments se base ensuite toute la construction d’expériences phygitales.

Journal du Luxe : Votre Top 3 des apps à suivre de près en 2021 ?

Marie Dollé : Alors que les podcasts continuent à fleurir au sein des marques et des maisons de luxe, Yac me semble tout à fait incarner la montée en puissance de l’audio. Outil anti Zoom-fatigue par excellence, cette app propose un chat vocal asynchrone limité à 120 secondes, favorisant ainsi les interactions rapides et précises. Initialement développé pour faciliter les échanges professionnels entre collaborateurs, il se décline désormais dans une version consumer, BrB.

Vsco, pour sa part, me paraît être assez représentatif des apps de néo-expressionnisme qui se développent à vitesse grand V. Dans les années 30, la Grande Dépression a encouragé la libération des ressentis et des angoisses émotionnelles par l’art. Difficile de ne pas faire un parallèle avec la période que nous traversons, alors qu’éclosent ça et là des applications digitales basées sur la créativité.

En troisième ex-aequo, impossible de ne pas mentionner TikTok. Ce réseau entraine dans son sillage toute une nouvelle génération d’apps qui s’affranchissent des statistiques et du statut de l’influenceur : qu’il émane d’un créateur en vogue ou d’un(e) illustre inconnu(e), chaque clip a une chance de devenir un hit. Une ode à la méritocratie et à la diversité ! Mention spéciale, également, pour Yubo, une application française de social live pour jeunes qui cartonne aux USA et au Royaume-Uni. Preuve que les applications françaises ont beaucoup à offrir dans un écosystème jusqu’à présent dominé par des acteurs américains et chinois.

Le rapport « Tendances Social Media 2021 : le Mutatis Mutandis des marques » est disponible ici.

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