Chronique
Alessandro Michele est-il plus grand que Valentino ?
Publié le par Eric Briones
"Valentino morphed into Gucci." Hier, notre amie Susanna Nicoletti a été rapide pour dégainer cette punchline dont elle a le secret, à la publication surprise d'un book de 171 modèles par Alessandro Michele, présentant sa vision de la vénérable maison Valentino, subtilement intitulée "Avant les débuts".
J'irai même un peu plus loin en disant "Valentino morphed into Michele." Mais au-delà, je me pose une question qui va faire grincer les dents des ecclésiastiques des évangiles du créateur, des inquisiteurs du respect strict des plateformes de marque : les grands DA ne sont-ils pas plus grands que les Maisons pour lesquelles ils travaillent ?
Je parle d'une catégorie rare de DA, ceux qui portent en eux un univers singulier, immédiatement reconnaissable, et qui savent le mettre scrupuleusement en musique sur chacun des touchpoints, du défilé aux réseaux sociaux en passant par la boutique. Ils détiennent une vision du monde, ils éclairent sur le futur qui arrive.
Cette catégorie rare de DA possède une force anarchique, ils fixent leurs propres règles, opportunistes, ils pratiquent un droit d'inventaire sur les archives de la maison pour laquelle ils travaillent. À cet égard, ils sont des révisionnistes de l'histoire du créateur originel. Ces DA sont Hedi Slimane, Karl Lagerfeld, Tom Ford, et Alessandro Michele.
Le DA philosophe Michele a effectué un tour de force juste avant le défilé Gucci.... Il a créé son moment culturel comme tout grand DA. Il a pratiqué un subtil droit d'inventaire en effaçant totalement le travail de Pierpaolo Piccioli et en célébrant les éléments autobiographiques de Valentino Garavani.
"Les années 70 et 80, un moment extraordinaire à étudier. Ce sont les années hippie chic, et c'est ainsi qu'il s'habillait, une ceinture sur le polo, explorant son côté féminin." Et surtout, il a légitimé sa marque de fabrique "maximaliste" au prisme de l'ADN Garavani.
Hier, Valentino ne s'est pas transformé en Michele, il a muté en Valentino 4.0 avec un Michele enrichi d'un outil de production couture exceptionnel, qu'il n'avait pas chez Gucci : "célébrer les artisans et les couturières. Je peux demander des choses impossibles tout le temps. J'ai l'impression d'être assis sur une mine d'or."
Mon intuition : Alessandro n'est pas plus grand que Valentino, mais il va le rendre plus grand !