Valentino

Chronique

Alessandro Michele (Valentino) : le retour triomphal du Couturier Philosophe

Publié le par

En 1968, Yves Saint Laurent, lors d'une interview, classait les couturiers en trois catégories : les "Grands" (Chanel, Balenciaga), les "Couturières" (ceux qui exercent leur métier avec honnêteté, mais de manière ennuyeuse et bourgeoise) et les "Couturasses" (qui misent tout sur l'esbroufe et le show-off).

En 2024, ces trois catégories sont toujours d'actualité. Le "Club des Grands" s'est agrandi (Slimane, Prada...), tout comme celui des "Couturières" (Sabato De Sarno chez Gucci en est, selon moi, l'incarnation parfaite). Quant au nombre de "Couturasses", il a littéralement explosé.

Cependant, de nouvelles catégories de créateurs ont émergé, dont une, très rare, que j'appelle "Le Couturier Philosophe". Ils ne sont que deux : Jonathan Anderson et Alessandro Michele, qui vient de signer un retour stupéfiant chez Valentino. Un "Couturier Philosophe" est un penseur qui interroge le sens de l'existence, les valeurs humaines et la nature du monde. Il élabore des concepts pour mieux comprendre la réalité et inspire des réflexions profondes sur la vie et la société à travers sa mode.

Ces créateurs échappent complètement aux analyses des nombreux commentateurs médiocres du secteur. Prenons Michele, par exemple : il est facile de les identifier quand ils qualifient son défilé de dimanche dernier de "Guccitino", preuve que son discours leur échappe totalement.

Pendant sa retraite de la mode, Michele a coécrit un livre de philosophie, "La vie des formes". On l'accuse à tort de faire du Gucci chez Valentino, alors que c'est l'inverse : il faisait du Valentino chez Gucci, tant il est obsédé depuis son plus jeune âge par Garavani.

Sa philosophie est érudite et sensible, source de toutes les résiliences : "La beauté peut se constituer comme un remède contre l'angoisse née de l'obsolescence et de l'indétermination de notre destin. Elle offre un point d’ancrage pour naviguer dans ce "pavillon des folies" que nous appelons la vie. Loin d’être fugace et inconsistante, la beauté est capable de réconforter et d’accueillir la vie dans une étreinte qui conserve la chaleur des corps. Elle a une fonction réparatrice : elle berce la fragilité et panse le désordre du réel."

C’est Jacopo Venturini, PDG de Valentino, qui exprime le mieux la feuille de route de Michele : "le besoin urgent de revenir à la création de désirs et d'émotions".

Un dernier point : le succès des Couturiers Philosophes échappe au logiciel du marketing du luxe. Ils sont même à l'opposé, et cela fait du bien en cette période où l'audace est en veilleuse, crise oblige.



Valentino

Chronique

Mode