Chronique
Fendi : sans couture.
Publié le par Laurana Dugas
Le Maître sellier coud à la main chaque pièce de maroquinerie en maîtrisant l’art du point sellier.
Fendi assemble chacune de ses expériences marque en maîtrisant l’art du fil rouge. Elle fait venir dans son pop-up store à Shibuya-ku ses maîtres-artisans de la Fendi Factory, dans les collines toscanes. Et c’est sans perdre le fil de son récit en chemin de Rome à Tokyo qu’elle l’écrit. Un récit qui voyage de canaux en canaux…
À Shibuya-ku se trouve le Fendi Selleria pop-up store. Selleria comme la surpiqûre Selleria, technique de couture à la main qui fut enseignée à Monsieur et Madame Fendi par les maîtres selliers de Rome. Une technique emblématique de leur première collection de sacs. Aujourd’hui encore, les artisans de la Fendi Factory se transmettent l’art de la surpiqûre Selleria pour coudre à la main le mythique cuir Cuoio Romano.
De 1925 à 2024, de l’Italie au Japon, la surpiqûre Selleria traverse le temps et les frontières. Mais cette année ce sont de nouvelles lignes que Fendi souhaite effacer.
Cette surpiqûre, qui donne son nom au pop-up, nous est enseignée par les artisans qui ont fait le déplacement. Ils nous invitent à participer à des ateliers interactifs autour du sac iconique de la Maison : le Peekaboo. Le pop-up est également dédié à une autre icône : le Fendi Baguette. Ces deux sacs incarnent à eux-seul "l’artisanat du cuir d’excellence de la Maison".
Le Peekaboo présent dans l’espace en formats géants, semble se découdre en de gigantesques lanières de cuir qui se déploient, ondulant à travers l’espace. Mais il ne faut pas croire que ces chemins de cuir s’arrêtent aux seuls murs du pop-up. Autour de cet espace éphémère, Fendi développe toute une campagne de communication parfaitement filée. Dès lors que l’on prête attention à ses activations sur ses réseaux sociaux et son site internet, chacun des détails se relient pour créer un storytelling qui se lit à la fois physiquement au sein de l’espace, et numériquement sur ses canaux digitaux. Et c’est ce fil rouge en cuir Cuoi Romano qui conçoit un storytelling puissamment conceptualisé.
Les reels postés par Fendi sur Instagram tissent des liens avec le pop-up avec une subtilité saisissante. L’un d’eux nous conte la fabrication du sac Peekaboo : "It takes around 1300 stitches…" ("Il faut environ 1300 points…"), "…In a movement as if you were creating a wave." ("…Avec un mouvement qui reproduit celui d’une vague."). Un récit qui se matérialise dans le pop-up à travers ces lanières de cuirs qui semblent ne pas avoir de fin, comme 1300 points de couture qui semblent s’étendre à l’infini. Des lanières qui ondulent, comme des vagues…
Mais cette campagne Fendi Selleria ne se contente pas de lier ses contenus sur les réseaux sociaux à son pop-up store. Les contenus eux-même se font écho si finement qu’il faut bien plus qu’un subreptice pour le remarquer, comme lorsque l’on cherche à déceler des coutures invisibles…
Dans un autre reel nous suivons Ren Meguro, le nouvel ambassadeur Tokyote, qui visite les ateliers de la Fendi Factory. Portez une attention particulière à la chemise qu’il porte : elle exhibe son propre patronage. C’est un fil fin qui relie ce reel à celui évoqué précédemment. Regardez à nouveau ce dernier et c’est ainsi que vous remarquerez cette première image de 1 seconde 63. Sur le cuir du Peekaboo, vedette de la campagne, transparaît aussi son propre patronage. Fendi a pour volonté d’exhiber les ficelles de son processus de création, c’est le message qu’elle file avec autant de maîtrise qu’elle est Maître en maroquinerie.
Si l’on continue à suivre le fil, il nous mène à la dernière campagne de la marque avec Kate et Lila Grace Moss qui portent le sac Peekaboo, campagne que l’on peut découvrir dès notre arrivée sur le site internet de la Maison. Mais ce n’est pas n’importe quel sac : il est signé Silvia Venturini Fendi qui a disposé du fameux point sellier pour le concevoir, savoir-faire que sa grand-mère lui avait transmis. Le storytelling se poursuit donc avec un autre chapitre qui ne traite plus de la conception du sac mais de ce qu’il incarne. La mère et la fille Moss personnifient le lien intergénérationnel que tisse le Peekaboo.
C’est un autre reel qui pique le dernier point et ce n’est pas anodin si l’image choisie pour sa couverture est celle qui assemble tous les morceaux : Fendi et Rome sont "cousus ensemble". Pas de Pikaboo ou de Fendi Baguette sans les maîtres selliers, ceux qui ont transmis l’art du point Selleria aux Fendi, et ceux qui continuent aujourd’hui d’en tirer le fil. Ceux là même qui ont fait le déplacement depuis la Fendi Factory à Rome et que l’on voit à l’œuvre dans les reels.
La grande Maison Fendi est un exemple à suivre en conception de campagnes et en storytelling. Chaque canal de communication est relié à l’autre par un fil rouge, usant d’une grande maîtrise des points invisibles pour créer une campagne qui n’a rien de chamarré mais tout du sans couture.