Chronique
L'IA ne rend pas forcément plus Smart (Lancel)
Publié le par Eric Briones
Je suis un utilisateur quotidien de la Gen IA dans mon travail de planneur stratégique, mais aussi en tant que pédagogue à la Paris School of Luxury. Mon motto est simple : "si tu ne veux pas être remplacé mais augmenté par l'IA, collabore avec elle".
Cependant, il existe un domaine où la Gen IA peut s'avérer toxique : les campagnes de communication, en particulier dans le secteur de la mode et du luxe. En 2024, ces campagnes présentent les mêmes défauts : elles se ressemblent toutes, annihilent toute singularité de marque et maintiennent une inquiétante banalité.
Lancel vient de lancer une campagne 100% Gen IA pour leur collection voyage, en collaboration avec Pencil. Promettant un voyage onirique entre Paris et le Mont Fuji, elle met en scène un porteur de bagages à bicyclette version Belle Époque.
Contrairement à d'autres maisons, Lancel assume fièrement cette campagne par la voix de son PDG Marco Palmieri : "Chez Lancel, nous embrassons l'avenir avec audace et innovation. Notre nouvelle campagne voyage, générée entièrement par l'intelligence artificielle générative, incarne notre engagement à repousser les limites de la créativité et à explorer de nouveaux horizons".
La Gen IA est une guitare électrique, un outil puissant qu'il faut savoir dompter. Ces premières générations de campagnes 100% Gen IA sont dominées par l'outil, manquant de personnalité propre et constituant un patchwork de codes provenant d'influences tierces. Elles sont destructrices en matière de singularité et dévastatrices pour des marques au storytelling mollasson.
Lancel, comme la majorité des marques de luxe accessible, souffre face aux mastodontes de désirabilité que sont Chanel, Vuitton ou Cartier. L'un des secrets de ces maisons est la résilience créative ou l'art d'être propriétaire d'un territoire créatif, fruit d'un long travail de cohérence.
En analysant cette campagne Voyage, on pense immédiatement à Vuitton (pour le territoire du voyage) et à Cartier (pour le porteur parisien en rouge), plutôt qu'à Lancel. Pire, le produit Lancel n'est pas mis en valeur.
La Gen IA, mal maîtrisée, est un "voleur non pas de couleurs (comme à l'époque de Kodak), mais un voleur de singularité de marque".
L'IA n'est pas forcément synonyme de Smart. C'est le sujet de notre Journal du Luxe Intelligence de ce mercredi, avec nos prestigieux invités Pauline Laigneau, Franck Le Moal, Eneric Lopez, Fabien Le Roux, Patrick Calmels, Clara Arnoulx de Pirey, et notre partenaire Accenture, Samah Habib.
Il y a des trésors de singularité chez Lancel, à commencer par le Daligramme imaginé par Dali. Il suffit de bien chercher !