Chronique
Irina Lazareanu : muse Chanel et rock’n’roll star
Publié le par Anaïs Duquesne
Paris vibre au rythme dément de la Fashion Week, dans cette effervescence, Irina Lazareanu m’entraîne côté backstage, 24h avant la présentation de la collection RVNG Couture qu’elle orchestre en tant que Directrice Artistique.
Top model, muse de Karl Lagerfeld, égérie Chanel, icône rock’n’roll, Irina a traversé les époques sans jamais se conformer. Propulsée au début des années 2000 par Kate Moss qui fait d’elle l’égérie de sa collaboration avec Topshop, elle impose son allure androgyne et sa désinvolture sur les podiums. Karl Lagerfeld voit en elle une Juliette Gréco rock’n’roll, dont la grâce inhabituelle sublime ses créations signées Chanel.
Irina, c’est aussi une voix, un peu écorchée par les nuits blanches à écrire des chansons, cigarette au bout des doigts, avec ses amis de toujours Sean Lennon et Peter Doherty. Entre Paris, Londres et New York, elle oscille entre Catwalks et salles de concert enfumées, de quoi noircir ses journaux de rocambolesques aventures. Les années Chanel, Babyshambles et 17 couvertures de Vogue plus tard, Irina ralentit le rythme, pose ses valises au Canada où elle écrit Runway Birds (Flammarion) et cultive son talent de directrice artistique.
24h avant le show
Dans un Airbnb transformé en atelier, mannequins, couturières et stylistes s’activent sous l’œil attentif d’Irina. Hyperactive, charismatique, elle ajuste une silhouette, motive son équipe, improvise des solutions. La collection, bloquée aux douanes, vient tout juste d’arriver. Malgré le stress elle préfère rire et elle insuffle une énergie rare à ceux qui l’entourent.
Entre deux anecdotes qui mettent en scène Lindsay Lohan, Yoko Ono et Amy Winehouse, elle me parle de sa vie plus posée au Canada, où elle occupe le rôle de maman à plein temps de son fils River. Derrière l’icône atypique, une femme ancrée, toujours animée par une quête de créativité et de liberté.
Qu'est-ce qui définit une véritable icône selon toi ?
"Une icône, c’est quelqu’un qui inspire par son énergie, son travail, sa créativité et son esthétique, mais aussi par sa capacité à traverser le temps. C’est quelqu’un qui est authentiquement lui-même, au point que des générations entières peuvent s’y identifier en un simple regard, comme on reconnaît instantanément Marianne Faithfull ou Juliette Gréco".
Un peu comme elle, finalement.
"Je n’arrive pas à me considérer comme une icône, je ne le ferai jamais. Kate ('Moss' N.D.LR.) est une vraie icône. Pour moi, une icône est une toile blanche qui incarne une époque tout en restant intemporelle. Elle est libre d’être mille personnages, mais ne se trahit jamais. Ce n’est pas une question de perfection, mais d’âme. Ce sont souvent ceux qui ne rentrent pas dans les cases, les artistes, les inadaptés, ceux qui ont été moqués à l’école ou qui ont toujours fait un pas de côté, qui deviennent des figures emblématiques. Parce qu’ils restent vrais. Et l’authenticité, c’est ce qui traverse le temps."
S’il y a un Luxe ultime, à quoi ressemble t-il ?
"Le luxe ultime, c’est faire ce que l’on aime, créer avec un sens, et pouvoir mettre de la nourriture sur la table avec un toit au-dessus de sa tête. Ce n’est pas une question d’opulence, mais de liberté. Pouvoir être soi-même, dire ce que l’on pense, sans compromis. Si je dois parler, autant parler avec le cœur."
Tu es une personne hyper intuitive, quelle sera la tendance de demain selon toi ?
"L’intention va prendre de plus en plus de place dans la création. Ce n’est plus seulement une question d’esthétique, mais d’impact. L’éthique, la durabilité, l’émotion… Tout doit avoir une raison d’être.
Et puis, il y a la bienveillance. Mon père m’a souvent dit que la gentillesse est la plus haute forme d’intelligence – et je crois que c’est ce qui manque le plus aujourd’hui. On parle d’innovation, mais la vraie révolution, ce serait d’apprendre à être plus humains. La mode doit revoir ses process de création sous un prisme éthique. On parle de Fashion Weeks plus responsables ? Parfait. Mais responsable ne veut pas dire chiant ! Soyons créatifs, c’est pour ça qu’on nous paye si cher.
Et sinon – sur une note plus légère – j’aimerais bien que les chapeaux reviennent. Tous les chapeaux. Les grands, les petits, ceux des années 40, des 60’s. Parce qu’après tout, la mode, c’est aussi raconter des histoires, encore et encore, sous différentes formes."
D-Day : Paris is always a good idea
8h45 - Gare du Nord bloquée. Une bombe de la Seconde Guerre mondiale vient de paralyser la capitale. Chaos, sirènes, bouchons monstres. Dans le taxi filant vers la place Vendôme, Irina, impassible, enchaîne les appels. Timing serré, mais elle garde son calme
Arrivée au Ritz, exit l’artiste bohème, place à la businesswoman. Son regard capte chaque détail : lumière trop froide, drapé à ajuster, basse trop en avant dans les enceintes. Elle orchestre, ajuste, dirige.
14h – Silence dans le salon Vendôme. Les premiers invités arrivent. Irina reprend son rôle d’icône avec une aisance naturelle.
Quelques heures plus tard, je la retrouve dans un escalier de service. Mission accomplie. Ce soir, Paris est à elle. Demain ? Un autre décor, un autre rôle. Mais une chose est sûre : Irina Lazareanu ne s’arrête jamais. Elle s’efface, réapparaît, se réinvente. Toujours libre, toujours en mouvement.
2010 - Anaïs Duquesne a 18 ans - et son aventure commence au Bus Palladium où elle occupe le poste d’Assistante de Direction Artistique. Quelques nuits blanches et des centaines de concerts plus tard, elle rencontre Éric Briones qui lui apprend à penser comme une vraie planneur stratégique et voit en elle sa clé de décryptage de la Gen Y. De ces échanges passionnés naît La Génération Y et le Luxe. Toujours à la croisée des chemins entre l’art, la réflexion et l’influence, elle collabore sur divers projets (scripts, direction artistique, plume de dirigeants).