Jaquet Droz, l'aventure de l'art horloger ultra moderne.

Quel chemin parcouru par cette marque depuis presque trois siècles ! "Celui de l’innovation, de l’audace, et l’art horloger poussé à l’extrême" aime à commenter Alain Delamuraz, CEO de Jaquet Droz. "Et d'être dans l’ère du temps de son époque, ce que nous nous employons à faire depuis deux ans avec une nouvelle vision" ajoute-t-il. "Quand cette manufacture incarnait au XVIII, l’horloger des Rois, des grandes couronnes, quel peut être son positionnement stratégique au XXI ? Celui d’offrir des montres élevées au rang d’art à destination des ultra HNWI du monde".

La maison monte en gamme en manufacturant désormais des "only watch" pour ces clients à "6 chiffres" - les High Net Worth Individuals - évalué selon Merrill Lynch à 9,5 millions de personnes dans le monde. C’est exactement la mutation actuelle de Jaquet Droz, sous la houlette de Alain Delamuraz, qui parle désormais "d’Art horloger" pour les créations de cette maison de l’unique en horlogerie.

La visite à La Chaux de Fonds de la manufacture-boutique, en compagnie de son CEO en exclusivité pour le Journal du Luxe, vous donne les contours de cette vision du luxe moderne et d’une radicalité rare pour répondre aux questions de cette révolution de fond en comble de la stratégie de la marque la plus pointue du groupe Swatch : rupture avec leur collection courante de "grande seconde", rupture avec les détaillants, concentration sur les métiers les plus rares de l’horlogerie et investissant la personnalisation à l’extrême de sa montre par le client lui-même, et relation client phygitale au dernier degré. Le but recherché de cette stratégie : aller directement aux clients les plus exclusifs avec des pièces uniques.

Une genèse "disruptive"

Quand Alain Delamuraz a donné sa feuille de route au board de la famille Hayek, son audace de retrouver les sources de la maison fondée en 1738 n’a pas été jugée comme un pari mais comme une vision moderne de la marque. Restait à trouver la recette, et à l’exécuter. Et la Maison redevient ce qu'elle a toujours été : visionnaire ! À l’époque des Rois, la manufacture créée le "sur-mesure" des montres, des pendules et des automates d’une élégance rare et folle. Pierre Jaquet-Droz avait toujours été connecté à ses clients prestigieux des grandes cours de ce monde, et leurs créait des pièces au nom de l'Art Horloger, voire de l'Art tout court. C'est ce qu'Alain Delamuraz transpose depuis 2 ans, sa stratégie pour la marque de montres la plus "ultra-luxe" du groupe Swatch et de toute l’industrie.

La matrice "The Legacy"

Jaquet Droz est le maître incontesté des garde-temps animés, des automates horlogers : oiseaux-chanteurs, fontaines animées, montres à musique et le génial concepteur d'automates. Trois androïdes en particulier - la Musicienne, le Dessinateur et l'Écrivain - créent la stupeur et font le tour du monde à leur époque. Alors Alain Delamuraz a trouvé dans les racines de la marque sa vision : "un concentré d'innovation et d'art horloger avec les automates pour l'élite de 'son' temps pour créer les modèles actuels. Et donc à remettre dans sa contemporanéité ces mécaniques animées". La réalisation de la montre suit la même logique. Et que peut en voir le client ? Tout. Assemblage, réglage, montage, gravure, peinture, finition... chaque étape est visible en direct et en phygital.

Le studio 8.0 comme cockpit horloger client


Après une visite initiatique et immersive de la manufacture avec les équipes ou Alain lui-même, les HNWI commenceront leur commande en manufacture, puis suivront à distance en se connectant au Studio 8, la plateforme phygitale de création de leur montre pour suivre les différentes étapes de la réalisation des garde-temps en cours de construction. D'abord physiquement, à respectueuse distance, comme s'il était assis à côté de l'établi. Ensuite, s'il le désire, par-dessus l'épaule de l'artisan ou de l'horloger, ils pourront échanger en direct. Enfin, ultime étape dans leur propre binoculaire retranscrit sur ordinateur depuis NYC, Dubaï ou Shanghai, grâce au studio interne comme une régie phygitale avec tous les ateliers de la maison ! Une plongée immersive donc, puis phygitale unique au monde, qui permet au collectionneur d'être au bout du pinceau ou des brucelles de l’horloger. Du jamais vu ! Et enfin ce rappel au chiffre 8, celui du bonheur et de la chance, le seul chiffre qui s’entrelace à l’infini pour faire partie du design des cadrans des collections aux pièces uniques.

Les rêves d’automates horlogers pour grands adultes collectionneurs

"Pas de montage, de doublage, d'intelligence artificielle, et rien que les yeux du client" explique Alain au cours de la visite. Chaque client parle à son interlocuteur dédié et se laisse guider entre table à dessin et établi, le tout dans un lien unique entre Jaquet Droz avec ses collectionneurs. À l'image de cette nouvelle philosophie que prône la maison "your only watch" est l’expression de la philosophie de l’unique pour le collectionneur. Ainsi est devenue cette maison, qui donne vie à la vision créative la plus extrême du marché avec ses clients. Pour y parvenir, Jaquet Droz est guidé par une ligne directrice : la Philosophie de l'unique au dernier degré possible mêlant artisanat et technologie. Elle repose aussi sur le panel de toutes les compétences des métiers de l’horlogerie, exercés au cœur de ses ateliers, dans le berceau de l’horlogerie jurassienne. Aujourd’hui, Jaquet Droz dépasse le cahier des charges d’une simple montre en s’adressant également à chaque enfant qui sommeille en nous pour réaliser ses rêves les plus fous. Il anime les yeux des grands avec ses automates miniatures encapsulés dans un garde-temps.

Dans les ateliers de Cronos, fils de Gaia


Jaquet Droz réinvente sur ses deux principales forces - métiers d’art et automate horloger - d'émouvantes pièces gravitant au cœur de l’univers de son acquéreur. Parmi ces savoir-faire, l'art de l'émail grand feu. Jouant avec la finesse des poudres et la précision des fours, les maîtres cadraniers sont les seuls à connaître la formule donnant naissance à ces cadrans à la couleur et au grain uniques. Une fois la pièce finie, elle est inaltérable, l'émail conservant son éclat durant des siècles. L'art de la peinture offre quant à lui un décor minutieux réalisé entièrement à la main. La technique demeure, mais les temps changent et les dessins aussi : aujourd'hui, Jaquet Droz personnalise des pièces avec un style disruptif, voire provocateur. Mais certaines choses ne changent pas : le peintre a toujours besoin de plusieurs semaines pour réaliser un seul cadran unique, évidemment. Côté automate, la légende et l’histoire de ces petites machines animées reprennent vie… dans de gardes-temps spectaculaires. Considérés comme les premiers robots, ils furent d’abord utilisés par la maison comme des pièces prestigieuses ou publicitaires ou d’animation commerciale au XIX ou encore dans les salons des grands de ce monde. Ils sont ici des automates d’art, suscitant l’émotion.

Vision divine d’art horloger


Le mythe de Pygmalion raconte l'histoire d'un sculpteur roi de Chypre, célibataire, qui réalise la statue d'une femme dont il tombe amoureux. Et prie la déesse Aphrodite de donner vie à cette statue. C’est la "première vision d’automate" de l’histoire. Alain entend être "une sorte de Pygmalion de l’horlogerie moderne" pour ses collectionneurs d’art horloger qu’il conseille pour façonner leur vision conduisant au succès et l’amour de leur bijou horloger ! Rien de moins et pour le bonheur du collectionneur. "Les passerelles entre l’art et l’art horloger s’estompent ici pour marier les univers de ses collectionneurs avec celui des gardes-temps automates" conclut-il.
 
L’homme horloger n'est que partiellement créateur de l'androïde dans cette vision nouvelle de l’horlogerie, partagé avec la créativité de son commanditaire, et laisse une part divine à l'animation qui se joue tout au long de la vie. Avec "D 8.0 : A Disruptive Legacy", la manufacture Jaquet Droz forge un temps nouveau dans l’horlogerie.

Alexis de Prévoisin est consultant Retail-Real Estate & Expérience client, et auteurs de "Retail Emotions" et "Store Impact".