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Les marques de luxe occidentales à l’épreuve de la Gen Z chinoise.
Publié le par Journal du Luxe
Comment les jeunes consommateurs chinois challengent-ils le secteur du Luxe ? Décryptage par Yuan Zou, Directrice du développement Europe de Hylink, la plus grande agence de communication digitale indépendante en Chine.
« Les années 80 ont entrouvert les portes de la Chine et offert un accès à un marché de 1,3 milliard de consommateurs dans lequel les grandes marques de luxe occidentales se sont engouffrées sans attendre. Mais, l’époque où le luxe était un signe de distinction sociale et où seul le prix déterminait l’achat est bel et bien révolue.
L’actuelle Génération Z rebat les cartes du jeu. Disposant d’un pouvoir d’achat élevé, ces jeunes Chinois sont également fortement influencés par les réseaux sociaux et les groupes de K-Pop du voisin coréen. Plus à l’aise avec les codes de cette jeunesse décomplexée face au luxe, les marques asiatiques grignotent inlassablement des parts de marché aux occidentales. Ces dernières sauront-elles réagir à temps ?
Du bling-bling à l’expérience : petite histoire du luxe en Chine.
1978, le programme de la Réforme et l’Ouverture permet à la Chine d’entrer dans une dynamique économique inédite. Le dialogue avec l’Occident reprend. Les marques de Luxe en profitent pour poser leurs valises monogrammées en Chine. Pierre Cardin sera le premier, vite rejoint par Vuitton, Dior, Gucci, Cartier, Omega…
Sous l’égide de Deng Xiaoping, le pays continue d’assouvir son désir de consumérisme et donne naissance à la classe moyenne. Mais ce public, qui a grandi dans un environnement dépourvu de luxe et d’esthétisme, doit apprendre les codes et les valeurs d’héritage véhiculés par les grands noms du luxe. Ainsi, loin de toute considération esthétique, leur choix est guidé par le prix, les logo les plus connus et le regard des autres. Le luxe se fait ostentatoire et devient un véritable marqueur social, ainsi qu’un terreau fertile pour la croissance des marques occidentales en Chine.
Les jeunes Chinois : ces drôles de « Z ».
C’est une époque bénie pour les marques de luxe occidentales. Mais la nouvelle génération Z, hyper connectée, née avec un smartphone dans les mains et le digital comme seconde langue, vient aujourd’hui contester cette hégémonie. Détachée des préoccupations de ses aînés et de l’histoire récente de son pays, elle envisage son avenir avec confiance. Enfants uniques, élevés dans une Chine en croissance économique exponentielle, ces jeunes Chinois n’ont déjà plus rien à apprendre en matière de tendance et de mode. Surtout, ils sont bien plus exigeants que les Millennials dans leur façon de consommer. Ce qu’ils recherchent ? La qualité, l’authenticité et l’éthique. Ils plébiscitent ainsi les marques haut de gamme, plutôt holistiques, engagées en matière de développement durable. Pour s’attirer leurs faveurs, celles-ci doivent leur proposer une expérience personnalisée, très codifiée, et des produits soulignant leur singularité.
Une génération sous influence.
Le poids des influenceurs est également crucial dans leur choix. Privée de références et de fratrie, la génération Z se tourne vers ces « guides » pour tous les aspects de leur vie. Mr. Bags, icône de la jeunesse chinoise, qui s’est spécialisé dans l’étude des sacs de luxe, est suivi par 5 millions de followers sur Weibo, le réseau social de référence !
Malgré son potentiel, cette génération n’est pas encore suffisamment prise au sérieux par les grandes marques de luxe européennes. Dotés d’un fort pouvoir d’achat, les consommateurs de la Gen Z dépensent sans compter et affectionnent particulièrement les marques de luxe. Une étude Bloomberg précise que la moitié d’entre eux a acheté individuellement pour plus de 6 000€ de produits de luxe en 2018. En clair : séduire cette génération équivaut à s’emparer des consommateurs dominants du marché !
De nouveaux codes à maîtriser sans attendre.
Forts de leur proximité géographique et morphologique avec leurs voisins japonais et coréens, les jeunes Chinois sont fortement influencés par leur pop culture véhiculée par les dramas et les groupes de K et J-Pop. Leurs choix se portent donc naturellement vers des marques de mode ou de cosmétique asiatiques (Comme des Garçons, Shiseido, D-Antidote…). À trop chercher à conserver leur statut d’icônes, les marques européennes prennent le risque de se faire devancer par leurs homologues japonais et coréens, plus en phase avec les attentes de la Gen Z.
S’il veut conserver sa place dans les années à venir, le luxe occidental doit donc s’efforcer de mieux comprendre les jeunes Chinois, afin de créer plus de proximité avec eux. Cultiver une approche moins élitiste, réaffirmer son éthique, se réinventer au travers des campagnes en ligne, mais aussi créer la surprise dans les points de vente physique : telles sont les pistes à explorer. Et les marques occidentales doivent s’y atteler sans attendre, car l’évolution des consommateurs chinois se fait dans un temps beaucoup plus court que sur les marchés occidentaux. Il y a donc urgence ! »
Tribune réalisée dans le cadre du Salon du Luxe Paris.