parfum décadence

Chronique

Le parfum s'est-il affranchi de la notion d'élévation ?

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En pleine Fashion Week, un lancement parfum a déchainé les passions, du plus vif enthousiasme à la critique scandalisée. Versatile Paris, jeune marque de parfumerie audacieuse, dévoile La Foncedalle.

Les précédents parfums de la marque tels Croissant Café, God Bless Cola ou encore Gueule de Bois, s’inspiraient de plaisirs plus ou moins coupables : le petit dej', l'anti-régime… Ils jouaient de notes gourmandes certes twistées mais relativement classiques. La Foncedalle va bien plus loin. Plaisir coupable ? La défonce ! Pyramide olfactive : décadence assumée, un peu sale, loin des senteurs gourmandes traditionnelles. Weed. Aromatique. Bière. Frais. Sauge. Poulet. Rôti. Beurré. Musqué. Évidemment, cela interpelle. Mais le trash peut-il faire vendre en parfumerie ?

Le parfum (dont c’est l’essence de par son étymologie per fumum – à travers la fumée) ne doit-il pas offrir une forme d'élévation, même dans la provocation ? Une touche d'élégance ou de sophistication, un petit plus ou un je ne sais quoi qui révèle le meilleur de nous-même.

D’autres ont joué sur ce registre, la dimension aspirationnelle (et le prix fort) en plus… Je pense à État Libre d’Orange et ses jus agitateurs : Putain des Palaces, Jasmin et Cigarette, Sécrétions Magnifiques, ou encore I am Trash… Olivier Cresp a également travaillé les addictions pour sa marque Akro Fragrances, y compris le cannabis avec Akro Haze. Ici on joue sur le fil du luxe provoc, à la frontière du trash… Avec la hauteur et l’approche culturelle d’un positionnement haut de gamme.

© Chloé Eucher

Versatile Paris à l’inverse est accessible (59€ les 15ml, extrait de parfum à 30%). Le ton est direct, sans aura de mystère ("Ce parfum sent bon, il est original, mixte, végan et made in France" lit-on sur la page produit). Nous parlons ici d’une certaine décadence, affichée sans fard : la fête, la bouffe, les yeux vides et les doigts gras.

Une provocation pleinement assumée par la fondatrice Coralie Frébourg, qui joue de nos réactions pour déconstruire les stéréotypes et finalement nous séduire avec l’essentiel : sensorialité, gestuelle et surtout le jus. Elle explore des notes innovantes et insoupçonnées (bière, poulet rôti) pour surprendre les narines. Sur l’olfactif elle se montre intransigeante : là se trouve la qualité de ses parfums, c’est ainsi qu’elle veut convaincre. Elle révèle en outre le coût de ses formules : de 300€ à 650€ le kilogramme de concentré, bien au-dessus de nombreux standards du marché.

En effet, ce parfum sent bon ! On peut l’aimer, le porter, apprécier une subtilité dans son évolution. Faut-il encore vouloir se parfumer avec Foncedalle ! C’est là toute la question… Certains adorent d’emblée, raffolent de l’audace (et pas seulement les plus jeunes), ou bien éclatent de rire et veulent l’offrir pour la blague. D’autres crient à l’outrage, à la trahison même, du Parfum…

Quelle image à long terme pour la marque ? Une parfumerie accessible peut-elle se permettre la provoc sans tomber dans le cheap ? Et enfin le parfum se prête-t-il à l’humour ?

Une certitude, la nouvelle garde le désacralise.

Une chronique de Laure Braive, consultante en stratégie créative luxe.

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© Mathis Jaulhac

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