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En 2025, les algorithmes vont-ils ressusciter le retail ?

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Souvent annoncés comme la réponse ultime à tous nos maux, les algorithmes ont transformé nos vies, redéfinissant nos comportements et nos interactions. Pourtant, l’année 2025 pourrait marquer un tournant, un point de bascule où les effets indésirables de ces technologies ne pourront plus être ignorés.

1 Gen Z sur 2 déclare au New York Times regretter l’existence de TikTok (2024), symbole de l’intrusion algorithmique. Un paradoxe se révèle : bien que hyperconnectée, cette génération exprime une lassitude face à un monde numérique qui semble enfermer davantage qu’il ne libère.

Les algorithmes ont-ils dépassé leur utilité première, au point de nuire à l’authenticité des connexions humaines ? Quel rôle doivent jouer les algorithmes dans l’expérience délivrée par les Maisons de luxe ? Comment peuvent-elles réenchanter leur expérience en valorisant l’émotion, le sensoriel et la quête d’authenticité ? Le slow retail et l’émergence de technologies plus discrètes, comme la quiet tech, pourraient-ils offrir des réponses durables à ces attentes ?

De connecteurs à déconnecteurs : l’évolution des algorithmes

Les algorithmes, jadis conçus pour connecter les individus, ont abouti à un paradoxe : ils réduisent le champ d'exploration de l'utilisateur et les enferment dans des “bulles” de contenus hyper-personnalisés. Ces mécaniques, guidées par la course à l'engagement des réseaux sociaux, alimentent en réalité un sentiment d'isolement, notamment parmi les plus jeunes générations.

La génération Z, ultra-connectée, en est le parfait exemple. Consommant les réseaux sociaux en moyenne quatre heures par jour (Archrival, 2024), 39 % estiment que les algorithmes les empêchent de voir ce qui compte vraiment pour eux. Ce désamour traduit un rejet croissant du rôle omniprésent des algorithmes dans la sélection de leurs interactions digitales.

Face à cette méfiance, les jeunes générations aspirent à une réappropriation de leur consommation de contenu, cherchant à renouer avec des expériences humaines directes et qui ont du sens.

La grande nostalgie : du flip phone au magazine papier

La rapidité à laquelle le contenu est consommé aujourd’hui est devenue étourdissante même pour la génération Z. Il n’est donc pas surprenant d’assister à un retour en grâce de la "dumb tech". Les flip phones, appareils photo jetables, vinyles ou magazines papier séduisent une génération Z en quête de simplicité et de contrôle. Une étude GWI (2023) révèle que 40 % des Z éprouvent de la nostalgie pour des époques qu’ils n’ont pas vécues, et trois Gen Z sur cinq déclarent qu'ils aimeraient être moins connectés au monde digital (The Guardian, 2024).

Certaines marques ont déjà amorcé ce virage en proposant des initiatives qui répondent à ces aspirations. Loewe propose un magazine à tous les visiteurs de ses boutiques présentant les dernières collections, des articles sur l’art ou la photographie, mais aussi un poster et une pochette photos permettant aux fans de collectionner des éléments de marque. Le Labo a lancé "Le Journal", un journal imprimé qui associe la nostalgie de la presse traditionnelle à des contenus exclusifs de la marque, comme des conseils pour réutiliser ses packagings. Heineken a dévoilé un "Boring Phone" lors de la Milan Design Week pour prôner la modération de la consommation de smartphone avec un téléphone qui ne propose que de passer des appels ou envoyer des SMS.

Ce retour au tangible, aux basiques, marque une réappropriation des modes de consommation. En privilégiant des formats plus "lents" et engageants, les marques répondent à un besoin croissant de connexion émotionnelle et d’implication active dans l’univers de la marque. Mais quel pourrait-être l’impact sur le retail de cette recherche de "dumb tech" ? Ce mode de consommation "slow" n’influence t-il pas aussi les attentes des clients pendant leur visite en boutique ?

Le slow retail : l'émotion et l’humain portés par la quiet tech

Cette recherche de temps, de liberté de choix, et de pause dans nos vies ultra-rythmées semble déjà esquisser les contours de ce que l’on pourrait appeler le slow retail. Cette nouvelle version du retail s’impose alors comme une réponse puissante à l’hyperconsommation et à la saturation numérique en transformant les boutiques en véritables lieux de vie. Ces espaces ne sont plus uniquement transactionnels mais deviennent des points de rencontre, d’échange et d’immersion dans l’univers de la marque.
Au cœur de cette transformation, la matière, le réel et le sensoriel jouent un rôle clé. Le slow retail replace l’humain et l’émotion au centre de l’expérience, loin des interfaces digitales impersonnelles. Les marques adoptent justement de nouveaux formats pour répondre à cette quête d’authenticité : cafés, boutiques sans produits, événements exclusifs où les espaces sont pensés pour prendre son temps et créer un lien émotionnel durable avec sa communauté.

Malgré la montée en puissance du digital, 85 % des achats de luxe se font encore en boutique, bien que 90 % des clients effectuent leurs recherches en ligne avant leur visite (LVMH, 2024). Les clients arrivent en boutique déjà informés, ce qu’ils recherchent donc n’est pas uniquement de l’information mais une véritable relation avec la marque, voire une conversation.
Dans ce cadre, la quiet tech devient un pilier essentiel. Cette technologie agit en coulisses, en support des interactions humaines et de l’expérience globale, sans jamais s’imposer. Invisible pour le client, elle fluidifie les parcours, anticipe les besoins, et soutient les vendeurs dans leur capacité à raconter des histoires engageantes et personnalisées.
Elle permet par exemple aux conseillers de vente de disposer d’outils intelligents pour préparer en amont une visite client, comprendre ses préférences ou personnaliser ses recommandations sans détourner l’attention de la relation et l’expérience en boutique.
Cette approche concilie les bénéfices de l’innovation (collecte de données clés, productivité, et personnalisation) avec les aspirations des clients à des expériences plus humaines, durables et sincères.

Vers une réinvention du retail des Maisons de luxe ?

L’émergence du slow retail et de la quiet tech souligne un besoin fondamental : replacer l’humain au centre des expériences de marque dans un monde façonné par les algorithmes. En 2025, la technologie n’est pas une finalité, mais un outil invisible qui enrichit la relation entre les marques et leurs communautés. Plus la technologie et les intelligences artificielles se développeront, plus l’humain deviendra un luxe dans la délivrance d’expérience client mémorable.

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