Yuan Zou Hylink luxe chine

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« En Chine, les marques vont devoir redoubler de vigilance quant aux choix de leurs KOL ou égéries. » Yuan Zou, Hylink.

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Redistribution des richesses, promotion d'une nouvelle masculinité, encadrement de l'influence... En quoi les récentes directives prises par le Parti Communiste Chinois pourraient-elles impacter le secteur du Luxe et ses composantes ? Entretien avec Yuan Zou, Head of Europe Luxury & Fashion de l’agence digitale chinoise Hylink. 

Journal du Luxe

Le plan de la redistribution de la richesse en Chine est-il une menace réelle pour l'industrie du luxe ? Les nouvelles classes moyennes peuvent-elles également être frappées par une taxe luxe ?   

Yuan Zou

Ce qu’il faut surtout retenir c’est que le désir, véritable moteur de l’achat de produits de luxe, est intact. Je pense donc que cette annonce n’impactera pas drastiquement le secteur à moyen terme. Cela va plus probablement amener les consommateurs à se tourner vers un luxe plus discret, moins directement identifiable. Les marques de niche ou moins connues en Chine ont une véritable carte à jouer dans ce contexte. Par ailleurs, il faut raison garder, la redistribution évoquée ne va concerner que les ultra-riches, qui ne représentent qu’environ 100.000 individus. Cela aura un impact sur le volume de leurs achats mais ils continueront à consommer des produits de luxe. Quant à une forte augmentation des taxes sur les produits de luxe, cela semble assez improbable. Les autorités ont tout fait pour re-localiser les achats de produits de luxe en Chine, la pandémie les a, en ce sens, aidé à atteindre cet objectif. Elles savent qu’une augmentation des prix liée à une taxe aurait pour effet immédiat de relancer les achats à l’étranger. La redistribution annoncée des richesses va encore une fois concerner les milliardaires qui seront plus lourdement imposés au profit des classes moyennes qui pourront ainsi consommer plus facilement.

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Le PCC s'attaque à l'exceptionnelle influence des KOL sur la jeunesse. Quelles sont les transformations à prévoir dans le paysage digital chinois et au-delà quel impact pour les marques ?

Yuan Zou

Les influenceurs sont une composante incontournable et durable du parcours consommateur en Chine. Ils demeurent une fenêtre sur l’extérieur, particulièrement aujourd’hui alors qu'il reste difficile de se rendre à l’étranger. Les fondamentaux des mécanismes d’influence vont donc perdurer. En revanche, les personnalités dont les communautés sont les plus importantes vont, a priori, connaître un ralentissement de leur activité car ils devront être plus sélectifs quant au choix de leurs collaborations avec les marques. D’un point de vue général, tous les influenceurs, VIP et égéries vont devoir être vigilants et ne pas sortir de leur rôle : faire découvrir et promouvoir des produits et des services. Aucune ingérence sur des sujets de société ou politiques ne sera tolérée. Les marques devront donc redoubler de vigilance quant aux choix de leurs KOL ou égéries. Il faut composer avec les règles et garder en tête qu’une marque gardera sa latitude de communication tant qu’elle restera dans son champ d’expression : son produit !

Autre changement notable, le basculement des KOL vers les KOC (ndlr. Key Opinion Consumers), qui va s’accélérer. L’influence de ces consommateurs est de plus en plus recherchée par leurs pairs qui y voient une façon plus authentique de partager leur expérience d’achat.

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Troisième grand sujet : la reprise en main de la représentation masculine. Quel impact concret pour la GenZ chinoise et les marques de luxe et de beauté ?

Yuan Zou

Il est incontestable que la GenZ est plus contestataire que ses ainés. C’est aussi une génération en recherche d’identité à qui on demande d’être virile tout en lui renvoyant des images d’hommes androgynes dans les médias et les réseaux sociaux. L’annonce du gouvernement va changer la donne pour les marques mais ne va pas remettre en cause leur présence en Chine. La Gen Z va toujours être à la recherche de produits de soin et d’hygiène adaptés à ses besoins et à ses envies. Il est clair que le makeup pour hommes ne va plus pouvoir trouver sa place, du moins pendant un certain temps. Toutefois les produits de soins, de bien-être vont toujours être plébiscités par des consommateurs à qui la société impose une sorte de diktat de jeunesse. Les chefs d’entreprises, dirigeants, acteurs, sont toujours plus jeunes et il est essentiel de coller à cette mouvance en présentant son meilleur profil.

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Les géants du luxe adoptent des communications ouvertement progressistes, seront-elles toujours permises par le PCC ? Les marques ne devront-elles pas penser leur communication d'abord pour satisfaire Pékin ?

Yuan Zou

Les marques vont devoir naviguer avec subtilité sur ce point, aucun grand mouvement de volant n’est souhaitable ni dans un sens, qui reviendrait à sur-interpréter la ligne du parti, ni dans l’autre, celui d'aborder des sujets polémiques. Il est essentiel qu’elles restent fidèles à leurs valeurs et à leur ADN, au risque de décevoir leurs consommateurs, mais doivent se garder de froisser le gouvernement ou les Chinois en abordant des questions brûlantes.  Les marques seront effectivement amenées à adapter leur plateforme de marque en fonction de l’esthétisme et des messages locaux. Plus que jamais il convient d’être respectueux, d’être conscient des conséquences des annonces gouvernementales et de « sentir le vent tourner ». La capacité d’adaptation très rapide et fréquente est une véritable question de survie en Chine.

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Gaming limité, revenus dans l'univers high-tech encadrés, contrôle sur la mise en scène de soi... Ne risquons-nous pas d'assister à un départ massif de jeunes chinois riches vers l'occident ?

Yuan Zou

Les Chinois sont très résilients, ils ont une capacité innée à s’adapter et contourner, subtilement, les directives gouvernementales. En ce qui concerne le gaming, si on leur impose un firewall trop puissant ils utiliseront un VPN, si ce VPN est interdit ils en trouveront un autre, etc. Enfin, ils ne quitteront pas le pays pour deux raisons principales. Tout d’abord ils ont un sentiment de fierté nationale très fort et par ailleurs, ces chinois aisés, savent qu’ils perdront leur statut de privilégiés une fois qu’ils seront à l’étranger. Ils n’ont pas forcément les codes de la société occidentale et n’aiment pas se sentir inférieurs. Les Chinois ont un véritable sens du risk management et il ne faut pas oublier que beaucoup d’entre eux, parmi les plus riches, ont une double nationalité. Pour l’instant, la situation ne nécessite pas qu’ils quittent leur pays.

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Ces dernières semaines ne démontrent-elles pas qu'en Chine, le Parti sera toujours plus fort que le marché ?

Yuan Zou

Quoi qu’il arrive, il est certain que le Parti aura toujours le dernier mot, la population fait avec et les Chinois restent vigilants. Mais ils aiment leur pays. Ils ont appris qu’il faut toujours être en alerte pour pouvoir s’adapter. Ils connaissent les limites à ne pas dépasser et savent naviguer entre les directives gouvernementales et leurs envies. En chinois on parle de Fen Cun (分寸ou "la bonne longueur au millimètre près". Il est en de même pour le marché, les marques doivent connaître les contraintes et les respecter tout en exprimant leurs spécificités.

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