Journal du Luxe Intelligence #3 : l’IA et l’influence au coeur du luxe de demain.
Publié le par Barbara Haddad
Nouvelles expériences client, nouvelles façon de communiquer : comment le secteur du luxe évolue-t-il en même temps que les Maisons intègrent l’intelligence artificielle et s’essaient à nouvelles formes d’activation de l’influence ?
Pour ce 3e numéro du Journal du Luxe Intelligence qui s’est déroulé en live sur Linkedin le jeudi 23 novembre, les questions se sont portées sur la façon dont le luxe appréhende aujourd'hui de nouveaux territoires d’expression, que ce soit de façon technologique, expérientielle ou géographique, notamment au travers de l’IA mais aussi des campagnes d’influence.
L’IA comme opportunité d’enrichir l’expérience client
Les cas d’usage se multiplient concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle pour apporter une expérience client à la fois plus fluide et mieux personnalisée. Preuve en est, les vendeurs en boutiques se transforment en véritables "conseillers augmentés", pouvant accéder rapidement à de nombreuses informations : stocks en temps réel, historiques des achats et des échanges entre la marque et le client, etc.
Pour autant, la place du relationnel et de humain n'en reste pas moins centrale dans l’expérience marque-client : "73% des Français privilégient le service humain par rapport à un service automatisé (étude Dentsu), et le rôle de l’IA reste encore limité quand il s’agit d’aller sur un registre plus émotionnel. En effet, ce qui constitue une grande part de la richesse des échanges en magasin est le fait de pouvoir partager avec quelqu’un d'autre une part de son histoire, une anecdote ou encore un ressenti", explique Rémi Le Druillenec, co-fondateur de l'agence Héroïne.
L’agence s'apprête ainsi à déployer à Dubaï, début 2024, une nouvelle expérience client immersive au sein de la boutique FRED qui mixe accompagnement premium et nouvelles technologies : "La cliente peut d’abord utiliser le display interactif pour créer virtuellement un bracelet personnalisé et voir rapidement le rendu. Elle peut ensuite utiliser la fonction "virtual try on" avant de passer à l'essayage physique de modèles pré-sélectionnés. En parallèle, une vidéo personnalisée est poussée sur la tablette et les écrans de la boutique en fonction du modèle choisi, avec notamment un mantra dédié. Enfin, une carte dotée d’une puce NFC est remise à la personne, afin de garder en mémoire les préférences retenues", détaille Rémi Le Druillenec. La technologie se met ainsi au service d’un storytelling ultra-personnalisé, qui permet à la marque d’aller à la rencontre de ses clients en partageant une partie de son histoire et de ses valeurs.
Aller plus loin sur le volet créatif...
"Nous avons par exemple réalisé récemment pour la NBA une campagne d’influence pour promouvoir un match de basketball qui allait avoir lieu à Abu Dhabi cette année. Plutôt que de faire voyager des influenceurs américains locaux pour réaliser un shooting sur place, nous avons fait le choix de réaliser les photos en studio aux États-Unis, puis d’enrichir les créations de contenus générés par l’IA générative", présente Olivier Billon, CEO d’Ykone, spécialiste de l’influence. L’IA permet alors de "stretcher" la créativité tout en permettant un impact carbone plus faible de la campagne. Dans un autre registre, on remarque aussi l’essor de l’utilisation d’influenceurs virtuels tels que Lil Miquela, qui a notamment été mobilisée sur une campagne pour BMW. "Il faut toutefois rester attentif à nourrir une certaine singularité pour chaque dispositif", alerte Olivier Billon, pour éviter l’effet de "fatigue de l’IA".
...et la forme même des influenceurs !
Stéphane Galienni, directeur associé de Balistik Art, fait effet dès le début de ce 3e numéro live avec la présentation du projet "Incognito Influencer" où il s’est créé son propre avatar virtuel, plus vrai que nature… Un avatar qui peut désormais porter tous les vêtements possibles, se situer partout dans le monde, et surtout assister aux défilés de la AI Fashion Week 2023 ! Durant cet évènement, un concours a été lancé mobilisant plus de 400 créateurs pour créer une collection de 20 looks et accessoires pour la collection Automne-Hiver 2024.
Une expérience en ligne qui reste à améliorer
Les nouvelles technologies dont l’IA générative vont donc ainsi pouvoir participer à enrichir et à humaniser l’expérience avec les Maisons de luxe, d’autant plus qu’il semble rester d’importants progrès à faire lorsqu’il s’agit du parcours client en ligne. "En effet, selon une récente étude menée avec Altagama, si l’expérience client proposée en magasin dans le secteur du luxe est jugée comme "exceptionnelle", le ressenti est plutôt inverse lorsqu’il s’agit des achats en ligne. Il y a donc un impératif pour les marques de Luxe à relever les standards en e-commerce puis, à sélectionner sur chaque parcours client des moments où l’on va retrouver de la magie, si spécifique à ce secteur", analyse Pierre-François Marteau, Partner chez The Boston Consulting Group. Il y a donc un enjeu pour les marques de luxe à revoir aussi bien les aspects fonctionnels de l’expérience en ligne tout comme créer de l’enchantement de façon omnicanale.
Mais est-ce la fin d’Instagram ?
Face au succès grandissant de TikTok ou Red, d’aucuns s’interrogent sur la future pertinence d’Instagram dans les dispositifs médias : "une récente étude menée conjointement par Launchmetrics et LYST auprès de plus de 3500 marques dans le monde confirme plutôt une tendance inverse, à savoir une logique de consolidation. Ainsi, si l'on ne retrouve pas 50 à 55% des investissements du mix média sur Instagram, on constate une baisse de ROI aux alentours de 15 à 20% !", explique Michael Jais, CEO de Launchmetrics. Au 1er semestre 2023, Instagram représentait ainsi plus de 57% des publications, tant en termes de volume que de valeur, avec un poids estimé des publications (MIV) à 16,9 milliards de dollars.
Alors, comment émerger sur Instagram ? Michael Jais prend l’exemple du secteur du parfum, un univers qui, malgré un éveil des sens plus olfactif que visuel, surperforme sur la plateforme sociale : "En tête des marques de parfum sur TikTok arrivent Dior, Chanel et Prada, avec un fait intéressant : ces deux marques qui arrivent en 2e et 3e position ont opté pour des positionnements en social media très différents. Chanel joue le jeu du "souvenir iconique" tandis que Prada, qui est passé de la 8e à la 3e place en un an, mise quant à elle, sur l’authenticité, notamment au travers de sa dernière campagne avec Emma Watson en tant que réalisatrice et actrice des spots publicitaires et où elle se confie sur ses doutes, ses réflexions…", détaille celui-ci.
Nouveaux territoires géographiques : le momentum est venu !
Enfin, l’innovation dans le Luxe se traduit aussi par la conquête de nouveaux territoires géographiques dont l’Inde, présentée depuis un dizaine d’années comme "la nouvelle Chine". Plusieurs chiffres confirment aujourd’hui cet attrait : le marché indien du luxe devrait passer de 2,5 milliards de dollars en 2021 à 8,5 milliards en 2023 (Bain & Company), tandis que la clientèle de luxe augmente aussi bien en nombre et qu’en valeur.
Comment aborder ce nouvel espace de créativité ? "D’abord en tenant compte du fait que le luxe fait partie de l’ADN de l’Inde, où l’on retrouve de nombreuses dorures dans les temples, lors des cérémonies religieuses… Ensuite, en développant des partenariats "d’égal à égal", à l’instar de la Maison Hermès qui a développé plusieurs collections de saris conçues avec la designer Sunita Kumar", recommande Alexandre Guerin, CEO IPSOS France.
Pour aller plus loin, rendez-vous :
- le 12 décembre pour la 10e édition Paris Luxury Summit organisé par CBNews, sur le thème "Full Paradoxal".
- le 14 décembre pour le prochain live du Journal du Luxe Intelligence.