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Chronique
Quand le Luxe danse sur le volcan de la finance
Publié le par Eric Briones
Chers amis, s’il y a un livre à dévorer sans modération en ce début d’année, c’est bien "Danser sur le volcan", publié chez Grasset, et signé par notre collègue Sophie Abriat, journaliste chez M Le Monde. Avec brio et profondeur, elle explore un thème qui m’est cher : l’extension du domaine du luxe, cette luxification de la société qui façonne notre époque.
Sophie Abriat sera l’une de nos invitées lors de notre prochain Live Intelligence sur le LinkedIn du Journal du Luxe, le jeudi 20 février à 11h30. Une occasion en or pour plonger dans les coulisses d’un phénomène qui bouleverse aussi bien l’industrie que notre imaginaire collectif.
Mais cette année, un basculement s’opère… Pourtant, et c’est une première, je vais prendre le contrepied de cette idée de luxification. Car en ce début d’année 2025, totalement folle pour notre industrie, une tout autre dynamique s’impose avec force : la financiarisation du luxe.
La Financiarisation du Luxe rend fou…
En 2025, le poids des maisons de luxe dans le CAC 40 reste dominant, représentant environ 20 % de l’indice parisien, malgré un recul par rapport aux sommets de 2023. Un chiffre qui témoigne toujours de la puissance du secteur, mais qui ne suffit plus à rassurer les investisseurs.
Car depuis 2024, une crise profonde a chamboulé les perceptions. D’ex-chouchous des analystes, les maisons de luxe sont devenues leurs souffre-douleurs. Autrefois portés aux nues, les acteurs du secteur subissent désormais une pression féroce, alimentée par des experts transformés en augures d’une apocalypse imminente. Ce climat de nervosité extrême plonge l’industrie dans une forme étrange de dépression molle, où l’angoisse et l’incertitude cohabitent dans un cocktail explosif.
Plus important que la Fashion Week : la publication des résultats financiers
Aujourd’hui, la communication financière autour des résultats trimestriels est devenue un exercice absolument déterminant. Il ne suffit plus d’atteindre les prévisions : il faut les surpasser, sous peine de subir une correction brutale en Bourse.
Dans ce contexte, les analystes sont devenus les nouveaux influenceurs de la presse financière, capables d’encenser ou d’enterrer une marque en quelques secondes. Et cette année, une nouvelle tendance s’est imposée : faire le buzz juste avant l’annonce de ses résultats.
Sabato De Sarno OUT chez Gucci, Jacquemus IN chez L’Oréal Luxe
Deux événements récents restent gravés dans l’histoire de la communication financière du luxe et de la beauté.
Le 6 février, Gucci annonce le départ (tant réclamé par les observateurs) de Sabato De Sarno, après une collection qui n’a jamais réussi à convaincre.
Le 7 février, L’Oréal Luxe frappe fort en révélant son investissement surprise dans le capital de Jacquemus, accompagné d’un deal exclusif pour propulser la marque chouchou de Simon Porte dans l’univers de la beauté.
Et ce n’est pas un hasard : ces annonces sont tombées quelques heures avant la publication des résultats trimestriels. L’effet a été immédiat : le cours de Kering a bondi de 3 % en réaction. À croire que De Sarno a été sacrifié sur l’autel de la finance… ou plutôt sur le volcan de la financiarisation !
Une nouvelle ère pour le luxe ?
Alors, faut-il voir dans cette tendance une simple stratégie opportuniste ou un changement structurel du secteur ? Une chose est sûre : le luxe se joue désormais autant sur les podiums que sur les marchés financiers, et les marques doivent apprendre à danser sur ce nouveau volcan… au risque d’y laisser quelques plumes.
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